Face à faces avec Michel Macréau (09.09.2012)
Besoin d’un Face à faces avec un peintre majeur de la fin du XXe siècle? Vous serez gâtés si vous allez vous percher à la Galerie Margaron en bons petits oiseaux revenus de leurs migrations estivales.
Comptez pas trop sur le tam-tam médiatique, n’attendez pas les affiches sur les mâts de la mairie de Paris ou les bandes défilantes sur les écrans de rue qui vous diraient : «Macréau, Macréau, Macréau». Il n’y aura ni pixels, ni fanfares ni happenings, le galeriste préférant jouer dans la catégorie discret-feutré.
Mais cette exposition de «petites têtes» de la bonne cuvée 1963-1968 mérite le label VU SUR ANIMULA parce qu’elle sera un événement marquant de cette nouvelle saison automnale 2012.
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Lors du vernissage du 6 septembre, elle a suscité déjà l’émulation des collectionneurs qui n’étaient pas venus pour les bretzels, je vous prie de le croire!
C’est que 30 peintures de Michel Macréau récemment rappelées au jour, 30 peintures formant série où se révèle le grandiose et courageux travail de recherche propre à l’artiste, c’est de l’orpaillage, où je ne m’y connais pas! Ne vous laissez pas démonter par le dossier de presse qui parle de «portraits de très petit format». D’abord parce que les volumes emboîtés de la galerie sont un écrin propice à la chose.
Et surtout parce que ce diable de Macréau étant capable de saturer une toile de 20 sur 25 cm comme s’il s’agissait d’un tableau de 2 m sur 3, on oublie vite qu’on joue dans le registre mini. Le peintre s’accommode ici en virtuose de la contrainte du format et s’il ne dispose que d’une lucarne, celle-ci s’ouvre sur le réel de la peinture.
Avec ces visages qu’il dévisage, ces physionomies qu’il décline et qu’il incline à tous les risques de la figuration-défiguration, Michel Macréau administre la preuve de sa capacité à partir des postulats picassiens de l’art de sa jeunesse pour aboutir, par le truchement de torsions plastiques variées, à une malléabilité proche d’une destructuration troublante et sibylline que seules les œuvres de grands créateurs schizophrènes atteignent généralement.
A la réserve près que, chez Macréau, la déstructuration n’est pas sans être contrôlée et qu’il en revient toujours (avec quelques cicatrices) pour reprendre son combat avec l’ange évanescent de l’inspiration. Pour Manuel Jover, dans le catalogue de l’expo margarienne, la place de cet artiste si peu ordinaire ne saurait être située «dans les parages marginaux de l’Art Brut, où l’on veut parfois le confiner».
Encore moins, sans doute, du côté de ces «outsiders» auxquels il n’a jamais appartenu, contrairement à ce qu’une récente manifestation cantalo-estivale tendait à nous le faire croire.
Michel Macréau s’est toujours considéré comme un professionnel, vivant de son art, parfois très mal et plutôt bien à la fin de sa vie. Même si sa carrière, du fait de sa santé précaire, fut chaotique.
S’il est vrai, qu’il s’inscrit «dans la continuité de la longue tradition artistique, à laquelle il répond en la réfutant» (dixit Jover), il ne saurait cependant y être réduit non plus.
Photo Jean-François Parent (1989)
Michel Macréau appartient plutôt à cette rare famille de représentants d’un art borderline qui ne se satisfait d’aucune unilatéralité commode pour l’esprit comme pour le marché. 17 ans après sa disparition Macréau ne cède en rien sur ce point. Organisateur de croisements complexes par les moyens les plus classiques, son activité plastique menée à ses confins, le place sur des terrains familiers, quoi qu’on en dise, à l’art brut.
14:52 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : michel macréau, galerie alain margaron, manuel jover | | Imprimer | | |
Commentaires
Les Outsiders, pour la plupart, ne sont-ils pas comme Michel Macréau, des professionels vivant de leur art et plutot mal en general ! le terme Outsider n'aurait-il pas inclus un artiste comme Michel Macréau, vivant en marge en 2010 ?
on ne cherche pas à faire croire quoi que se soit à qui que se soit. Vous etes bien trop érudits d'ailleurs pour que nous puissions vous faire croire quoique se soit.
On regroupe un ensemble d'artiste, qui pour nous ont un lien evident, dans leurs vies et leurs créations, nous les regoupons sous le terme Outsider, c'est à notre avis le terme qui represente le mieux actuellement le type de famille à qui nous appartenons tous. Merci néanmoins d'avoir parlé de l'exposition.
Amitiés Sylvain Staëlens
Écrit par : staelens | 21.09.2012
Le fond de ma pensée c'est que le mot "outsiders" devrait être laissé aux canassons. C'est juste un clin d'oeil aux Américains que la production européenne laisse trop souvent de marbre.
Il traîne avec lui des idées de bons coups à faire en pariant sur des artistes qui ne chercheraient qu'à parvenir.
Rien de valorisant pour ceux-ci dans ce terme convenu! C'est un Purgatoire, une case d'attente où ils risquent de s'enfermer.
Il empêche le public de réfléchir à la nature de ce lien que vous croyez "évident" entre des talents divers et inégaux.
Macréau est un artiste considérable qui n'a pas récusé de son vivant son appartenance à la Figuration narrative.
La marge, il l'a plutôt subie en solitaire que revendiquée.
Il s'est tenu à l'écart du courant des "Singuliers de l'art" (ancien nom des "Outsiders").
Je vois que vous l'aimez. Mais avant de l'enrôler dans des plans certes méritants, ne vaudrait-il pas mieux tenir compte du fait que, malgré l'estime dont ses collectionneurs l'entourent, Michel Macréau n'est pas encore reconnu à sa juste place par "l'histoire de l'art"?
Outsider Macréau? Hors-catégorie plutôt.
Écrit par : Ani | 25.09.2012