Au pays des zombies (03.07.2008)

Je sais bien que, le 15 février dernier, dans ma note Le Ciel est bleu, je vous en ai déjà touché 2 mots de l’expo Le Vodou, un art de vivre mais La rue des Bains c’est à touche-touche avec le Bd Carl Vogt, lequel au 65 abrite le Musée d’Ethnographie de Genève. Alors, avouez que ç’aurait été débile que votre Petite âme errante ne se fende pas pour vous d’une petite visite en live Au pays des zombies (titre du carnet-découverte distribué à la gent enfantine).
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En entrant, l’un de ces aimables pré-ados ricane devant l’affiche : «y’a des madames qui sont tombées dans les pommes !» mais en sortant, sur le Livre d’Or, on sent bien que c’est une autre chanson. Miroir roi Lucifer détail.jpg«La maison du diable ça fait peur» admet franchement un visiteur en culotte courte. «J’ai trop kiffé l’expo et les bonhommes était (sic) trop style» se la pète une mini frimeuse. Mais, dans l’ensemble, l’impression est unanime : «ça fout les jetons mais c’est fun quand même». Quant aux «dizaine de bonhomme (resic) dans le noir, il y en a qui ont des têtes vraiment trop délirantes».

Comme vous pouvez le constater la génération montante parle couramment le sic et le resic, même à Genève mais on lui en voudra pas trop car il y a vraiment de quoi perdre son orthographe devant Le Vodou.

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 Jeux de miroirs d'interpellation. Photo Johnathan Watts. MEG

On sort de là par la salle des miroirs aux cadres terrifiants. Parce que «le Vodou s’ouvre sur un face à face» nous sussure un de ces commentaires pédagogiques qui accompagnent notre parcours dans le train fantôme de la succession de salles toutes surprenantes d’une manière différente avec frisson crescendo garanti.
C’est qu’on a bien besoin de récupérer son petit ego dans cet exercice spéculaire en sortant de chez Motus, le dantesque espace noir où on vient de se retrouver mélangé, exposé, confondu avec «la soldatesque bizango». «On ne parle pas des Bizango», nous éclaire un cartel de l’expo, «on les dévisage. Avec la certitude qu’ils ont moins à cacher qu’à révéler».

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 Personnages Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG

J’avoue que j’ai pas cherché à tout comprendre de cette armée de statues en tissu rembourré, puissamment impressionnantes. Elle témoigne du pouvoir des initiés d’une société secrète forgé sur les champs de bataille de l’indépendance haïtienne.

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Fauteuil de la reine Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG

Mais sortie d’une salle rouge éclairée en rouge, d’un Carrefour avec le nom des esprits (Iwa) «qui exigent d’être servis» déclinés sur des centaines de T-shirts, d’un lieu de mise en bière où ils sont cadenassés dans des bouteilles, bien maligne celle qui ne se sentirait pas bousculée par cette grande démonstration psychique.

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 Salle Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG

Certains reprocheront peut-être à la scénographie de Catherine Nussbaumer une tendance mélodramatique. C’est vrai que la reconstitution de l’autel vodou, avec son «bric à brac des hommages, le carambolage des cultures» peut faire penser au décor d’un film exotique façon Nuit des morts-vivants.

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Autel Rada. Photo Johnathan Watts. MEG

Mais le côté excessif du Vodou autorise à grossir le trait et comment faire sentir l’impact de celui-ci sans le transposer en effet théâtral ? Il s’agissait d’éviter que la vitrine du musée devienne un mausolée où les objets, privés de magie, ne seraient plus que prétexte à esthétisme. De ce point de vue la grande salle centrale où ils apparaissent menacés par des textes savants (historiques, ethnographiques) cannibales rappelle bien que cette expo cherche à réduire la distance entre le visiteur et son sujet.

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Malheur Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG

23:53 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : vodou | |  Imprimer | | Pin it! |