«Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud» (22.04.2006)

«Tout sur le personnage». Si le titre n’était déjà pris, on pourrait l’utiliser pour le petit bouquin d’Emmanuel Venet paru cette année aux Editions Verdier : Ferdière, psychiatre d’Antonin Artaud. Gaston Ferdière, on a trop souvent l’habitude de voir son cas assassiné en deux ou trois coups de cuillers à pot. Des gens qui l’ont connu ni d’Eve ni d’Adam, qui croient tatie Thévenin comme la foudre ou qui préfèrent oublier que Ferdière a gagné son procès en diffamation contre les lettristes colportent toujours à son sujet la même légende crade. Il aurait ratatiné Artaud par ses électrochocs, quand il est patent qu’il l’a sauvé de la famine imposée par les nazis aux malheureux zinzins des asiles et qu’il a su, grosso modo, le remettre à son boulot d’écrivain. Pour autant, le personnage est complexe, l’homme irritant et provocateur, imprudent parfois. Ferdière attire et déçoit. On reste sur sa faim quand on tombe sur ses articles -toujours un peu bâclés– sur l’art des schizos. Et le découragement nous prend si on croise ses poésies ou ses mémoires (Les mauvaises fréquentations, 1978). On se dit qu’il faudrait une grosse bio des familles pour cerner un gaillard aux facettes si contradictoires. Et bien, faut croire que non. Lisez les 43 pages du texte de Venet. Ce psychiatre lyonnais a réussi à rendre compte de la nature profondément paradoxale du turbulent, brouillon et en définitive looser Gaston Ferdière. C’est le miracle de l’écriture, ça s’explique pas. Emmanuel Venet domine son sujet, caracole sur sa documentation, feinte, esquive et synthétise. Au bout du compte un portrait équilibré qui éclaire aussi le rôle dissolvant d’Artaud. On croise aussi Dubuffet et Raphaël Lonné que Ferdière encouragea. 5,50 € et l’assurance de comprendre un peu mieux un homme-caméléon d’une époque charnière.

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