Louis Soutter fait son Marché (17.02.2010)
Louis Soutter, je vous ferais pas l'injure de vous dire qui c'est. Depuis que son cousin a fait entrer cet «inconnu de la soixantaine» dans le labyrinthe du Minotaure en octobre 1936, ce serait bien le diable si vous n'aviez pas croisé l'un des milliers de feuillets qui ont été publiés sur son compte. Michel Thévoz lui a consacré plusieurs bouquins. Et aujourd'hui, il est même wikipexpédié, c'est dire! Louis Soutter, si je vous en parle, ce n'est pas que c'est ma dernière lubie. Louis Soutter fait son Marché comme Lady Gaga fait bientôt son Palais Omnisports de Paris-Bercy. Je mélange tout, d'accord mais ce que je veux dire c'est que Louis Soutter fait son come-back à la Galerie du Marché à Lausanne le jeudi 25 février 2010 (vernissage) et que c'est un événement qui mérite bien que je vous fasse un peu de teasing.
Pensez un peu : une cinquantaine de dessins de Soutter, pour la plupart montrés pour la première fois, ça mérite peut-être que l'on se bouge, non? Allez-y donc jusqu'au 24 avril 2010, après quoi ce sera plié. Attention : c'est pas tous les jours mais vous vous arrangerez. Le plus tôt sera le mieux pour vous plonger dans cet ensemble représentatif d'une œuvre conçue à l'ombre d'un asile du Jura vaudois.
Louis Soutter est un peintre errant qui m'a toujours impressionné par son air déprimé sous son chapeau à bords roulés, par sa façon de flotter dans des costumes invraisemblablement bourgeois des années 30, lui qui peignait si bien avec les doigts. Si vous ne me croyez pas, visionnez donc ce petit film.
Ah, j'oubliais, le cousin c'était le Corbusier. Et de Soutter, qu'on ne peut confondre avec un créateur d'art brut bien qu'il ait accès aux mêmes territoires de pensée, Corbu disait : «Il a appris à regarder en dedans. Par lui, nous pouvons regarder dedans un homme. Un homme racé, cultivé, ayant passé par tous les luxes de l'argent et d'une vie intelligente. Et qui aujourd'hui, remontant du réfectoire triste, couvre chaque jour, à soixante-cinq ans, un papier blanc de ces âpres, fortes et admirables compositions».
«Appris», «en dedans», «âpres, fortes, admirables» : écoutez voir, tous les mots comptent. Et leur cocktail vous procurera une impression inoubliable quand vous arriverez par les escaliers du Marché devant les œuvres souterriennes.
00:52 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : louis soutter, galerie du marché, le corbusier | | Imprimer | | |
Commentaires
J'ai envie de souligner votre phrase: Soutter, qu'on ne peut confondre avec un créateur d'art brut bien qu'il ait accès aux mêmes territoires de pensée,...
Elle pose bien la difficulté d'une ligne de partage entre ce qui en est (de l'art brut) et ce qui n'en est pas. Soutter parvient à nous mettre en contact avec une tonalité intérieure qui est celle du rêve, ce qui n'arrive presque jamais (au cinéma ou en peinture) tant "ce teritoire de la pensée" ne supporte pas la "réalité" d'une représentation. A cet égard on peut dire que c'est du grand art... Il me semble que les auteurs d'art brut nous montrent plutôt un mode de construction des représentations qui reproduit le mécanisme à l'oeuvre dans le rêve (mais pas forcément l'ambiance du rêve).
Écrit par : Béatrice Steiner | 02.03.2010
Je me demande si ce que vous dites ne fonderait pas une différence entre art brut et peinture surréaliste, entre Dali et Wölfli par exemple. D'un côté le bric à brac du matériel onirique, de l'autre le moteur du processus?
Écrit par : J2L | 03.03.2010