À Rothéneuf. Retrouver l’éternité. (07.07.2014)

Un ticket pour l’éternité. L’éternité à Rothéneuf. Une éternité humaine va sans dire. Quelques années sur la terre. Quelques minutes sur le site de l’abbé Fouré. A mesurer notre usure. Vertigineuse car tout ici, sous la lumière froide et les piqûres des embruns, évoque la dissolution dans le gouffre d’une création qui n’est autre que le gouffre de la nature.

P1080203.JPGVingt ans sont tombés sur les frêles épaules de votre petite âme errante depuis sa dernière visite aux rochers sculptés et déjà le ciel lui pèse. La voici moins encline à sauter comme une chèvre jusqu’à la mer toujours verte.

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Heureusement que son daddy ne l’a pas accompagnée. Elle n’aurait pas aimé qu’il s’aventure sur la langue noire et humide qui vient lécher les vagues.

Comme de courageux touristes le font.

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Avec la précaution nécessaire toutefois.

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Mais «trève de nostalgie» comme dit le chéri que j’ai. «Les Rochers sculptés se meurent d’accord mais on va pas en faire une montagne». C’est la grandeur du truc d’évoluer dans ce sens. D’ailleurs ils ne meurent pas. Progressivement ils s’effacent. Usés de trop de vent, usés de trop de pluie.

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Lessivés de trop de commentaires aussi car les supporters de Fouré ne font pas toujours dans la dentelle. A leurs ovations parfois pesantes je m’en voudrais d’ajouter. Il n’est pas nécessaire, j’en suis sûr, d’enfoncer un clou dans vos mémoires.

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Je me contenterai donc de célébrer aujourd’hui la poésie capillaire de ces sculptures complices des lichens et de la végétation.

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Les plantes poussent drues comme barbes et cheveux autour des têtes de l’abbé  comme elles poussent gaillardemment dans un jardin monastique voisin du site.

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 Non loin de là s’est édifié récemment un restaurant qui a l’air fait de bois de grève.

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L’architecte a prolongé là une note japonisante dont l’étrangeté se marie étrangement bien avec la présence d’un pin maritime que «l’ermite» a peut-être connu.

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Cela m’a fait penser aussi sec (si on peut dire avec la flotte qui me dégoulinait dans le décolleté) à Chanson d’Ar-Mor, cet admirable film expressionniste en langue bretonne de Jean Epstein.

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En 1934 déjà, celui-ci avait su associer et confronter, par la musique et par la prise de vue, un âpre fond local fait de labeurs, de danses, de chansons, de magie et de traditions (celui là même où baigna l’abbé Fouré) avec une modernité rythmée par la vitesse, le luxe et des rapports humains basés sur l’argent et la position sociale.

jean epstein 1.jpgCeci dit pour vous signaler au cas où que la Cinémathèque française vient de sortir un coffret de 14 films de ce cinéaste trop méconnu, parmi lesquels plusieurs opus bretons.

 

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