Les forêts intimes de Sandra Martagex (12.10.2010)

Pouf, pouf! (comme disait Desproges). Parenthèse, si vous aimez mieux. Je me sentais un peu déprimée alors je me suis fait : «allo, les copines, bobo». A l’heure du thé, je suis allée placoter avec Séraphine et Clémence dans leur bureau. «Placoter» c’est blablater. Pardonnez cet emprunt au lexique québécois. Séraphine s’appelle pas Séraphine ni Clémence, Clémence mais elles me grifferaient si je donnais leurs vrais noms vu que ce sont des dadames sérieuses du monde de l’art. Bref, on a placoté

larry clark.jpgdes zigouigouis de Larry Clark ;-)

sculpture popeye.jpg

des zomards gonflables de Jeff Koons ;-),

des 193 souvenirs de la Biennale de Venise par Boltanski (glop, glop!).

Lam boltanski.jpg

Pour finir, elles m’ont raccompagnée au métro et on a ri comme des folles en partageant la même écharpe parce que la fraîcheur tombe vite en cette saison.

echarpe.jpg

Avec tout ça, j’ai oublié de leur parler de l’expo de Sandra Martagex à la Galerie Frederic Moisan.

invitation Sandra Martagex .jpg

Moi, z’en aurais bien dit le bien que j’en pense… Faut savoir prendre de la distance avec l’art brut de temps en temps! Sans pour autant tomber dans les koonneries et les zigouigouis. Mais je dois préparer la soupe alors je préfère passer le volant de cette chronique à l’un de mes nègres (au sens littéraire du terme)

 volant.jpg

«J’avais préparé de belles phrases mais je ne saurais parler du travail de Sandra Martagex. C’est trop subtil, trop évanescent et présent à la fois, trop sur le fil du féminin. Et en même temps, ça brûle. C’est d’ailleurs le mot combustion (combustion lente s’entend) qui m’est d’abord venu à l’esprit à me frotter au velours de sa palette, à soulever les voiles mi-opaques, mi-transparents de ses truchements, à me noyer dans les chevelures irradiantes qui coulent sur les corps clairs de ses filles-lianes, percées à jour dans le secret de ses Forêts intimes.

martagex 4.jpg

Sandra Martagex n’excelle pas seulement dans les petits formats mais ce sont eux que je préfère comme on va, le cœur battant, vers sa chimère. Elle y atteint souvent une pureté de carbone où elle se confronte -sagement mais résolument- au risque de disparition, de perforation, d’asphyxie, de fonte et d’angoisse apprivoisée.

martagex 2.jpg

Le registre de minceur poétique où elle se tient donne à ses œuvres sur papier, travaillées pour ainsi dire à la fleur de celui-ci, une densité tranquille et progressive, propice aux apparitions. De ce point de vue, elle me font penser à ces succubes hallucinés, armés de leurs seules tailles de guêpe, que le danois Ovartaci -peintre visionnaire admiré par Asger Jorn- découpait dans des supports sans épaisseur.

martagex 1.jpg

Comme celles-ci, les fantômatiques créatures de Martagex, à peine nées, semblent se détacher de la feuille pour tendre vers une vie épidermique, comme une peau qui voudrait se séparer de sa chair.

martagex 3.jpgDans la gestion des blancs et des surfaces diaprées, dans la manière dont Sandra Martagex emboîte, comme poupées gigognes, le vide des corps et le plein troublant de leur matérialité matricielle on devine une maîtrise conquise dans l’inversion des contraires, dans le transfert des formes, dans la capillarité des encrages. Une maîtrise conquise dont elle sait n’être pas l’esclave mais l’alliée.

Jean-Louis Lanoux

22:37 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sandra martagex, jean-louis lanoux | |  Imprimer | | Pin it! |