Plongez dans l’art brut italien (19.10.2012)

Plouf, plouf ! Vous aviez rangé les palmes et le tuba ?         Il fallait pas. Le samedi 27 et le dimanche 28 octobre 2012, la Halle Saint-Pierre vous propose une «immersion» dans son grand bain en compagnie d’une fine équipe de plongeurs en eaux philosophiques, historiques, doctorales, anthropologiques, critiques et musicales.

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En consultant le programme, on s’aperçoit que pour ce week-end de brasse conférencière, la HSP remise un peu au vestiaire ces «banditi» qui font l’affiche de son actuelle exposition.

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Elle préfère mettre en avant «l’univers rebelle et inventif des auteurs d’art brut italien». Art brut, le mot est lâché. Ce n’est pas dommage.

Pour d’obscures raisons qui tenaient à une supposée méconnaissance de cette notion par le public italien, le co-commissaire argentin de l’exposition Banditi dell’arte, le danseur et comédien Gustavo Giacosa lui a préféré la formule vague de la bonne vieille création Hors les normes.

Mais on est en France et la Sainte Halle a un public fignolé à son image. Tout le monde s’est déplacé pour voir les merveilles brutes de Pietro Ghizzardi

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Giovanni Battista Podesta

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Giuseppe Righi, Luigi Sapretti, Carlo Zinelli

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et tutti quanti, groupés autour de l’œuf de Christophe Colomb du carabinier Francesco Toris.


 

Tout le monde s’est touité : «T’as vu l’art brut italien à la Halle St-Pierre?» et personne : «Rendez-vous à Banditi dell’arte cette aprème». Ce n’est pas dommage. Cette histoire de banditi m’a toujours tapé sur le système.

2006banditibig.jpgPas seulement parce que ce titre n’a rien d’inédit. En 2006, en effet, à Brescia, une exposition présentant des photos de Mario Del Curto, l’avait utilisé. Ironie du sort, elle était sous-titrée : Sulle vie dell’Art Brut (on repassera pour la «méconnaisance» dont je parlais plus haut).

Pas seulement parce que ce «banditisme» accolé aux créateurs d’art brut, trimballe son pesant de vieilles lunes romantiques hérité, chez nous, des histoires corses de Prosper Mérimée. Mais parce que, derrière cet aimable folklore littéraire se cache une réalité historique italienne moins croquignolette. Il n’est qu’à revoir Salvatore Giuliano, le film de Franceso Rosi pour comprendre ce que je veux dire. 

Plutôt que des «bandits», Filippo Bentivegna et Giovanni Bosco, Pier Paolo Pasolini cité en exergue du catalogue, sont par exemple des victimes du crime organisé. Concernant Bosco, il me semble en outre que la portée de sa création est ici mal appréciée.

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Pour des raisons de répartition, elle est trop limitée à ses activités de street-arteur. On touche là au problème récurrent du lieu : les deux salles de la Halle Saint-Pierre. On a trop voulu cette fois, sur les petits flyers qui sont distribués aux visiteurs, justifier l’injustifiable. Ce n’est pas parce que le bas concentre la substantifique moelle des «collections historiques et carcérales» qu’il faut lui opposer les soit-disant «représentants de l’art populaire contemporain».

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Car prétendre que Luigi Buffo, Joseph Barbiero ou Giovanni Bosco ne procèdent pas de «la rupture mentale radicale des auteurs d’art brut proprement dits», ce n’est pas seulement faux, c’est risible.

Il vous reste deux mois et demi pour visiter cette belle exposition qui entre dans son climax. Je vous conseille de le faire sans trop tenir compte de la sauce explicatoire qui va avec. Simplement en vous en mettant plein les mirettes mais sans lunettes de plongée.

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