Crimes et châtiments : Zoom sur Zoummeroff (13.05.2014)
Le hasard veut qu’au moment où paraît Subjectivité et vérité, le cours de Michel Foucault au Collège de France en 1980-1981, la Bibliothèque Philippe Zoummeroff passe en vente à l’Hôtel Drouot. Du moins sa partie consacrée aux Crimes et châtiments.
Un fort documenté catalogue dostoïevskien, décrivant 423 numéros, accompagnera cette vacation du vendredi 16 mai. Des bouquins, des manuscrits, des photos, des dessins, et même des objets curieux, tel un meuble à système contenant un trombinoscope criminel.
Ils méritent tous d’être estampillés «Surveiller et punir»! A la réserve peut-être du Capital de Karl Marx (n°353) dont on se demande ce qu’il fait là. Ce n’est pourtant pas l’œuvre de ce philosophe barbu qui fera problème. La Maison d’enchères Pierre Bergé & Associés a préféré en revanche retirer deux lots de la vente. L’un était une reliure à insertions de peau humaine (n°237). Celle de Louis-Marius Rambert (1903-1934).
Cet assassin repenti avait légué ses superbes tatouages à son médecin, le lyonnais Jean Lacassagne, auteur en 1934 d’un Album du Crocodile sur les Tatouages du «Milieu».
De semblables «prélèvements» seront montrés dans l’Exposition Tatoueurs, tatoués qui commence au Quai Branly mais la dimension commerciale change -on en conviendra- la donne.
Aussi Benoît Forgeot, l’un des experts de la vente, aurait-il tort de se désoler. C’est avec raison qu’il rappelle dans Le Monde du 9 mai 2014 que «cette collection n’a rien de fétichiste, elle est au contraire militante». Clarisse Fabre, auteur de l’article qui cite ces propos, précise : «Industriel à la retraite, Philippe Zoummeroff est un collectionneur engagé. Militant contre la surpopulation carcérale, il a créé une bourse pour la réinsertion des détenus».
Ceci dit, c’est étonnant que dans un corpus qui brasse les méfaits d’autant de grands sacripants (Landru, Dillinger, Bonnot, Marie Besnard, Dominici, Petiot, etc.), un corpus qui traite d’un tas d’horreurs historiques (tortures, massacres, sorcelleries, injustices), on n’enregistre pas de véritables dérapages.
Cela tient sans doute au choix rigoureux de l’iconographie du catalogue, toujours curieux, jamais complaisant. Vous m’avez comprise : il faut vous procurer cet ouvrage avant que l’étude soit en rupture de stock. Il deviendra vite collector.
Outre des infos sur des incunables du tatouage (les 12 photos de Robert Doisneau du n°245), il contient en effet bien des choses dignes de passionner des Animuliens addict aux dérivés de l’art brut.
Par exemple une flamboyante section de Dessins de prisonniers dont ceux d’Emile Simonet, dit Fanfan, chef d’une bande d’apaches dont le talent fut remarqué aussi par Jean Lacassagne.
Toutes ces merveilles, y compris la dernière (?) lettre et le dernier (?) dessin de Jean-Baptiste Troppmann (1849-1870) l’assassin de Pantin, sont visibles le jeudi 15 mai (11-18 h), salle 7.
Après, faudra sortir votre thune pour les avoir et les revoir. Mais ça, ce n’est pas interdit.
BONUS La photo de Rambert torse nu figurant dans la vente a été publiée en novembre 1932 dans le n°15 de la revue Paris Magazine. Elle illustrait un article de Roger Frédéric sur les Tatouages. Elle y est attribuée aux services du Docteur Locard, Directeur du Laboratoire de Police de Lyon.
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