03.07.2008
Au pays des zombies
En entrant, l’un de ces aimables pré-ados ricane devant l’affiche : «y’a des madames qui sont tombées dans les pommes !» mais en sortant, sur le Livre d’Or, on sent bien que c’est une autre chanson. «La maison du diable ça fait peur» admet franchement un visiteur en culotte courte. «J’ai trop kiffé l’expo et les bonhommes était (sic) trop style» se la pète une mini frimeuse. Mais, dans l’ensemble, l’impression est unanime : «ça fout les jetons mais c’est fun quand même». Quant aux «dizaine de bonhomme (resic) dans le noir, il y en a qui ont des têtes vraiment trop délirantes».
Comme vous pouvez le constater la génération montante parle couramment le sic et le resic, même à Genève mais on lui en voudra pas trop car il y a vraiment de quoi perdre son orthographe devant Le Vodou.
Jeux de miroirs d'interpellation. Photo Johnathan Watts. MEG
On sort de là par la salle des miroirs aux cadres terrifiants. Parce que «le Vodou s’ouvre sur un face à face» nous sussure un de ces commentaires pédagogiques qui accompagnent notre parcours dans le train fantôme de la succession de salles toutes surprenantes d’une manière différente avec frisson crescendo garanti.
C’est qu’on a bien besoin de récupérer son petit ego dans cet exercice spéculaire en sortant de chez Motus, le dantesque espace noir où on vient de se retrouver mélangé, exposé, confondu avec «la soldatesque bizango». «On ne parle pas des Bizango», nous éclaire un cartel de l’expo, «on les dévisage. Avec la certitude qu’ils ont moins à cacher qu’à révéler».
Personnages Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
J’avoue que j’ai pas cherché à tout comprendre de cette armée de statues en tissu rembourré, puissamment impressionnantes. Elle témoigne du pouvoir des initiés d’une société secrète forgé sur les champs de bataille de l’indépendance haïtienne.
Fauteuil de la reine Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
Mais sortie d’une salle rouge éclairée en rouge, d’un Carrefour avec le nom des esprits (Iwa) «qui exigent d’être servis» déclinés sur des centaines de T-shirts, d’un lieu de mise en bière où ils sont cadenassés dans des bouteilles, bien maligne celle qui ne se sentirait pas bousculée par cette grande démonstration psychique.
Salle Bizango. Photo Johnathan Watts. MEG
Certains reprocheront peut-être à la scénographie de Catherine Nussbaumer une tendance mélodramatique. C’est vrai que la reconstitution de l’autel vodou, avec son «bric à brac des hommages, le carambolage des cultures» peut faire penser au décor d’un film exotique façon Nuit des morts-vivants.
Autel Rada. Photo Johnathan Watts. MEG
Mais le côté excessif du Vodou autorise à grossir le trait et comment faire sentir l’impact de celui-ci sans le transposer en effet théâtral ? Il s’agissait d’éviter que la vitrine du musée devienne un mausolée où les objets, privés de magie, ne seraient plus que prétexte à esthétisme. De ce point de vue la grande salle centrale où ils apparaissent menacés par des textes savants (historiques, ethnographiques) cannibales rappelle bien que cette expo cherche à réduire la distance entre le visiteur et son sujet.
23:53 Publié dans Expos, Images | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : vodou | | Imprimer | | |
Commentaires
J'aime beaucoup ce "malheur Bizango" ...votre blog a un très beau thème et c'est bien la première fois,que quelqu'un arrive à me faire aimer le malheur ...(bizango,cela va sans dire) merci à vous.
Écrit par : frasby | 07.07.2008
Musée Buffo
Jolies photos avons-nous le droit ou le devoir de les prendre pour alimenter notre documentation sur lui ?
Écrit par : les amoureux d'angélique | 08.09.2008
@ Les amoureux
Mais qui c'est Angélique?
Je connais pas cette marquise des anges là et puis pour trouver son site sur le net, bernique!
Alors, moi c'est Ani, et vous? Le fait que vous entriez par le vaudou constitue-t-il un indice?
Les photos que vous voulez "prendre", sont-ce celles des Bizangos ou de Buffo?
Question doc, vous pouvez aller faire un tour sur ma note du 7. 11. 2005: "Luiggi Buffo a l'Assiette anglaise" http://animulavagula.hautetfort.com/archive/2005/11/06/luigi-buffo-a-l-assiette-anglaise.html.
Merci de préciser.
Ani
Écrit par : Ani | 10.09.2008
Pour vos lecteurs, car pour vous je ne sais pas, on peut sans doute signaler la note que j'ai faite récemment sur le musée des Amoureux d'Angélique et sa collection de statues en bois de Luigi Buffo sauvées de la destruction (une idée ridicule, Mlle Vagula ?): http://lepoignardsubtil.hautetfort.com/archive/2008/08/26/lui-buffo-le-retour-les-amoureux-d-angelique-2.html
De cette note, le lecteur peut rebondir vers une note précédente qui traite des autres oeuvres conservées par ce musée. Je crois même qu'on y trouve l'explication de la demoiselle "Angélique"...http://lepoignardsubtil.hautetfort.com/archive/2008/08/09/index.html
Écrit par : Le sciapode | 11.09.2008
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