Noël au chapon, Pâques au pilon (24.12.2011)
De l’art brut qui n’est pas de l’art brut, de l’air mille fois respiré qui se prend pour le vent du large… l’année se termine sans casser trois pattes à un canard.
La chose serait un brin déprimante s’il n’y avait le chapon de Noël. Farci, rôti, au four, laqué, cocotte, mâtiné cochon d’Inde, je ne sais pas si vous avez remarqué mais le chapon ces temps-ci a définitivement détroné l’oie.
Certes il n’a pas cette allure farouche qu’on observe chez ce noble palmidède quand il est dessiné par le caricaturiste Jossot mais il se pousse bougrement du col aujourd’hui que nous n’avons plus de Capitole.
C’est compréhensible d’ailleurs. Une oie c’est long à engraisser, fatigant à promener, lourd pour nos petits estomacs ravagés par les antibiotiques. Et puis ça a mauvais caractère. Le marché ne saurait se satisfaire d’un produit si aléatoire, si difficilement prévisible, si peu standardisable. Place au chapon donc, pourvu qu’il fasse semblant de tortiller du croupion.
Déjà les ateliers, les festivals, les musées de l’art chaponnier fleurissent. Toute la France va bouffer du chapon jusqu’à plus soif si ça continue. Et je vais chaponner ce soir moi aussi avec mon daddy, mon chéri-que-j’ai et deux ou trois animuliennes de choc.
Pour m’habituer à l’inévitable car il n’y a rien à faire contre un phénomène de mode quand il est porté par d’aussi puissantes raisons économiques.
Il reste certes de vaillants établissements où de jeunes chefs talentueux continuent de mitonner d’authentiques oies sauvages mais on les sent travaillés par la pression de l’opinion publique instrumentalisée par le spectacle culinaire.
Même s’ils savent bien où est la qualité, même s’ils proclament haut et fort (pub gratuite pour mon hébergeur) que le doute ne s’installe nullement sous leur toque, ils n’en cherchent pas moins la bénédiction de la critique gastronomique officielle depuis toujours spécialiste de l’enfumage… de l’oie.
Car on n’en est plus, dans ces sphères médiatiques blanchies sous le harnois, à nier comme jadis l’existence de ladite oie. On s’emploie activement au contraire à lui faire les poches en proclamant sur la place publique son équivalence avec le chapon cholestérique. Le but de la manœuvre est évident : obtenir une modification du goût en faveur du poulaga privé de coucougnettes.
S’y prêter sous prétexte de largeur de vue «anisotropique» (une variété d’opportunisme ?) relèverait d’une touchante candeur. On ne peut à la fois prétendre faire de l’entrisme sur la scène de la grosse cuisine contemporaine et introduire le renard dans le poulailler.
Même quand celui-ci se déguise en humble disciple de l’oie. A moins, bien entendu, de se faire l’apôtre d’une pensée unique qui n’a d’autre argument que la stigmatisation grondeuse du soi-disant «clergé» animanichéen qui persiste à soutenir qu’une oie est une oie. J’interromps là mon cacardage.
Non sans finir ce jeu de l’oie sur une note optimiste. (cliquer sur l'image)
Tout ce buzz alimentaire signe le retour de l’oie libre à la clandestinité. Et rien ne lui va mieux au teint. Les vrais amateurs s’en réjouiront. Ils s’élancent déjà derrière elle dans les prés.
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Commentaires
Que la mère l'oie protège bien ses petits !
Écrit par : Valérie | 30.12.2011