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16.07.2007

Mise en boîte du plancher de Jeannot

0fccacddb9be937cc6fcd66fb9af9837.jpgInutile de ralentir devant, ce n’est pas un radar, d’espérer vous chauffer avec, ce n’est pas un panneau solaire.

Cela ressemble à une armoire à glace, à une méga boîte à sardines, à un téléphone portable pour géant?

Vous n’y êtes pas du tout, mes chers Animuliens.

Allez, je vous fais pas languir pour pas abuser de vos méninges vacancières. C’est le nouvel écrin du plancher de Jeannot!

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Imaginez que cette œuvre incomparable a été fragmentée en 3 morceaux qui se dressent maintenant comme des vestiges de fortifications en lisière du Centre hospitalier Sainte-Anne face à la pauvre rue Cabanis qui n’en revient pas.

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Allez savoir pourquoi, alors qu’il s’agit d’un plancher et qu’un plancher est en général destiné à être contemplé de haut en bas (surtout si ce plancher est une sorte de pierre tombale), quelqu’un a eu l’idée géniale de le transformer en stèle et de le dresser comme un mur de lamentations dans une gaine d’acier brossé du plus pur style mobilier urbain conventionnel ?

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De devant c’est épatant, les voitures et les passants (sans compter les nouveaux vélos d’Ivanhoé) se reflètent dans les vitres «protectrices» et on n’aperçoit plus que de vagues plaques de chocolat auxquelles on n’a même pas laissé un peu de marges autour.

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De derrière c’est encore mieux, on croirait une ligne de batterie anti-chars. A contempler cette prouesse du genre cata, on finirait par se dire que l’irréductible Jeannot avait peut-être ses raisons de se dérober aux soins des professionnels de la santé mentale.

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Ce sont peut-être de bons psychiatres mais ils n’entendent rien à l’accrochage. Il faut plaindre le malheureux découvreur du plancher de Jeannot dont le nom va être associé maintenant à cette calamiteuse mise en boîte.

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Elle suscite déjà des commentaires. Sur le grillage qui sépare les 3 boîtes à sardines de la rue Cabanis (car en plus, il y a un grillage) ma copine Violette a accroché un humble message navré. Elle espère que quand vous passerez par là, vous déposerez sur le trottoir une fleur ou un écrit.
On l’a bien fait pour Diana, pourquoi pas pour Jeannot ?

 

 

23:40 Publié dans Expos, Gazettes | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : art brut, Plancher de Jeannot | |  Imprimer | | Pin it! |

Commentaires

j'ai lu cette note ce matin (avec les liens qui vont avec) et cette histoire m'a mis par terre - celle du bonhomme et celle de l'encadrement de son parquet...
utiliser ce "parquet" pour faire une action de communication me chiffonne un peu (si les psy commencent à faire comme les producteurs de lait...)
ceci méritait peut-être plus un environnement de calme et d'isolement...

Écrit par : ma tisane | 17.07.2007

Quand la bêtise se mesure au cynisme.

!

Écrit par : ! | 18.07.2007

Comme on disait dans ma jeunesse pieuse: "L'Enfer est pavé de bonnes intentions !"
Je ne connais ni Jeannot, ni son "plancher", malheureusement, mais cette exhibition d'une œuvre de souffrance(?) pour (re-)dorer le blason et l'honneur d'une chimie médicale (parfois utile, certes) est,elle, très malsaine, et le choix scénographique lamentable, vraisemblablement couteux en sus.
Le laboratoire aurait mieux été inspiré en devenant le mécène d'un musée; il en est d'excellents qui auraient pu et conserver et mettre en valeur cette œuvre de l'esprit.

Écrit par : LLorenç | 20.07.2007

... pourtant, Télérama (n° 3001 du 18 juillet 2007), page 40, souvent prompt à la critique, ne semble voir aucune malice à cela dans son article (signé Daniel Conrod): "Le manifeste de l'écorché"...

Écrit par : Belvert | 20.07.2007

Les labos ne perdent jamais le Nord !
Pourquoi diantre avoir commençé à diffuser son existence ! j'en pleure de honte
madeleine lommel

Écrit par : madeleine lommel | 20.07.2007

Télérama ne voit aucune malice à cette sorte de présentation débile, ça n'a rien d'étonnant, Belvert, pour les questions vraiment importantes, ce pauvre magazine est souvent aux abonnés absents. N'a-t-il pas inséré jadis l'article d'un sinistre plumitif belge qui insinuait que le surréalisme était un mouvement antisémite?

Écrit par : Bob Enmaraude | 20.07.2007

Cher Bob (j'allais écrire cher parapluie d'Aurillac !), avec ce temps, excusez la gaffe ! laissons croupir Télérama, et concentrons-nous sur le mode de présentation, de mise en valeur des œuvres d'art brut ! Que va-t-on nous sortir chez Gabriel ? Je pense que le moment est venu d'émettre des propositions, de faire assaut d'imagination. Choisissez votre blog, il en est d'intéressants, la preuve... pour accueillir et faire circuler les idées à ce sujet. Imaginez que les nus d'Albert soient "bronzés", pudiquement revêtus de feuilles de vignes en plastique et juchés sur des socles à 1mètre cinquante de hauteur... qu'en diriez-vous depuis votre Auvergne immortelle, hein?

Écrit par : Belvert | 21.07.2007

Soyons honnêtes: la question n'est pas simple.
Certes, c'est à la Collection de Lausanne (ou au futur musée d'art brut de Villeneuve d'Ascq) que le plancher aurait trouvé place plus juste - si on prend en compte le fait que Jeannot a toujours refusé les soins psychiatriques.
Mais fallait-il prendre cela en compte? Le laisser aux prises avec un dieu obscur et tyrannique, le laisser aller au bout de son délire et en mourir?
Le plancher n'est pas encore à sa place définitive: il sera à l'entrée de l'hôpital quand le mur aura disparu et que l'entrée sera refaite.
Ne viendra-t-il pas simplement dire qu'on peut accueillir cette souffrance?

