Brute de caricature ! (18.03.2008)
Au rayon des convergences possibles entre l’art tout court et l’art brut, en voici une digne de figurer en tête de gondole. Cette extraordinaire image qui représente un moustachu dressé devant un monstrueux crapaud dont chaque pustule est une tête hurlante m’a littéralement envoyée par terre quand je l’ai découverte. Elle fait la une du catalogue d’une vente d’objets, tableaux et archives qui aura lieu à l’Hôtel des Ventes des Salorges à Nantes le samedi 29 mars 2008.
Bravo à ce monsieur Eric Séguineau expert qui a su la choisir dans les affaires d’Aristide Briand sur le point de subir le feu des enchères. Reproduire cette lithographie de Jean Véber plutôt qu’une médaille de la chambre des députés, chapeau, il fallait le faire !
Cette caricature délirante m’a immédiatement fait penser à un dessin d’Edmund Monsiel. Où, sinon là, se trouver confrontée à un tel fourmillement glauque de regards?
Bien sûr les palpitantes prunelles viennent chez Monsiel de l’intérieur de l’âme, tandis que l’orateur dans la litho de Véber) a devant lui les venimeux gros yeux d’adversaires extérieurs, ceux de ses chers collègues de l’Assemblée nationale.
L’étrange talent du peintre et dessinateur Jean Véber (1864-1928), qui bossait pour les journaux satiriques type Assiette au beurre, nous rappelle qu’il y a quelque chose à chercher du côté de la caricature parce qu’elle ne fait pas barrage aux forces obscures de l’inconscient dans ses meilleurs moments. Et puis c’est à l’Aristide -assez Briand pour avoir décroché le Prix Nobel de la Paix en 1926 – que l’on doit la Loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905. Cela mérite que vous vous chargiez les neurones de son nom, mes chers Animuliens. De son nom, de celui de Jean Véber qui mourut en 1928 d’avoir trop respiré les gaz de la guerre de 14-18. Pour le crapaud j’ignore comment il s’appelle.
17:16 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : edmund monsiel, jean véber, art brut | | Imprimer | | |
Commentaires
Saisissant en effet!
C'est une bonne idée de chercher du côté de la caricature.
Je vous signale un excellent article de Catherine Péquignot-Desprats "Plaisirs de contrebande - ou des enjeux malins de la caricature" paru il y a longtemps déjà dans Expression et Signe (Psychologie Médicale, 1988, 20,6: 893-897). Elle s'appuie sur des textes de Freud (le mot d'esprit dans ses rapports avec l'inconscient) et de Kris (Psychanalyse de l'art) pour analyser le procédé graphique et les processus psychiques qui le sous-tendent.
Je verrais une différence entre ce crapaud et les regards enchevêtrés de Monsiel: Monsiel dénonce l'omniprésence du regard sans lui affecter d'autre sens plus précis que sa moustache de gendarme - tandis que la satire émerge clairement du dessin de Véber.
Merci pour vos trouvailles!!
Écrit par : Beatrice Steiner | 20.03.2008