Opicinus de Canistris (21.12.2005)
Opicinus est ressuscité.
Opicinus de Canistris. Opi pour les dames. Rien à voir avec les Hopis du désert de l’Arizona. Opi vient au monde près de Pavie en 1296. Il occupe le même job (scribe) de 1330 à sa mort en 1351. Jusque là, rien d’extraordinaire, à part son nom qui a de la gueule. En ce temps là les papes sont en Avignon. Opicinus qui a eu une jeunesse agitée s’y fixe et y trouve un terrain d’élection pour son festival. Quand il y arrive en 1329, il est plutôt destroy et miné par les privations. C’est qu’il sort d’une dérive qui a duré plusieurs années du fait de l’excommunication qui le frappe. Accusé de délit simoniaque, lui qui était prêtre. La simonie c’est pas une perversion sexuelle comme vous l’imaginez, bande de polissons. D’après mon Petit Robert, cela signifie que l’Opi s’était livré à des trafics de choses spirituelles. De quoi faire désordre à une époque où François d’Assise s’efforce de faire le ménage dans l’Eglise à grands coups de stigmates.
Mais, je m’égare. Revenons en Avignon, au Palais des papes, en l’an 2000, où votre petite âme errante se souvient d’avoir vu 4 parchemins d’Opicinus dans une salle ayant dû servir de prison si on en croit les graffiti sur les murs : «c’est la faute d’une vache si je suis ici, vive l’Anarchie».
Moi, qui était là pour une dégustation de vins de Provence, je suis restée le kiki serré devant ces dessins fantastico-cosmiques à base cartographique où l’auteur anthropomorphise les continents en interprétant leurs contours. Opicinus est considéré par Muriel Laharie comme «le premier paraphrène connu de l’histoire de la psychiatrie». Je sais pas ce que ça veut dire mais, dans le cas d’Opi, ça signifie qu’après un sévère déjantage, il se met grosso modo à se prendre pour Dieu et à vouloir être pape.
En résultent deux importants manuscrits conservés à la Bibliothèque vaticane qui sont périodiquement l’objet de la curiosité des décrypteurs. Ces temps-ci sort aux Editions Le Léopard d’Or un bouquin de 60 €, 484 pages et 8 planches sur le sujet. Son titre ? Opicinus de Canistris, prêtre, pape et christ ressuscité. Son auteur ? Guy Roux, «neuropsychiatre libéral». Celui-ci aurait déjà écrit autre chose sur Opi mais j’ai dû manquer un épisode.
01:20 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : opicinus de canistris | | Imprimer | | |
Commentaires
En effet, il y a déjà eu une édition aux memes éditions du Léopard d'or il y a quelques années sur Opicinus de Canistris par les memes auteurs dont vous parlez. Il semble que, si toutes les planches que vous avez utilisées en illustrations ont été extraites du livre, ce soit une édition "augmentée". Ce qui est assez énervant. Peuvent pas tout éditer d'un coup? Ca ferait moins cher...
L'Opicinus de Canistris (quel plaisir de prononcer un tel nom! On se sent tout de suite adorablement pédant) est à rapprocher du Kosek présenté actuellement à la galerie ABCD de Montreuil (n'est-ce pas, monsieur Marcel?). Tous deux des démiurges, tous deux des interprétateurs de cartes géographiques, ce qui fait partie, soit dit entre parenthèses (et qui ne l'a pas été dit dans le journal édité par ABCD), de quelque chose qui ressemble fort sinon à une tradition (les cartes postales de territoires avec des caricatures du caractère national de chaque pays d'Europe superposées aux territoires, par exemple), au moins à un corpus. Dommage que personne d'ABCD n'ait songé à nous en parler à l'occasion de l'exposition. Peur de relativiser, ce faisant, l'importance de l'oeuvre plastique de Kosek?
Amicalement, B.M.
Écrit par : Bruno Montpied | 21.12.2005
Un petit codicille rajouté à ce que je vous ai déjà envoyé: sur Opicinus de Canistris, la première référence en français à son sujet (et à ma connaissance), j'ai oublié de le souligner, est à chercher dans "La psychanalyse de l'art" d'Ernst Kris, paru évidemment longtemps avant le bouquin de Guy Roux (sur ce dernier, je ne compte plus les blagueurs qui me rétorquent régulièrement à quel point ils sont surpris d'apprendre que Guy Roux ne s'intéresse pas seulement au football...). C'est une note très bien informée de Roger Cardinal parue dans la revue Raw Vision, il y a déjà pas mal de temps, qui m'avait personnellement mis sur la voie. Dans les compte-rendus de lecture qui se trouvent généralement vers la fin de cette revue, généralement facile à lire "en diagonale"...
Amicalement,
B.M.
Écrit par : Bruno Montpied | 21.12.2005