Écrit par : Béatrice Steiner | 21.07.2007

Faut-il saluer comme une prouesse de la pensée paradoxale cette manière toute jésuite de présenter comme un symbole d'ouverture (*) l'oeuvre radicalement réfractaire d'un reclus volontaire que les autorités (policières et médicales) de l'époque ont dû abandonner à son sort?
C'est à l'évidence à la Collection de l'Art brut de Lausanne, près du lambris de Clément que le plancher de Jeannot aurait pu conserver tout son sens.
L'argument de la place définitive et du mur aboli ne vaudra rien tant que ce chef d'oeuvre d'une pure rebellion délirante restera prisonnier de son absurde carcan de métal et de verre.
Quiconque s'approchera d'un coeur honnête de l'entrée de l'hôpital ne pourra que se dire: "Libérez Jeannot!".
(*) cf. les propos de Lazare Reyes, adjoint au directeur de Ste Anne, rapportés par Emmanuel de Roux dans son article du Monde ("Gravé par un fou, un joyau de l'art brut") le 21 juillet 2007.

Écrit par : Jean-Louis Lanoux | 22.07.2007

Qu'à la suite de travaux et d'une réfection on investisse un budget en COMMANDANT à un artiste contemporain (fût-il d'art brut, évidemment) une œuvre d'art me paraîtrait une démarche moderne et souhaitable : "Associer des artistes à l'architecture ..."
Mais si le Plancher de JEANNOT qui mérite Lausanne ou Lille Métropole ou, ou... entrait effectivement dans un temple de l'Art, c'est parce qu'il est "reconnu" comme une œuvre d'art (certes née d'une souffrance indicible); en revanche, affiché dans le hall d'accueil, si beau sera-t-il, d'un hôpital psy d'une aussi grande renommée, il devient simplement un "SYMPTÔME" d'une horrible pathologie à soulager, et de ce fait perdra à coup sûr aux yeux de beaucoup son caractère artistique...
Il faut choisir !

Écrit par : Michel Valière | 24.07.2007

Excellent. J'ai cru qu'il s'agissait de panneaux solaires !

Écrit par : photovoltaique | 21.02.2010

Que ce texte, "nos mots, Jeannot", arrache à sa fonction actuelle de panneau publicitaire le plancher gravé et gersois. Et qu'ensuite, à l’œuvre de "Jeannot", il restaure sa cohérence spatiale : son lit au centre de l'écrit.


nos mots, Jeannot

et si je trouve les mots de Jeannot,
peut-être, trouverais-je les miens
pourrais-je lire, qui sait, les tiens ?

mais il dit quoi, Jeannot ?
il dit : mon lit, c’est un donjon
entouré de la douve profonde,
creusée par mes propres mains

avec acharnement, il dit : je suis Vauban,
je fortifie ma citadelle
à quatre pattes pour la rendre imprenable,
je me protège par l’infranchissable fossé de ma souffrance
d’un monde par trop incommuable

il dit : je poinçonne mon sol,
je lamine contre la prochaine hostilité
de germaniques invasions inévitables

avec tous les petits trous de la chanson,
moi, Jeannot, je cause cunéiforme ;
de cette écriture primale
pour extraire les maux de l’origine,
graffités par un ratier sur le plancher de ma solitude,
je sonde, jusqu’à l’infini, ma mine

il dit : en enfer, c’est une rivière incandescente,
elle enchâsse un des rochers-lits escarpés de Dante
sur lequel, damné de l’inutile comédie, je m’accroche

il dit : des limbes océaniques,
entre les cornes du caprin,
le souffle tenace sur les cordes tendues par un sauvage
fait résonner les sensations caves de mon crâne

il dit : entendez-vous ce vent vibrer
à travers la multitude des trous de ma flûte-parquet
juste au dessous de mon corps allongé ?

je vais me coucher,
je plonge dans le causse racleux mes plantes de pied ;
la caresse confirme, active, la carte perforée
d’un système binaire, complexe et sophistiqué ;
c’est la partition musicale retranscrite sur les cartons d’orgue ;
je la rejoue à chacun de mes passages obligés

je m’allonge
et depuis l’oreiller, je jauge Styx ;
la menace file là, tranquille,
la brasse paisible

il dit : c’est mon Danube devant Zemun ;
avec ma longue vue, tout en haut de la tour de garde,
je scrute l’arrière pays derrière la crénelure,
les garnisons oublieuses et avinées sommeillent en bas
dans le marais ;
aux aguets sur l’avant poste de Beograd, marche de la chrétienté,
juché sur mon cénotaphe, armé de ma seule corne de brume, vigilant,
j’alerte le quidam en cas de mouvements suspects
dans la tumultueuse marée de joncs alentours

il dit : les interminables alignements de ronds
dans les encres brunes de Vincent Van Gogh,
interrompent les radicales rangées de traits ;
ses paysages japonisants comme mes incantations maléfiques,
falsifient pour l’inexpert abusé, la redoutable trace des impacts en mitraille,
innombrables

et puis il dit la chambre,
la chambre close,
mon ultime refuge à moi, avant la mort ;
l’antichambre

je me lève à pas d’heure,
mes pieds nus, aussitôt, replongent dans l’œuvre en cours
mais dans ce cours de l’œuvre,
à la chute du sommier, je retombe dans le flux du lit magistral

immuable, mon écriture est toujours là,
aux quatre pieds du lit,
comme ma douleur inaltérable

il dit

.
.
.

Écrit par : Pierre-Alain Mathieu | 09.10.2011

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