Marcel Landreau, les retrouvailles (18.10.2009)
Marcel Landreau aujourd'hui je lui fais sa fête. Et puisque mon daddy a vendu la mèche, je peux bien vous l'avouer maintenant : oui c'est bien lui l'auteur d'Yvette Horner dont je vous donne ici en bonus un beau portrait en pied.
Marcel Landreau, son œuvre on la croyait disparue. Votre petite âme errante a retrouvé sa piste grâce à son réseau d'animuliens hors pair. J'ai dû me taper 5 heures de TGV pour ça mais j'aurais volontiers fait le tour de France pour un coup pareil. J'ai été récompensée d'ailleurs par le pot au feu que m'ont offert Freddy and Cathy, les véritables re-découvreurs de cette œuvre-culte de l'art brut. Récompensée surtout par le petit reportage qu'ils m'ont invitée à réaliser chez eux avec mon kodak extra plat.
Alors, voici une main sur un clavier et la petite tête généreusement maquillée de l'Yvette que Freddy manie comme une mariée.
Car il faut dire que c'est fragile le caillou. C'est tendre, délicat, sensible aux chocs comme une pièce montée de première communion. Freddy qui est une vraie mère-poule pour Landreau craint surtout les vibrations pour ses sculptures. Parfois il exagère car c'est tout de même costaud ces assemblages virtuoses de silex choisis.
La preuve ce bateau à voiles (imaginez le vent dans des voiles en pierre) qui est la première chose que Freddy ait aperçue chez Bertrand, un de ses potes, marchand de matériaux.
Séduit qu'il a été tout de suite par la mignonne paire de lolos de la figure de proue! «Où t'as eu ça?» s'est-il exclamé, «c'est magnifique de beauté!» (expression poitevine).
Freddy est né dans le Marais, ça lui fait pas peur de ramer. Il a enfourché sa camionnette d'antiquaire-chevalier blanc et il est allé HT tout ce qu'il a pu sauver des œuvres de Landreau dans le lieu où Bertrand lui a indiqué qu'elles se morfondaient, à deux doigts de retourner au ballast dont elles étaient venues il y a une quarantaine d'années.
Marcel Landreau, photo Clovis Prévost, extraite de Les bâtisseurs de l'imaginaire
En ce temps-là, dans les années 60/70 du siècle dernier, Marcel Landreau n'était pas à la retraite dans les Deux-Sèvres, sa région natale où il est mort il y a quelques temps maintenant. Il n'était pas marié et c'est à Mantes-la-Jolie que, dans un jardin biscornu devant son pavillon, il avait installé sa cathédrale caillouteuse où un enfant pouvait tenir.
La noce, photo Clovis Prévost, extraite de Les bâtisseurs de l'imaginaire
Cet employé du chemin de fer avait refusé de devenir contrôleur. Il était toujours sur les voies. Cela lui avait donné une grande curiosité du caillou qu'il assemblait pour le plaisir de «ramener la campagne chez lui». Landreau n'en finissait pas de créer des groupes de personnages et d'animaux (noce, chasse à courre, bal du 14 juillet, musiciens, Bigoudens, paternités, maternités ...).
Certains étaient des automates qu'il animait avec des fils métalliques et des moteurs. De la caillasse animée et sonorisée car Landreau avait enregistré les cloches de son pays, c'est dingue, non? Même Jean Tinguely n'y avait pas pensé. Les gens du coin venaient voir. On les comprend étant donné l'époustouflante expressivité et la poésie innocente de ces œuvres d'art hautement curieuses.
Marcel Landreau aimait la beauté. Il l'avait assise sur ses genoux dans son premier métier de pâtissier. Il s'était engagé à la fin de l'Indochine pour aller voir des pagodes. Il était trop accroc à elle pour la laisser tomber en changeant de crémerie.
Quand il est retourné dans son pays pour finir sa vie, il n'a pas pu emporter la cathédrale qui a été détruite après. Mais son œuvre n'a pas été balayée pour autant, contrairement à ce qui a pu être avancé trop rapidement. Landreau est allé reconstituer son atelier ailleurs. Ce qu'on pouvait déduire de la lecture du chapitre de Les Bâtisseurs de l'Imaginaire (1990) que Claude et Clovis Prévost ont consacré au «Caillouteux».
