Hey! passe le cap du n°3 (29.09.2010)
Hey! passe bien le cap. Le cap du n°3. C’est généralement à ce stade qu’on attend une revue au tournant. Au n°1 on s’interroge, au 2 on se montre un peu distraite et au 3 on abandonne… ou bien on se réveille, suivant la qualité de la bête
Avec cette troisième mouture, Hey! nous sort de notre torpeur. Hey! nous joue de la vuvuzela. Hey! confirme certaines qualités que les fées de l’art moderne et de la pop culture avaient soufflées sur son berceau. Par «art moderne», il ne faut pas entendre un art prout prout prise de tête ou néo-dada dopé à l’outsider. Par «pop culture», il ne faut pas comprendre post-warholisme sur le retour d’âge.
Hey! relève plutôt de l’air du temps en ce qu’il emprunte aux mangas, à l’art de rues, aux tatouages, aux fanzines sérigraphiés, aux photo-montages, à l’esthétique trash, aux pièces montées en polyuréthane, aux scoubidous, aux décors de planches à roulettes et à ce que plus gentiment on appelle de l’art modeste, aux peintures populaires traditionnelles aussi, un peu cucul mais pas si naïves.
Dans ce joyeux mélange, palpitant comme la vie, l’art brut trouve d’autant mieux sa place que la maquette est ludique, que la lecture s’organise dans tous les sens, que textes et images se la jouent en liberté futuriste. Rapprochées dans ce n°3 d’une très belle section sur les ex-votos mexicains (ô Frida Kahlo!)
les très belles repros sur fond noir des sculptures hérissées de Sawada Shinichi (Art brut au Japon) ont beaucoup moins l’air de s’ennuyer qu’un Adolf Wölfli colocataire malgré lui d’un Marcel Duchamp dans le récent catalogue d’une récente expo d’un récent musée triplex.
Mais laissons là les comparaisons.
Le clou du 3 de Hey!, le morceau de bravoure de ce numéro dont la réalisation graphique est due à Guillaume Suard et où tout le staff montre de l’entrain, c’est pour moi Voodo Childs, un article qui présente les photos de Leah Gordon sur l’un des derniers carnavals traditionnels d’Haïti, celui de Jacmel.
Bien entendu, cette ville côtière du sud-est n’a pas été épargnée par le séisme de janvier dernier et il est d’autant plus frappant de respirer l’ambiance de poudre et de sueur, de haillons et de frissons, de terreur évoquée à l’état brut que ses habitants savaient imprimer à leur ville quand il carnavalaient encore. Leah Gordon est un photographe britannique qui depuis 15 ans a développé une relation intime avec Haïti. Son éthique autant que le matériel qu’elle utilise lui imposent de ne prendre les gens que s’ils sont volontaires. Certains refusent mais avec avec le temps, beaucoup la connaissent et on la laisse travailler. Comme un ethnologue, elle rétribue ses «modèles». Ceux-ci adoptent sans problème les poses saisissantes qui font partie des personnages qu’ils incarnent. Elles participent du truc comme leurs déguisements, leurs masques, le jus bitumeux dont ils s’enduisent… Un grand art venu du fond d’une pure révolte qui tord le cou de la misère.
23:49 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ex-votos, art brut, carnaval vaudou, haïti | | Imprimer | | |