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21.02.2010

Zéro art brut au Schizomètre carré

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Schizomètres : une idée rigolote qui ne méritait pas qu'on s'acharne sur elle au point d'en faire une expo force 10 sur l'échelle du parisianisme, telle m'est apparue la nouvelle présentation de la Maison rouge consacrée à l'œuvre d'un certain Marco, qualifiée «d'art brut» dans le livret distribué à chaque visiteur avec son billet.

L'idée consiste à mettre en relation les numéros de code de deux publications qui n'ont rien à voir ensemble. Le catalogue d'un magasin de surgelés fameux qui fit partie d'une enseigne d'hypermarchés plus fameuse encore (vous voyez ce que je veux dire) et le DSM-IV (moins fastoche à deviner).

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Le DSM c'est le Diagnostic and Statistical Manual of Mental disorders, un manuel statistique US utilisé pour étiqueter les troubles mentaux dans les milieux psychiatriques.

Je sais pas si c'est vrai n'ayant jamais été ravagée de la touffe mais Marco Decorpeliada, l'auteur de la toise-étalon et des mètres dépliants supports des équivalences incongrues présentés dans l'expo, si.

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marco nosologie.jpgIl conduit chacun à en prendre pour son grade suivant les symptômes qu'il s'attribue. Le parano = pommes rissolées (n°de code 60.0), la vaginiste (code 52.5) c'est kif-kif le sauté de veau, le transvestiste fétichiste vaut pour les poireaux émincés à la crème (65.1), l'énurésique = la pizza etc.

Antoine de Galbert, le fondateur de la Maison rouge, dans une interview vendue en DVD-bonus avec le catalogue, souligne avec humour «le gratin dauphinois» (private joke) associé (70.0) au « retard mental léger » qui lui donne l'occasion de faire un lapsus tout à son honneur.
DVD fiction d'art brut.jpg

«Regard mental léger» langue-fourche-t-il en effet et cet éclair de lucidité colle au poil pour cette expo qui hésite entre le zist de la supercherie et le zest de la fluxuserie. Je n'ai pas croisé d'énurésique fétichiste ou de vaginiste tranvestiste dans l'expo Schizomètres. Tout au plus, sur le chemin, de gentils gothiques qui laissaient leur marque partout.

4 TDM.jpg

J'ai rencontré plutôt des gens bien qui gloussaient poliment en faisant sembler de trouver ça intelligent. Et ça l'est! Trop sans doute. Avec Decorpeliada, on nous refait le coup de Bourbaki. Ce nom à la gomme, censé désigner un familier des H.P., auteur d'un journal et de fiches de survie, a été bricolé à partir des noms de membres de l'Ecole lacanienne de psychanalyse : Laurent Cornaz, Dominique de Liège, Yan Pélissier, Jacques Adams et d'un pataphysicien notoire : Marcel Benabou, membre de l'Oulipo.

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marco_D.jpgNous y voilà, cette expo pêche par où le bât pataphysicien blesse généralement. Elle commence par une franche rigolade et c'est dommage qu'elle ne s'en tienne pas là. On se lasse vite de cet esprit de sérieux porté dans la dérision à un point systématique. Les tableaux, les diagrammes obsessionnels, c'est vite relou. Le squelette de la fin (allusion à un voyage au Mexique du Marco) c'est un peu mince.P1010928.JPG
Rien de spontané, rien de fortement inventif dans ces artefacts complaisamment redondants. Tout le monde n'est pas Georges Perec; il manque du grain à moudre dans cet exercice formaliste qui se pare des oripeaux de l'art brut parce que celui-ci est aujourd'hui plus médiatiquement porteur que la pataphysique.

Commentaires

Ani vous êtes bien violente.
Le schizomètre est amusant et pose bien des questions qui, me semble-t-il, tourne aussi en dérision certaines orthodoxies sclérosantes. Où les dérives de l'art brut me semblent ici salvatrices.
Un œil se fait piéger. Celui d'un collectionneur aguerri qui voit un jour débarquer des zozos dans son bureau sous couvert d'auteur brut découvert. "J'achète" dit-il ému, sûr de voir ici une "fluxuserie" authentique et non concertée, un art brut de son temps. Comme un Prinzhorn se penchant avec intérêt sur des "œuvres" qui n'en étaient pas et lui rappelait celles de ses amis Nolde & consorts.
La supercherie lui est dévoilée. Déçu il fait amende honorable en exposant le sus-nommé Décorpéliada.
Et se pose la question du regard, seul acteur, seul auteur, seul manipulateur dans l'art brut.
Je trouve personnellement que le schizomètre a un goût de revienz'Y.

Écrit par : batolo l'aloyau | 05.06.2010

@ Bat l'al

Si la question vous intéresse, lire aussi la note du blogue Amateur d'Art (Lunettes rouges) le 23 février 2010 "Canular, Perec reviens, ils sont devenus fous!" :
http://lunettesrouges.blog.lemonde.fr/2010/02/23/canular/

La question de la supercherie est vieille comme l'art brut. Voir Robert Véreux (supercherie ratée) et peut-être même les Barbus Muller (supercherie réussie?).
De nos jours, Dominique Le Tricoteur tente depuis 10 ans de se faire passer pour ce qu'il n'est pas.
Voir à ce "sujet" le texte de Baptiste Brun dans un récent mini-catalogue du Musée International d'Art Naïf Anatole Jakovsky de Nice.

Écrit par : Ani | 06.06.2010

Lunettes rouges, Louis Vauxcelles des temps modernes, est une autorité incontestable.
Oui vous avez raison, c'était mieux avant.

Écrit par : batolo l'aloyo | 10.06.2010

Plus amusant encore que le schizomètre, cette citation d'André Salmon dans les "Souvenirs sans fin" (tome 2, p. 270): "Quand il ne détestait pas un peintre ou alors toute une sorte de peintres, Louis Vauxcelles fut toujours un brave type".

Écrit par : Le Monocle | 14.06.2010

Les commentaires sont fermés.