On imagine les trésors de précautions prises par Marcel Landreau pour transporter ses œuvres anciennes des Yvelines (tiens, ça commence comme Yvette) jusque dans les Deux-Sèvres. On imagine aussi les tonnes de couvertures de feutre qu'il a fallu à Freddy pour sauver Yvette Horner, tel un nomade tartare réchauffant Joseph Beuys.
17:51 | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : art brut, marcel landreau, yvette horner, pot au feu, deux-sèvres, les bâtisseurs de l'imaginaire, clovis prévost | | Imprimer | | |
Commentaires
Félicitations de nous donner des nouvelles du Landreau que l'on croyait effectivement bien perdu, dans l'absence de toute information bien fiable sur le sujet.
Cette conservation de ses statues confirme un propos que me tenait jadis un autre créateur spontané, Maugri, quand je lui demandais ce qu'il pensait de la postérité de ses oeuvres. "Elles se défendront bien toutes seules", m'avait-il rétorqué.
Le même phénomène de sauvegarde s'est produit avec les sculptures de bois de Lui Buffo à Lagardelle-sur-Lèze prés de Toulouse. Je me permets de renvoyer vos lecteurs vers mon blog pour trouver un prolongement d'information à ce sujet.
Écrit par : Le sciapode | 25.10.2009
@ Mr Sciapode
Et moi je me permets d'inciter vivement les Animuliens, actuels et futurs, à se propulser sur La Main de Singe où Frédéric Séron se défend bien tout seul avec le concours de Pierre Dumayet.
8 minutes 31 de bonheur garanties!
http://lamaindesinge.blogspot.com/2009/10/quest-ce-que-vous-mettez-dans-vos.html
Écrit par : Ani | 25.10.2009
magnfique de beauté,c'est vraiment le superlatif parfait pour les collages caillasseux du marcel landreau.
chaque personnage est un petit chef d'oeuvre et tous ont leur particularité,pour les avoir vus de mes propres yeux,biens rangés en rang d'oignons ,chez leurs protecteurs,je peux vous assurer que le freddy en prend soin,comme si que c'était ses momes,et que la cathy prend soin du freddy comme d'habitude.
je suis étonné,chère ani,du peu de commentaires et de réactions,que cette redécouverte d'une oeuvre majeure de l'art brut,que l'on croyait perdue à tout jamais,suscitent chez vos lecteurs avertis.
les vrais amateurs de brut seraient ils devenus muets devant tant de beauté?
bien à vous et merci pour votre travail
Écrit par : le truffier | 31.10.2009
"Le vent dans des voiles de pierre"
C'est ce paradoxe qui me retient d'abord devant les œuvres de Landreau. La tendresse des thèmes en proie à la dureté du caillou: un montage ambivalent qui nous renvoie sans doute à des sentiments intérieurs contrastés.
Mais il y a aussi tout ce travail en amont qui s'imagine: choisir les cailloux qu'on rapporte, les trier, éprouver leur irréductible résistance à épouser les formes, les faire tenir ensemble. Un exploit pour maintenir les contraires!
Écrit par : Béatrice Steiner | 09.11.2009
Je découvre votre blog et je reste bouche bée!!
Moi ce qui me frappe dans les œuvres de Landreau c'est qu'avec tous ces cailloux, il parvienne à de la "ressemblance" humaine! Aurions-nous un cœur de pierre?
Écrit par : Georges | 09.11.2009
Bonjour, je viens de lire dans "les inspirés des bords des routes" que Marcel Landreau avait comme vous l'indiquez enregistré les cloches de son pays, mais aussi sonorisé certaines de ses sculptures, avez vous connaissance d'une préservation par quelqu'un de ces enregistrements ?
Écrit par : Cosmo | 17.11.2009
Bonjour,désolé pour les enregistrements des cloches , rien ,à ma connaissance, n' a éte préservé.Il ne reste plus qu'a les imaginer en regardant les sculptures de Marcel Landreau ...Magnifique de beauté , non ?
Écrit par : freddy et cathy | 20.11.2009
J'ai visité Marcel Landreau en 1987, et il avait fait tourner son manège de couples de personnages en silex, où se trouvait Charlot si je me rappelle bien. Yvette Horner était au sommet du manège comme cela a été dit plus d'une fois. J'ai filmé en Super 8 les danseurs, j'ai pris aussi quelques vues du jardin et de diverses saynètes. Je sais que l'enregistrement qu'utilisait Landreau pour la sonorisation de ce manège était l'air de "La Paloma" joué par Yvette Horner. L'enregistrement doit donc être facile à retrouver. Cela allait parfaitement avec le tournoiement de ces statues de cailloux collés. Et ça vous foutait des frissons de voir des pierres danser... Pour moi, ce fut un des plus magiques spectacles qu'il m'ait été donné de voir.
