L'OAF au Ā : une foire bien chambrée (28.10.2013)
Le pitch ce week end c’était : art brut à tous les étages. Je vous en ai pas parlé avant pour vous épargner le genre spoiler mais du jeudi 24 à sunday 27 c’était l’OAF au Ā.
L’OAF c’est l’Outsider Art Fair of New York. Mais les Américains, c’est bien connu, finissent toujours par faire du cinéma à Paris. Ce qui explique que le repérage ait été chercher vieux toits en zinc mouillés et petite rue étroite du 8e arrondissement avec vue sur bistrot. Pour sa version frenchie, l’OAF avait choisi d’investir, du lounge bar au grenier, l’Hôtel Le Ā comme Art et comme Affaires.
Une foire bien chambrée puisque chaque stand était logé dans l’une des 26 rooms de cet établissement au confort contemporain profilé comme une maison particulière. Un anti-Grand Pal en quelque sorte bien qu’à certains indices (la présence répétitive des pin-up maison de l’inévitable Bruenchenheim) certains exposants de l’OAF aient l’air de lorgner vers la FIAC voisine qui -paraît-il- entrebaillait ses portes à l’art brut, cette nouvelle coqueluche des petits malins.
Votre petite âme errante n’a pas eu le temps de se faire la totale (FIAC + OAF). Mais puisque cette année (mais pour combien de temps encore?) on pouvait choisir, elle a préféré se pencher sur l’alphabet de la rue d’Ārtois et gravir les escaliers à moquette zébrée (l’ascenseur était toujours en main) à la recherche de son stupéfiant habituel.
«A chaque étage, il se passe quelque chose» susurrait une visiteuse en imper tigré en s’extrayant du 503 où Yukiko Koide Presents fournissait une loupe pour apprécier la diabolique finesse des dessins de Tomoatsu Takase.
Comme on fait son lit, on se couche. J’espérais donc, cette pièce de mobilier trônant au milieu des stands-rooms, surprendre des draps froissés par les rêves des exposants. Mais chacun avait eu à cœur de faire le sien au carré.
Il y avait donc le lit-cimaise horizontale au 201 où Chris Byrne+Marquand Books de Seattle couchaient devant nos yeux d’extraordinaires carnets et albums de dessins de Susan Te Kahurangi King, le lit présentoir de doc chez beaucoup, le lit où poser une fesse quand on était fatiguée.
De prime abord on était désorientée de ne pas se retrouver dans son petit white-cube habituel. Mais une fois dominée la gêne de se mouvoir dans des espaces étroits, on trouvait vite avantage à la chose.
C’est que c’était un peu spéce pour tout le monde cette situation où les visiteurs semblaient faire intrusion dans l’intimité des galeristes et où ceux-ci avaient l’air de sortir de leur douche. A la réflexion cela modifiait le rapport convenu qui existe entre les uns et les autres. Chacun s’en tirait à sa façon.
Andrew Edlin saluait des têtes connues sur le seuil : «Hi Barbra! Hé, Djean-Louiiis!»,en prélude à ses petits Darger goûteux.
Tom di Maria du Creative Growth, tout sourire et tout bise, dirigeait votre attention sur un Dan Miller des familles.
Chez Béatrice Soulié, l’une des deux galeries marseillaises (avec Polysémie) présentes sur les lieux, ça bourdonnait dans tous les sens devant les objets aux patines énigmatiques de Gérard Cambon.
Chez Cavin-Morris qui se signalait par un impressionnant totem de Ghyslaine et Sylvain Staëlens, on faisait des efforts méritoires pour parler français.
J’en passe et des notables. Ceux notamment qui préféraient la jouer dans un style plus feutré, telle la Galerie Toxic de Luxembourg qui laissaient découvrir -dans un coin hélas peu propice à la photo- les anatomies dispersées de Daniel Martin Diaz. Ceux qui au contraire séduisaient par la décontraction de leur accueil.
Mention spéciale de ce point vue à la chambre 305 d’où s’échappait le rire communicatif (A, A, A!) de Jean-David Mermod. Cet infatigable animateur de la Galerie du Marché à Lausanne et son plus réservé complice Philippe Eternod se dépensaient sans compter pour vous faire entrer dans les petits secrets de leur accrochage de belles choses très serré.
Racontant des anecdotes, décrochant un Aloïse aux blancs troublants,
retournant un Madge Gill pour la signature,
éclairant comme dans une grotte préhistorique des petits Lonné, beaux comme des bijoux de charbon.
Vous dire tout ce que j’ai croisé de collectionneurs, grands spécialistes, curatoristes et trapézistes d’art brut dans les chambres de l’Hôtel Ā j’en suis infoutue.
Je me souviens par exemple que Bertrand Lacy, qui ne se consacre plus maintenant qu’au dessin, m’a montré entre le 5e et le 6e étage un petit book où il conserve certaines de ses nouvelles intériorités noueuses.
Je me souviens que j’ai taillé une bavette avec Martine Lusardy (et son écharpe bouddhiste aux couleurs de l’access-pass) sur le stand de la librairie volante improvisée par Pascal Hecker de la Halle Saint-Pierre près de l’entrée.
Je me souviens… et j’en oublierai presque ce qui, selon moi, a été la plus grosse surprise surprenante de cette foire : la mallette-Bible de Stephen Gecik Gessig contenant 12 petites peintures de haut lignage brut provenant de Pennsylvanie et datant des années 50 du grand siècle de l’art brut. C'était chambre 102 à l'American Primitive Gallery.
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