Franck Calloway, 3 siècles d’art brut (26.10.2008)
Si je vous dis Calloway, vous pensez Cab et moi Franck, le champion du monde de la longévité brute. Franck Calloway, dessine des trains qui se prélassent sur des kilomètres de papier de boucherie, 7 à 9 heures par jour, près d’une fenêtre, dans une institution pour le 5e âge (car il a -tenez-vous bien- 112 balais) à Tuscaloosa en Alabama.
Des trains, des bateaux, des maisons, des véhicules de sa lointaine jeunesse puisque né en 1896, il est un trait d’union entre 3 siècles. Beaucoup de choses très colorées qui nous ouvrent une fenêtre sur un sud agricole disparu.
Photos AVAM
Aujourd’hui, comme je sors de 6 heures de T.G.V. avec de sales moutards qui balançaient des coups de pied dans mon fauteuil pour passer le temps, c’est surtout les trains qui m’ont frappée. Rien de tel que le train, même sur coussin d’air, pour vous ramener à la cadence. Moins de tchou-tchou mais toujours le défilé du paysage, les saccades, le trou noir du prochain tunnel.
Quelque chose me dit que Franck Calloway, qui ne voyage plus guère que dans sa belle salopette en jeans bleue, est sensible à ce genre de chose : une sorte d’auto-engendrement presque infini (il faut bien changer de rouleau de papier parfois) des formes. Le fait qu’il se récite volontiers des tables de multiplication me fait penser que son propos n’est pas si naïf qu’il en a l’air.
Eloigné en tous cas d’une préoccupation purement descriptive. Proche de nos basiques circuits mentaux. Automatiques pour tout dire. «There is a presence with him, I’m telling you, that feels angelic» dit pour sa part Rebecca Hoffberger, la directrice de l’American Visionary Art Museum de Baltimore qui a eu la bonne idée d’accueillir 18 rouleaux de dessins au stylo à bille, crayon et marqueur de ce super-papy créatif dans son exposition intitulée The Marriage of Art, Science & Philosophy.
The Marriage of Art, Science & Philosophy@AVAM-Photo Mark Barry
The Marriage of Art, Science & Philosophy@AVAM-Photo Mark Barry
Franck Calloway est si en forme qu’il s’est, paraît-il, tapé la distance qui sépare l’Alabama du Maryland en avion pour l’inauguration qui a eu lieu le 4 octobre 2008. On souhaite ardemment, bien sûr, pour peu que la schizophrénie conserve, qu’il soit toujours avec nous quand sera venue l’heure de la fermeture de l’expo le 6 septembre 2009. Le diagnostic porté sur lui en 1952 peut bien l’avoir conduit, depuis ce temps là à vivre dans diverses institutions, nous avons grand besoin de ces magiques compositions défilantes, si loin de la statique peinture de chevalet.
Avec les années ses protecteurs ont égaré les traces de sa vie d’avant. Lui, évoque des souvenirs de métiers durs : poseur de rails, bûcheron, fermier, forgeron peut-être. Peu d’école. Juste le temps qu’un instit l’encourage à dessiner. Puis plus rien. Jusqu’à ce qu’en 1980 (il a 84 ans), son talent se réveille sous l’effet de son intégration dans une «art class». Merci l’art-thérapie. Grâce à elle, cette fois, un des plus vieux types de la planète n’a plus quitté la seule activité qu’il aime et qu’il considère comme son job : le dessin à l’état brut.
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