Animula et les Animos (03.05.2008)
Oyez, oyez ! Animoyez !
Une méga-nimo rétrospective Michel Nedjar se concocte à Wien en Animautruche (pardon, Autriche) au Gugging Art Brut Center ainsi dénommé depuis qu’on parle anglais dans la patrie de L’homme sans qualités et de Robert Musil réunis. On ne sait plus très bien ce qu’est devenu le «Klosterneuburg» qui faisait vraiment trop germanique mais l’adresse de Gugging est la même qu’avant : Haupstrasse (Main street), 2 . C’est du 31 mai 2008 au 22 février 2009, donc vous avez tout le temps d’y anim-aller ou de vous procurer le catalogue de Johann Feilacher faute de mieux.
Tant pis pour vous si l’english et le deutsch sont du chinois pour vous et si vous ne lisez que le français, la langue de l’artiste. Il faudra vous contenter des 290 images en couleurs ou apprendre en 3 mois les animu-langues étrangères grâce à la méthode à Mimile rectifiée Internet.
De toutes façons, c’est un «rendez-vous à ne pas manquer» comme nous le certifie la Galerie parisienne Polad-Hardouin (86, rue Quincampoix dans le 3e) qui -comme ça se trouve- expose simultanément Marcel Katuchevski et… Nedjar Michel du 24 avril au 31 mai 2008.
C’est qu’au Gugging, il y aura «poupées et dessins de toutes les époques». Par «toutes les époques», il faut entendre aussi celle -maintenant lointaine- où Michel Nedjar était un créateur d’art brut pur laine et non cet estimable artiste expérimenté que l’on croise dans les vernissages et sur lequel le marché américain louche. En ce temps-là, il ne serait venu à personne de traiter les bouleversantes, bitumeuses et torturées créatures nedjariennes de «poupées».
Le mot qui venait à la bouche c’était plutôt «momies» et ceux qui avaient voyagé, ça les faisait penser à ces Danois étranglés, retrouvés intacts dans les tourbières où on les avait jetés au Moyen-âge.
Aujourd’hui encore, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur la couvrante du catalogue de l’expo Nedjar à Gugging pour que ce vocabulaire de nursery rhymes nous vénère un brin. Le travail de Nedjar reste trop chargé pour être enterré sous les sucreries, quoi! Mais admettons, il faut vivre avec son temps, c’est à dire avec son langage. Donc, en avant pour les poupées! Ambiance Barbie à tous les étages! Avec tout de même un palier où ça coince. Celui où le site de Gugging nous virgule sans vergogne sa petite phrase qui tue : «Michel Nedjar is undisputedly one of the most important living artists of the French Art Brut movement». Je t’en ficherai, moi, des mouvements!
Neuilly-sur-Marne, 1984-1997
Michel Nedjar, qui fut un des fondateurs de L’Aracine aux côtés de Claire Teller et de Madeleine Lommel, doit bien savoir qu’il n’y a pas de «mouvement Art Brut», fransoze ou non. Les mouvements c’est bon pour les ismes : outsiderisme, singulièrisme, dissidentisme. Les créateurs d’art brut sont d’enragés individualistes, indifférents au collectif, fût-il créatif.
Les créateurs d’art brut sont seuls au monde dans leur coquille
Et Gugging pour l’avoir oublié mérite un bref passage par la case Nos amies les bêtes.
N O S iiA M I E S iiL E S iiB Ê T E S
14:47 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : michel nedjar, marcel katuchevski | | Imprimer | | |
Commentaires
..."En ce temps-là, il ne serait venu à personne de traiter les bouleversantes, bitumeuses et torturées créatures nedjariennes de «poupées»."...
Dites-vous...
Eh bien, vous avez écrit un peu vite, mais on vous excuse parce que c'est la faute aux blogs qui inclinent leurs pratiquants à ce genre de propos trop hâtifs...
Veuillez vous reporter, s'il vous plaît (ça faisait vingt-six ans que j'attendais l'occasion d'utiliser cette publication!), au dépliant contenant un certain nombre de feuilles détachées qui avait servi de catalogue à la première exposition de l'association l'Aracine du 8 janvier au 14 février 1982, "Jardins Barbares", à la Maison de la Culture de Seine Saint-Denis à Aulnay-sous-Bois (la conception était dûe, c'est imprimé de façon fautive et amusante, entre autres, à Madeleine "Lonné", femme-valise sans doute composée d'un mixte de Madeleine Lommel et de Raphaël Lonné...).
Dans ce semblant de catalogue, donc, on trouvait une feuille consacrée à Michel Nedjar qui faisait partie des exposants (je me souviens très bien d'avoir vu ses tas de "momies", comme vous les appelez effectivement avec justesse).
Votre affirmation rapide qu'on n'utilisait pas ce terme de "poupées" est parfaitement contredite par le texte de cette feuille de catalogue dû précisément à Michel Nedjar "himself"...
"Petit, j'ai joué avec les poupées de mes soeurs par l'intermédiaire exclusif du vêtement. Transgression du tabou de la poupée pour le garçon en m'appropriant un baigneur cassé que j'entoure de chiffons divers. Ma vie dans un milieu où la machine à coudre et le chiffon sont de vraies valeurs puisque mon père est tailleur.
Une grand-mère dans les Schmattess, une chiffonnière. Un père dans la confection, un tailleur.
Grand'mère la matière et père l'aiguille-qui-rassemble-ça. La chiffonnière et le tailleur: c'est drôle ces deux rencontres, comment je les ai... pour donner une petite créature.
Les poupées que je fais c'est leur enfant, le centre où se rassemblent les énergies de ma grand'mère et de mon père. (Propos de Michel Nedjar rassemblés par Mona Thomas)".
Voili-voilà. Alors?
Écrit par : Le Korrekteur implakable | 04.05.2008
@Korrekteur
Alors, d'après vous mon péché mignon c'est la rapidité et le vôtre la lenteur.
A l'avenir, ne vous retenez pas 26 ans car si vous avez assisté aux débuts de Nedjar, vous risquez d'être un joli papy la prochaine fois.
A propos du mot "poupées", vous soulignez que c'est l'artiste lui-même qui depuis toujours l'emploie. Cela n'avait pas échappé à ma petite cervelle de piaf mais pourquoi penser que mes lecteurs l'ignoraient?
Dans les limites de ce blogounet, il m'était difficile de me répandre sur l'écart existant entre le côté "anodin" de ce terme "choisi" et le contenu plutôt radical de l'oeuvre.
Il aurait fallu rappeler le contexte biographique où M.N. inscrit ce mot. Trop long!
Heureusement que vous êtes là pour nous mettre les points sur les (an)i.
Écrit par : Ani | 05.05.2008
Eh bien, mon commentaire aura au moins eu ce mérite de vous permettre de vous "répandre" un peu plus sur l'écart que vous avez pointé entre le terme de poupée employé par l'artiste et l'aspect bien différent que présente l'oeuvre (que je trouve personnellement assez peu radicale, je la qualifierai plutôt de fécale).
Écrit par : Le Korrekteur etc. | 06.05.2008
@Korrecteur etc.
Mille castors !*
Vous avez de ces mots !
Un vocabulaire critique de cacac 40.
Ani
* comme disait Blek Le Roc
Écrit par : Ani | 06.05.2008