Murs à la sicilienne (25.05.2008)
Le retour du temps gris, ça m’déprime. Je pense à mes récentes vacances et je pleure dans le gilet du téléphone de Dominique pour lui dire : «Je m’ennuie, je m’ennuie».
C’est que la Sicile, je n’en suis pas encore revenue! Surtout si je me mets à regarder les photos de ces extraordinaires peintures et inscriptions murales prises, à l’heure propice de la sieste, dans le quartier mi-ancien, mi-rénové, d’une petite ville de l’île aux trois jambes.
Un vrai mystérieux peintre a œuvré ici, dans l’irrépressible urgence d’un besoin d’expression sans égal et avec l’évidente tolérance de ses concitoyens, pourtant peu confrontés au phénomène des tags ordinaires, plutôt rares dans leurs rues.
Le sourire en coin des quelques vieux messieurs somnolant aux terrasses bistrotières quand ils évoquent, mi-figue, mi-raisin, leur «Van Gogh» local suffirait à nous faire comprendre que nous sommes en présence d’un cas d’art brut de la plus belle eau, si les formes inusitées, si le traitement instinctif des couleurs, si le mélange inextricable des graphies et des images n’étaient là pour nous en convaincre.
Grosses taches ovoïdes qui s’avèrent être des visages gonflés comme des ballons, macules galbées en cœur ou en pomme qui servent de supports à des listes de villes, à des prénoms, à des chiffres…, si je m’écoutais je vous en dresserais tout un répertoire.
J’avoue que j’ai un faible pour ces sortes de limaces body-buildées et mélancoliques dont le créateur détaille avec ferveur les biceps. Il les aime si fort qu’elles contaminent parfois la lettre C dans ses écrits.
Il y aurait tant à dire sur ses yeux-horloges à 4 aiguilles,
sur ses cibles tirant des flèches,
sur ses robots constitués de morceaux cernés et agglomérés, toujours prêts à prendre leur indépendance,
que je préfère me la fermer. Je me sens devenir chiante.
La peinture de ce subtil, émouvant et inapprivoisé créateur demande en effet qu’on n’oublie pas la façon originale dont elle s’intégre dans un environnement de lézardes et de somptueux vieux crépis qui se la jouent Jean Fautrier naturellement.
En enfant du pays, l’auteur de ces fresques se sert en virtuose d’une géographie de badigeons superposés et de fissures-crevasses, emblématiques, à leur manière, de l’histoire sicilienne et de la culture du sud de l’Italie.
Pas étonnant qu’il affectionne les violentes coulures rouges et les airs du chanteur napolitain Mario Merola. Il en transcrit les paroles, en dialecte, dans une orthographe approximative (Chitarra rossa), en suivant le tracé de lignes pointillées qui représentent pour lui la ligne mélodique.
18:50 | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : art brut, giovanni bosco, sicile, mario merola | | Imprimer | | |
Commentaires
Bellissimo reportage ! Io giro per l'Italia (Sicilia compresa) tutto l'anno, e sono sempre alla ricerca di esplosioni di creatività "a-normale"... Ma non mi è mai capitato di assistere a fenomeni di arte murale spontanea e bizzarra cosi straordinari, soprattutto sui muri. Cara Animula, dov'è questo posto incredibile ? Quando svelerai il segreto ? Grazie per tutte le bellezze-stranezze che ci fai scoprire – questa è proprio impressionante ! Ciao, cara, a presto. Giuseppe Millo (Torino).
Écrit par : Giuseppe Millo | 10.06.2008
Bonjour,
J'ai découvert votre beau site il y a peu et votre post sur les murs siciliens. J'ai rencontré cet été, au fin fond de son pays, le type qui a fait ça. C'est un vrai crayonneur, ayant un sens de la composition et de la couleur sans égal,vivant dans une mouise totale, bien connu dans le coin ,il est plutot considéré et traité comme le simplet du village.
Je pense que son travail mériterai un peu plus d'attention,je ne suis pas un spécialiste,mais il me semble que l'étonnant travail de cet homme correspond totalement à la définition de l'art brut de dubuffet.
avez vous eu la chance de le rencontrer et de voir son travail sur papier ?
si ce n'est pas le cas,veuillez trouver sur votre messagerie,les photos de ses carnets et dessins que j'ai eu le privilége d'admirer,en sa compagnie,ne parlant malheureusement pas le patois sicilien,je n'ai pas compris un fichu mot de ses explications.
bien à vous et merci pour votre blog trés instructif
salutations
Écrit par : boris piot | 10.06.2008
Monsieur Boris, je vois qu'"adepte de l'art brut, vous brutalisez aussi "langues" et "dialectes" que vous qualifiez benoîtement de "patois". Même en Sicile, cela ne se fait pas !
"Patois" étant plutôt un concept franco-franchouillard peu valorisant, il n' y a aucune raison de l'exporter...
Sans rancune...
Écrit par : le Pilote de Belvert | 11.06.2008
ça m'intéresse beaucoup
Écrit par : liep arrt | 06.06.2012