Calaveras rue des Cascades (04.11.2007)
Martin Ramirez par Mary Altaffer/AP Photo
J’étais partie pour vous parler de cette nouvelle qui doit mettre en ébullition tous les collectionneurs d’art brut : on vient de retrouver un paquet de dessins inconnus de Martin Ramirez, quand la rue des Cascades s’est jetée en travers de ma route.
Gravure par Kristin Meller
En cette fin de journée à lumière parisienne propice je me dirigeais, bras dessus bras dessous avec mon petit kodak, en direction d’une galerie du 20e arrondissement où Le jour des mort au Mexique était évoqué par un autel à offrandes et par des calaveras dans l’atelier de l’Association pour l’estampe et l’art populaire.
La rue des Cascades est une drôle de voie serpentine ainsi nommée -j’imagine- parce qu’on y captait des sources et qu’on y croise encore des «regards», édifiés pour surveiller icelles.
J’allais atteindre le 49 bis où ce que crèche l’asso en question lorsque, non loin de la maison utilisée par Jacques Becker comme décor pour son Casque d’Or, je suis tombée sur une cascade de graffiti sculptés comme on n’en fait plus.
C’est à l’exact coin de la dégringolante rue des Savies et de sa cascadeuse voisine. Un morceau aux allures furieusement provinciales qui fait tout son possible pour oublier les rénovations à prétentions modérées ambiantes sans pour autant tomber dans le musée à touristes.
Vous mordez le truc ? Là, sur un mur de jardin de curé couronné de plantes mal peignées, comme une page de croquis griffonnés sans fignolage, de drôles de têtes se bousculent, pas de la même main on dirait.
La proximité d’un Espace Louise Michel (où les glandeurs du dimanche étaient invités, par voie d’ affichette rétro, à une expo sur L’Espagne et ses républicains pour témoins) explique sans doute qu’à des têtes de mort, l’un des sculpteurs anonymes du mur des Cascades ait cru bon d’ajouter des messages adaptés à l’histoire du quartier :
«Anarchie»,
«Vive la Commune»
Une rapide enquête de votre petite âme errante lui a permis de savoir que cette œuvre lapidaire, urbaine en diable, avait été attribuée à un «artiste-ouvrier» qui a nié en être l’auteur.
C’est vrai, qu’à côté de figurations sauvages, on croit discerner dans ces graffiti une certaine élégance de trait qui pourrait être la marque d’un artiste pure laine.
Un gus en tous cas qui serait au parfum de Brassaï et qui n’aurait pas craint, à cause de ça, de recourir au grattage, une technique plutôt négligée en nos jolis temps pressés comme lavement.
C’est en songeant à tout ça, qu’au bout de la rue des Cascades, j’ai rencontré, près d’un kébab, la Sirène de Ménilmontant .
23:55 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : calaveras, graffiti, martin ramirez, art brut | | Imprimer | | |
Commentaires
Les graffitti vous enchantent? Connaissez-vous :
1°) le Mur de graffitti "marins" de Saint-Simon (Charente), au bord du fleuve éponyme?
2°) Le "musée (un bien grand mot) des graffitti, dans le "clocher" de l'église de Marsilly (Charente-Maritime ?) déjà sité par madame Péache, me sembla-t-il...
3°) Ceux des murs de Brouage... (bien cachés)...
Une question; les murs graffés dans le coin de la rue des Cascades sont-ils crépis de ciment, ou en terre crue ? Merci de votre réponse qui peut attendre 5-6, jours si vous voulez... Y a pas péril en la demeure.
Écrit par : Belvert en son Jardin | 06.11.2007
... Vous aviez bien compris : "sité" au sens de localisé ! Pratique la sémantique orthographique pour la cacographies !
Écrit par : belvert en son Jardin | 06.11.2007
Moi qui ai aussi photographié ce mur graffité rue des Cascades il y a déjà quelques années, je me souviens que son revêtement n'est pas en ciment justement, ciment qui est difficile à inciser profondément comme c'est le cas sur ce mur. C'est une matière plus tendre, devenue rare à Paris, qui a justement permis ces graffitis en creux aussi rares. Les murs plâtreux ont disparu, les revêtements plus durs ont fait venir les graffeurs, les pulvérisateurs de laque, les bombeurs.
Pour voir s'il y a eu des ajouts, des modifications par rapport aux photos de Madame Animula, je mettrai en ligne un de ces jours la ou les photos que j'avais faites (je ne sais plus où elle sont pour le moment).
Écrit par : Le Sciapode | 06.11.2007
Bravo pour cette An..émulation monsieur L.S. Profitez-en aussi pour me dire si l'on est bien dans la terre crue (ou le pisé ???) pour obtenir de tels effets quasiment en 3D. On dirait un mur de terre crue recouverte d'un crépi (que l'on devine lépreux sur une photo d'Ani...)
Je me suis un temps intéressé aux maisons de terre crue de Terra Villa à Ouzilly-Vignolles ( si vous me dénichez ça, Monsieur L.S. vous aurez gagné une boussole en chocolat !), ainsi qu'à une vieille forge du XVIII° à Lesterps (Charente) aux murs de terre crue et dans son jus !, à deux pas de la prestigieuse Abbaye, monument classé M.H., forge vouée à la démolition par arrêté de 2006, signé en bonne et due forme par l'ABF. Or cette destruction va laisser une "dent creuse" à deux pas du monument, cassant ainsi la perspective de toits de tuiles canal... Vous imaginez la suite co-visuellement parlant !
Lesterps? c'est sans boussole : Confolens, Esse, Lesterps, Brigueil, Saint-Junien... et c'est si beau cette Charente limousine, si beau.
Écrit par : belvert | 06.11.2007
Et personne ne parle de ce Ramirez sorti d'un chapeau ? Voilà pourtant un bel exemple de ce que j'ai tenté de dire dans le commentaire sur la note "le tribun de la Toussaint", tout droit venu de ce réel psychique inconscient dont Mallarmé nous a donné un exemple personnel dans son texte : "le démon de l'analogie". Un écho formel fait se répondre en miroir les voiles et les vagues. Dans cet échange inattendu la réalité vacille et se connote d'étrangeté, l'eau se fait plus lourde, le vent se hérisse de piquants et la barque montre les dents...
Écrit par : Beatrice Steiner | 08.11.2007