Jean L’Anselme a passé l’Arme à gauche (04.01.2012)
Il m’avait donné son Caleçon. Il aurait donné sa chemise. A qui aimait sa poésie, il aimait faire cadeau d’une dédicace, d’un bon(bon) mot, d’une de ces rares plaquettes qu’il sema tout au long de sa trop courte vie de nonagénaire impénitent.
Grâce à Jean Dubuffet, il avait appris à écrire de la main gauche et il signait de la main droite pour André Breton.
La couverture de sa Sourieuse rose avait un peu pâli mais c’est toujours avec plaisir, avec une émotion toujours légère, parce qu’amusée, que je passais le plumeau sur son œuvre. Pas de grand ménage sans que je ne caresse quelques uns de ses livres, dotés d’une étagère restée accessible dans ma bibliothèque surpeuplée. Et dans mon cœur d’artichaut toujours prêt à lui faire des infidélités avec Norge, Verheggen, Ian Monk ou Louise de Vilmorin.
Ce matin encore, j’avais joué du Tambour, un robuste volume noir à la typographie blanche. Blanche comme la chevelure généreuse de l’auteur par laquelle on aurait voulu tirer quelque chose de cette sagesse dérobée, glissante, électrique qui caractérisait ses «bêtises», ses poèmes d’un «vieux con comme la lune», ses pensées d’un ex-enfant triste et d’un petit annonceur de bonheur de la langue.
«Le cyclamen n’est pas un vélo de curé, comme on pourrait le croire» lui arrivait-il de dire et je ris à l’idée de ce que cette phrase pourra produire là où il est maintenant et là où nous nous dirigeons tous.
Né le dernier jour de l’année 1919, Jean-Marc Minotte s’est éclipsé –dernier clin d’œil– l’avant-dernier jour de 2011. Permis de rire, défense de pleurer! On ne pleure pas un homme qui écrit : «Le laid n’est pas si moche, c’est pas ce qu’il y a de pis, c’est avec du laid que je fais mon beurre».
On l’applaudit. Applaudissons, polissons, calissons Minotte.
Jean-Marc Minotte dit Jean L’Anselme pour la poésie.
23:55 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : jean l'anselme, jean-marc minotte | | Imprimer | | |
Commentaires
Dubuffet écrivait à Jean L'Anselme le 3 septembre 1981 (après réception et lecture de "La France et ses environs") :
"Avec grande admiration pour la constance avec laquelle vous avez poursuivi tout au long de votre vie, sans jamais vous en écarter, l'exploitation de votre registre si exceptionnel (le registre du plus immédiat et du plus banal) et pour les merveilleux fruits que vous en avez livrés, à vous très chaleureusement.
Jean Dubuffet
Chaissac aussi visait à un tel registre. Nous sommes les membres (très peu nombreux) de la confrérie du Banal"
Écrit par : B.Brun | 05.01.2012
Un excellent article ! Merci !
Écrit par : Buzz | 16.01.2012
salut, avec ma revue papier Comme en poésie je compte réaliser pour cet été un numéro, le 50, les amis de jean L'Anselme dont je fus l''ami aussi. Si vous êtes intéressé Comme en poésie 2149 av du tour du lac 40150 Hossegor. 06 70 58 56 07
Écrit par : jean pierre lesieur | 25.02.2012