Lesage, Trenkwalder : confrontation à la Maison rouge (22.06.2008)
«L’œil du collectionneur» est dans la Gazette de l’Hôtel Drouot n°24 (20 juin 2008) et il nous regarde par le biais d’un portrait de Bruno Decharme accompagné de ses «propos recueillis» par Geneviève Nevejan. Un long métrage est sur le gaz, le marché de l’art brut U.S. est florissant, «George Widener (…) mémorise les dates des catastrophes aériennes depuis quatre cents ans (…)». Rien de vraiment neuf dans cet entretien, si ce n’est qu’il marque l’émergence d’un concept tout droit sorti du chapeau de l’article, celui de collectionneur-conseil : «le cinéaste est depuis vingt-cinq ans l’observateur des artistes mais aussi le conseiller du marché de l’art brut».
Des œuvres d’Augustin Lesage appartenant à Monsieur Decharme figurent dans l’exposition qui commence à la Maison rouge à Paris.
Et là, votre petite âme errante pousse son cri primate : «iiiiiiiiiiiiiiiiii». Elle y est allée et elle en est toute retournée. Des accrochages de cette qualité, vous êtes pas prêts d’en voir souvent. J’étais partie boulevard de la Bastille avec mes préjugés en bandoulière, bougonnante contre la détestable mode qui consiste à fourrer les pépites de l’art brut et l’orfèvrerie chichiteuse de l’art contemporain dans le même sac. Je croyais me farcir encore le mariage de la carpe et du lapin, du bouquetin Van Dongen et d’Hélène Smith, la gazelle de l’au delà et puis je suis tombée sur le troublant binôme Augustin Lesage/Elmar Trenkwalder. Je suis restée scotchée. Un orage pouvait tomber sur la cage des tourterelles (Birdhouse café) près de la salle principale, j’ai du me rendre à l’évidence. Là il se passe quelque chose. La confrontation des deux univers produit, mieux que du dialogue, des questions au spectateur.
Comme je connais mieux les œuvres de Lesage que celles de Trenkwalder qui s’exprime par des assemblages de céramiques émaillées, serpentines, fluides, torsadées et colorées, c’est d’abord les tableaux du mineur que je me suis mise à looker avec un max d’intensité.
La présence perturbante des stèles de guimauve, des totems phalliques épluchés de l’artiste autrichien me conduisant à redécouvrir les larves blanches qui roulent en vague dans certaines des toiles de Lesage.
Inversement la contemplation de ses vertigineuses symétries est comme stabilisée par les structures architecturales de Trenkwalder, moitié mobilier d’église baroque, moitié palais martien. Dans une salle en bas un petit format de Lesage avec 2 rosaces multicolores répond (ou interpelle) une cathédrale trenkwalderienne qui tient du poële germanique.
Sans abuser de ces parentés de formes et de couleurs, l’expo favorise l’écho entre les deux œuvres. Façon de nous dire que chacun des artistes (on peut employer le terme pour Lesage qui a fait carrière) s’abreuve à une même source souterraine. Une source à laquelle Augustin accède par les voies d’un automatisme souverain et ingénu tandis qu’Elmar y touche par le recours à des stratégies patiemment calculées.
Si cette trop belle expo nous apprend une chose, c’est que l’art brut génère sa propre compatibilité avec un certain art contemporain. Le confronter avec n’importe quelle production platement ordinaire sous prétexte qu’elle est d’aujourd’hui (ou hier) n’a d’autre intérêt que de faciliter sa consommation sur un marché international.
Se creuser le ciboulot pour découvrir les bons compagnonnages (il y en a), c’est ça le truc. Même si on triche un peu. Car, si j’ai bien compris, non seulement Trenkwalder connaissait Lesage avant de participer à ce pacsage mais son travail semble payer tribut au médiumnisme. Voir par exemple ci-dessous WVZ87, tumultueux dessin inclus dans un cadre meringué façon pâtisserie viennoise exaspérée.
Toutes les photos sont tirées du catalogue et/ou du dossier de presse
01:02 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : art brut, augustin lesage, elmar trenkwalder | | Imprimer | | |
Commentaires
bonjour,
rien à voir avec le billet précédent, juste la découverte d'une offre d'emploi qui intéressera peut-être un animulien ??
http://www.profilculture.com/annonce/annonce_view.php?id=20142
Écrit par : marie | 25.06.2008
Parce que Lesage lui ne paya pas tribut à l'imagerie spirite peut-être (après s'être inspiré des plans de ses galeries de mine)? Cela finit même dans son cas par appauvrir ses peintures. Alors que chez un artiste conscient de son oeuvre, au contraire, ce genre de menace peut être parfois paradoxalement conjuré. Votre mot de "tricherie" n'a pas beaucoup de sens ici, je trouve.
Au fond, son tableau le plus grandiose, c'est celui de 9 m2, celui qui est à Lausanne, où il découvre à mesure qu'il peint le système qu'il va employer par la suite de façon "industrielle", c'est celui où il invente en direct, où il cristallise de l'invention directe. Cela peut arriver à mon avis aussi bien à des artistes conscients ("enculturés", diriez-vous peut-être), et pas nécessairement par le détour de "stratégies".
Écrit par : Bruno Montpied | 26.06.2008
Chère Animulette, je comprends qu'en ce moment, vous êtes certainement accaparée par les soldes. C'est pourquoi je vous signale la publication du N°2 de la revue "Recoins" avec des textes qui peuvent vous intéresser. Vous allez voir, c'est dingue ce que ces bobos de Clermont arrivent à faire.
Bien à vous,
Isabelle Molitor
Écrit par : isabelle molitor | 28.06.2008
@ Isa Molitor
Le sujet dont vous parlez a déjà été traité en long, en large et en travers sur un blogue animé par Bruno Montpied avec le concours de Régis Gayraud.
La prochaine fois, n'hésitez pas à nous faire signe plus vite. Votre petite âme errante préfère le scoop au réchauffé.
Vous ne dîtes rien de Lesage.
C'est-y que vous snobez les Ch'tis ou que vous vous cantonnez dans nos chers Bougnats?
http://animulavagula.hautetfort.com/archive/2007/09/30/les-auvergnats-sont-incroyables.html
Malicieusement vôtre. AV
Écrit par : Animula | 29.06.2008
Bravo ce n'est pas seulement l'homme du commun qui se met à l'ouvrage; tout le monde s'y met, tout le monde y va tout le monde y court
Qui qui y est pas va s'y mettre
madeleine lommel
Écrit par : lommel madeleine | 01.07.2008