Écrit par : Bruno Montpied | 21.11.2009
@ Cosmo
J'ignore si ces enregistrements existent encore et s'ils sont oubliés quelque part. C'est dommage bien sûr car le show de Landreau était un spectacle total.
Normal qu'un homme de sons comme vous soit sensible à cette facette et merci d'attirer l'attention de mes lecteurs là-dessus.
Comme vous voyez Freddy & Cathy, les redécouvreurs de cette oeuvre hautement originale ne sont pas plus avancés que nous.
Alors, pourquoi pas espérer que d'autre magiciens puissent nous faire un jour une bonne surprise.
Avis à la population brute: si l'un d'entre vous sait où sont les sons de Marcel le caillouteux qu'il se manifeste sur Animula Vagula, le petit Géo Trouvetout de la planète Blogue.
Écrit par : Ani | 21.11.2009
merci à Freddy & Cathy, Ani, Bruno, sait-on jamais, quelqu'un a peut être ça quelque part, au moins il y a ici une trace de l'existence de ces enregistrements pour de futures requètes Google...
Écrit par : Cosmo | 22.11.2009
Fantastique!!! C´est un peu comme un retour aux sources.
Mes parents Jacques et Marie Rose Lortet nous avait emmenés plusieurs fois lorsque nous étions petits et après la disparition du lieu, j´ai gardé ses souvenirs comme une boite d´image précieuse lié a l´enfance.
Je vous fait part de mon réel plaisir a redécouvrir les oeuvres, le monde et le savoir faire de Marcel Landreau que je croyais disparu a jamais. Merci.
Écrit par : Aurelien Lortet | 28.04.2014
Mon papa s'appelait LANDREAU Marcel et partageait votre philosophie. On se fait un premier contact par mail merci sa fille
Écrit par : landreau | 14.11.2014
@ la fille du créateur
Bienvenue ici. Votre visite m'honore.
Oui, d'accord pour un first contact par la porte des étoiles!
A bientôt donc avec un courriel. Peu importe qui de vous ou de moi en prendra l'intiative.
Écrit par : Ani | 14.11.2014
Bonjour,
Étant gamin, j'allais souvent admirer les œuvres de M. Landreau. C'était magnifique ! Avec mes parents ou des copains nous cherchions du regard les nouveautés assez fréquentes. Je ne suis jamais entré dans son jardin mais cela n'était pas important car l'essentiel se son œuvre etait parfaitement visible depuis la rue. Mon personnage préféré etait le photographe du mariage en procession. Des cheminots racontaient que M. Landreau parcourait les voies de chemin de fer de l'endroit où il travaillait, tête baissé et dos courbé, à la recherche de la pierre à la forme souhaitée ou qui pourrait un jour servir. Un jour que je revenais voir ma mère qui habitait à quelques centaines de mètres de là, je fus surpris de constater que toutes les créations de l'artiste avaient disparues. Personne n'avait su me dire vraiment avant vous ce qu'il était advenu de l'artiste et de son oeuvre. Certains affirmaient que des vauriens avaient vandalisé les créations offertes à nos regards et peu (pas) protégées et que M. Landreau profondément blessé avait quitté la région, d'autres qu'il etait parti en retraite, version qui semble être la bonne et dont je me réjouis. Permettez-moi juste une remarque de peu d'importance, c'est à Mantes-la-Ville et non à Mantes-la -Jolie que M. Landreau habitait. Merci d'avoir retrouvé la piste du "Caillouteux". C'est un bel hommage à son travail et pour moi un rajeunissement de beaucoup d'années. Bien à vous. TB.
Écrit par : Buisson Thierry | 28.12.2014
petite, je passais tous les jours devant pour aller à l'école
mes copains et moi avions l'habitude de ramasser des cailloux de forme étrange pour lui déposer sur son mur
Je me souviens d'avoir vu les personnages s'animer
je me souviens du sonneur de cloche qui gesticulait au bout de sa corde
je suis entrée dans la cathédrale
je me rappelle aussi le chien en pierre qui se mettait à aboyer lorsque quelqu'un entrait
sacré retour en arrière
merci à vous, malgré mes recherche je n'avais rien retrouvé sur lui
la magie de l'enfance me revient
Écrit par : Annie | 24.07.2015