Dormir sous le plancher de Jeannot (10.10.2012)
On n’arrête pas le progrès et on n’arrête pas la création non plus. Lors de ma récente visite à Sainte-Anne, j’en ai profité pour aller jeter un coup d’œil au malheureux plancher de Jeannot.
Même si c’est un crève-cœur de voir cette œuvre majeure de l’art brut encoconé par morceaux dans des boîtes de conserve qui déjà commencent à rouiller.
Au chapitre des nouveautés, j’ai noté l’usage inventif qu’une personne dénuée d’abri faisait de ce calamiteux sarcophage urbain, gai comme un chalet de nécessité de la mairie de Paris.
A l’abri du vent et caché de la rue, il a installé, au revers des vitrines sales où achèvent de se morfondre les terribles phrases de Jeannot, une discrète couchette-chambrette
avec les moyens du bord récupérés dans les poubelles : coussins, oreiller-matelassé, palettes de chantier, bibliothèque.
Manque que la télé. Il faut souhaiter à l’aménageur des lieux de trouver rapidement un logement plus confortable, plus digne d’un citoyen de notre pays. On notera que, sans le savoir, il s’est installé «à la place du mort» comme on dit dans le jargon automobiliste.
Il se trouve dormir en effet sous le plancher, là où était enterrée la mère de Jeannot quand le plancher était encore en place dans la ferme où il vivait isolée du monde.
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Commentaires
Hey, venant de terminer un article sur l'histoire des USA à travers Rocky Balboa, écoutant "donne moi une seconde", bénéficiant d'une bonne mémoire pour laisser ce message à la mer, espérant que les bouteilles se brisent toujours sur les rochers sans parvenir à leurs destinataires, ne sachant pas si même je touche au but, ne voulant pas attendre trop longtemps pour oublier, et sans parcourir ce site : "C'est toujours les autres qui meurent" de Jean François Vilar" pour Duchamp, la photo, papa, Babelio, autour de 6 euros, se souvenir du code de la CB et comme on dit par chez moi : adieu au toujours, jamais de demain.
Écrit par : la mouche dans la soupe | 12.10.2012
Jeannot a perdu son compagnon de misère!
Depuis la note d'Animula, une grande offensive de nettoyage a fait place nette : Ne reste que le plancher, vertical (un non-sens), misérable, toujours en trois morceaux dans son boîtier publicitaire digne d'un abri-bus.
Il reçoit toujours la grande lumière du sud, renvoyée par les vitres qui lui font face. A voir l'eau saumâtre qui stagne en partie déclive, comment ne pas craindre les infiltrations ou la condensation?
Et sur ses propres vitres se reflètent les immeubles, les voitures…toute la rue fait obstacle à la vision de l'œuvre! Sans compter que cette rue lugubre ne voit pas passer grand monde et que les patients ou les visiteurs de l'hôpital ne sauront jamais l'existence du plancher de Jeannot faute de toute signalétique.
Ceci pose un problème en regard du droit moral qui reste attaché à l'œuvre quel qu'en soit le propriétaire. Qui, en l'absence d'ayant-droit, aurait la légitimité pour l'exercer? Qui pourrait défendre la mémoire de Jeannot en demandant que ce plancher soit exposé ailleurs et autrement?
Son exposition à la Halle Saint-Pierre était autrement respectueuse de l'œuvre et de la personne qui s'y exprime: horizontal, d'un seul tenant, sous une lumière tamisée, entouré d'un espace propice à la réflexion où les spectateurs pouvaient se tenir et méditer. Comment accueillir en soi ce témoignage et reconnaître la part de vérité inscrite au cœur de la folie?
Écrit par : Béatrice Steiner | 03.11.2012