Le cahier de rêve d’un journalier (23.10.2006)


medium_Oniric_rubric.jpgPuisque j’en suis aux trouvailles, faut que je vous parle du CAHIER de rêve d’Alphonse Henri Bardou, journalier à Cornery sur la Straize.
La Vedette solognote
, journal de Romorantin, a relaté  le 28 juillet 1898 son suicide par noyade dans l’étang du Cordelet. Solitaire, secret, mélancolique, bizarre, cet homme du commun toujours à l’ouvrage bien que chétif, n’était pas très populaire parmi les fermiers, menuisiers, braconniers, rouliers, du caboulot de la Croix verte qu’il fréquentait parce que, pour son malheur, il était amoureux de la veuve Corcuff, la trop allumeuse patronne de cet établissement. Médiocre buveur, il n’était porté ni sur la teuf ni sur la «politiquerie» de droite comme de gauche.
Insomniaque, il préférait passer ses nuits à découper dans des vieux journaux des mots qu’il collait pour en faire le récit de sa vie besogneuse, sans doute parce qu’écrire ne lui était pas facile.

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Considéré comme bâtard, on prétendait que son père était un artiste ou un «écrivassier» venu pour des vacances en Sologne. Retiré trop vite de l’école, il s’ennuyait avec les gens de sa condition sociale parce qu’ils ne comprenaient pas «les belles affères».

Il refusait d’aller à l’église parce qu’elle était meublée de «saints malement peinturlurés».
Il aimait les feuilletons du Petit Parisien parce que
«ça cause de chevaliers qui emportent des demoiselles qui montent très bien à chual».
Il montrait de réels talents de jardinier-paysagiste spontané. Le cahier qui contient ses «mémoires», cahier d’écolier avec la bataille de Bouvines sur la couverture, est rédigé dans une langue approximative dont voici un exemple
: «Jai net toyé la maison é Lacour et jé fé in peut le gare dain ouque i a ancor que que égum» (J’ai nettoyé la maison et la cour et j’ai fait un peu le jardin où il y a encore quelques légumes).

medium_Paul_Besnard_portrait.2.jpgC’est à l’écrivain Paul Besnard  que nous devons l’invention de ce cas d’art brut fictif dans son recueil de poésies, de chansons et de nouvelles de Sologne (en patois solognot) intitulé En gardant les vaches. medium_en_gardant_les_v.2.jpgIl a été publié en 1913 chez E. Cornély mais le Musée de Sologne de Romorantin Lanthenay, où je l’ai trouvé, en a encore en stock.

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