Maison Picassiette : Y’a pas photo ! (19.08.2012)
En revenant du Maine et Loire, que croyez-vous qu’Ani fit? Dans l’Eure et Loir, elle est passée. A Chartres elle s’est arrêtée. Non pour la rime mais pour revoir la maison de Raymond Isidore qu’elle a visitée petite avec son daddy.
En ce temps là, c’était de tout repos, la rue du Repos. On se promenait chez «Picassiette» en toute sérénité. Le créateur n’aimait guère ce surnom péjoratif qui lui avait été donné par des concitoyens soucieux de souligner l’écart entre son art et celui de Picasso. Il n’appréciait pas plus d’avoir été relégué parmi les morts dans le cimetière voisin où on l’avait nommé cantonnier.
Mais l’univers de mosaïques qu’il avait conçu, sur son terrain, dans sa maison et jusque sur ses meubles, chatoyait dans la grisaille ambiante de son quartier. De son vivant, son épouse et lui aimaient à recevoir les curieux. Je ne sache pas qu’alors, Raymond Isidore ait découragé les photographes. «Je donne toujours l’autorisation de prendre des photos» écrit-il même à Anatole Jakovsky (cf. Les Cahiers de Marottes et Violons d’Ingres n°60, p. 26).
Gilles Ehrmann, Robert Doisneau, Jacques Verroust, Maurice Zalewski, Michel Boudaud s’en donnèrent chez lui à cœur joie. Comme plus tard André Abegg, Maarten Kloos
Clovis Prévost
Paul Fuks
Massin
Entre 1962 et 2001, il s’est publié plusieurs albums photos sur Picassiette qu’il n’est pas trop difficile de se procurer. Et il y a gros à parier qu’au 20e siècle bon nombre de kodaks ont dû enregistrer les impressions des visiteurs (avis aux fouineurs d’archives familiales!!!).
Mais le 21e siècle est arrivé qui est une époque formidable. Une époque qui donne à la liberté des moyens nouveaux tout en ressuscitant des contraintes absurdes pour restreindre celle-ci. Naguère, on n’avait personne sur le dos pour rêver dans le jardin d’Isidore.
Aujourd’hui on force de braves employés municipaux à vous marquer à la culotte pour le cas où vous voudriez emporter un petit souvenir photographique. Le «règlement» maison vous ordonne de laisser votre appareil dans son étui. Combat d’arrière-garde : le web est déjà plein de photos de la maison d’Isidore. Les touristes japonais repartent sans comprendre.
Une atmosphère pénible de clandestinité et de délation s’instaure dans ce lieu d’enchantement. Une telle restriction est parfaitement abusive (sauf pour l’usage du flash bien entendu). Rien de légal ne peut vous empêcher de prendre une image pour vous la mettre en fond d’écran ou pour la réserver à votre album perso. Le caractère rétrograde de cette mesure arbitraire se mesure d’ailleurs au look ringard de l’appareil photo qui est représenté sur la pancarte inhibitrice.
On se demande dans quel monde ancien vit la personne qui a décidé cette mesure. Au lieu de se prendre pour le musée d’Orsay (où même là ce n’est pas gagné pour les restrictions à la liberté de photographier), l’administration de la Maison Picassiette ferait mieux d’entreprendre une campagne pédagogique pour expliquer aux visiteurs qu’il ne faut pas toucher les mosaïques de Raymond Isidore. Sur ce point comme j’ai pu le constater, il y a fort à faire. Et c’est plus dommageable que des prises de vue qui n’altèrent en rien l’œuvre du créateur chartrain et pour lesquelles on pourrait solliciter à la rigueur une redevance raisonnable. Si l’on veut générer des fonds pour les restaurations toujours indispensables.
19:28 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art brut, raymond isidore, maison picassiette, anatole jakovsky, clovis prévost, maarten kloos, paul fuks, michel ellenberger, massin | | Imprimer | | |
Commentaires
J'espère que les responsables concernés auront reçu un lien de cet article !
Écrit par : Michel Benoit | 19.08.2012
@Michel Benoist
Vous qui vivez dans une ville prestigieuse, mitraillée de partout à l' international, cela doit vous faire sourire.
Chartres aurait peut-être besoin d'un festival!
Ceci dit, j'ai beau être agacée, mon intention n'est pas de faire la leçon à quelqu'un(e).
Seulement de m'insérer dans un débat général en en développant les aspects spécifiques à ma paroisse.
Si ça contribue à faire réfléchir les décideurs, tant mieux.
Ces lieux d'art brut méritent un traitement spécial, adapté à leur nature poétique et à la furtivité fervente qui présida à leur édification.
Écrit par : Ani | 20.08.2012
dommage ! je compte y aller bientôt et j'espérais prendre quelques photos !!! je me souviens avoir visité cette maison dans les années 60. Je trouvais ça ringard, à l'époque, ce n'était pas très rock !!! . Maintenant, je verrai cela d'un autre oeil et j'espère bien m'amuser pendant cette visite
Écrit par : monique | 08.05.2014
@ Monique
En vous débrouillant, ça devrait pouvoir le faire.
Le gardien ne saurait être partout.
Discrétion et aplomb: passer inaperçue mais ne pas se laisser culpabiliser.
Ne pas insister si on vous fait les gros yeux mais rappeler tranquillement vos droits (voir plus haut).
Vos souvenirs des années 60 pourriez-vous en dire plus?
En vous souhaitant bien du fun chez Raymond Isidore.
Écrit par : Ani | 14.05.2014