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29.06.2015
Caché dans la maison des fous
Vive la Procure! C’est les meilleurs. Les meilleurs libraires s’entend. Je venais d’écumer sans succès le Quartier Latin pour trouver le dernier Didier Daeninckx. Confetti, ballons et bonne humeur, j’étais tombée dans la Gay Pride. Emportée par le tube des Rita Mitsouko : «et quand tu ris, je ris aussi».
Le temps de m’en extraire et de couper à la fièvre acheteuse d’un samedi de soldes et il était là dans mes mains ce Caché dans la maison des fous. Un bouquin qui urgeait pour moi depuis que, sur Le Canard enchaîné d’un papy du métro, j’avais looké l’article de Frédéric Pagès en rendant compte : Contre toutes les camisoles.
Latin, Procure, Marcia Baïla, fierté et tromé, vous allez dire que je me vautre dans «la déconniatrie». Mais comme le dit le psychiatre François Tosquelles dont les propos sont rapportés par Daeninckx : «Déconne, déconne mon petit [ou ma petite]! Ça s’appelle associer. Ici personne ne te juge, tu peux déconner à ton aise.» Francesc Tosquelles j’ai déjà eu l’occasion de vous en parler dans ma note du 6 juin 2007 (suivez les liens, ils sont encore actifs).
Et j’ai déjà évoqué aussi (voir mon post du 14 avril 2013 sur Les Ateliers de Montfavet) Lucien Bonnafé. Tous deux travaillaient pendant la guerre à Saint-Alban en Lozère. S’acharnant à inventer une psychiatrie plus humaine. Faisant des pieds et des mains pour empêcher leurs malades de crever de faim. Exerçant en outre des activités de Résistance.
Saint-Alban c’est l’asile où Auguste Forestier avait installé son atelier. Il y produisait «des crêtes, des ailes, des mains, des bras, des formes (…) décoratives» qu’il assemblait ensuite pour en faire les rois, les chevaux, les militaires, les bêtes de son Gévaudan personnel. Cela intéressait Paul Eluard qui se réfugia là des mois durant avec Nush, sa compagne. Dès le printemps 1944, Jean Dubuffet découvrira sur leur cheminée une sculpture de Forestier ramenée de Saint-Alban.
Dans une langue limpide où l’information documentaire n’est jamais lourde, filtrée qu’elle est par un sens aigu de l’existence, Didier Daeninckx nous restitue l’ambiance de cette époque et de ce lieu où l’art brut prit sa source. Comment ? Par l’intermédiaire de Denise Glaser, une personnalité qu’on est un peu surprise de
trouver là.
Denise Glaser, mon daddy se souvient avec émotion de son écoute et de ses silences quand elle interviouvait des vedettes de la chanson aux temps héroïques de la télé. Jeune, résistante, refusant l’étoile jaune, elle dut se cacher en 1943 à Saint-Alban.
Daeninckx imagine les rencontres entre le poète, sa muse, le sculpteur fou, la future présentatrice, les psychiatres et leurs épouses. Les rencontres et les conversations. L’écrivain n’hésite pas en effet à dialoguer les scènes comme s’il y avait assisté. Nous y participons avec lui.
Caché dans la maison des fous publié par les Éditions Bruno Doucey n’est pas destiné à rester sous le boisseau. Se le procurer vite par conséquent.
01:12 Publié dans art brut, De vous zamoi, Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : didier daeninckx, saint-alban, françois tosquelles, lucien bonnafé, denise glaser, paul eluard, auguste forestier, rita mitsouko | | Imprimer | | |
14.06.2015
Pan dans L’Œuf !
Avec L’Œuf c’était fatal. Un jour il devait atteindre la douzaine. C’est chose faite. Claude Roffat, l’infatigable (quoique fataliste) animateur de cette revue qui persiste depuis 25 ans à proposer «un autre regard sur la création», réussit l’exploit de nous donner la cerise sur le gâteau d’une collection déjà collector.
Ce numéro 12 de L’Œuf sauvage qui sort de sa coquille au printemps 2015 s’avance paré des plumes qui ont fait la réputation de ses 11 prédécesseurs. Beau papier couché, visuels couleurs attrayants, typographie soignée au petit poil. Quant au contenu, le choix de Roffat tricote des influences qui se sont toujours équilibrées dans la revue : l’art brut et ses faubourgs, l’expressionnisme, le surréalisme, la fantasmagorie singulière, l’art populaire, la critique du pire.
Ce qui se traduit sur la couverture par un kakémono énumérant le nom des artistes célébrés : A.C.M. et ses cités oxydées, Denis Pouppeville le funambule des couleurs, Bernard Pruvost, un début d’incendie dans la prunelle, Jean Benoît le mystère en plein soleil, Pierre Martelanche la cabane idéale du vigneron, Nicole Esterolle De la dictature de la bouffonnerie en art contemporain.
J’avoue qu’avec mes œillères animuliennes, ce sont les sculptures-architectures «en chatoyants haillons de dentelles métalliques et oxydées» d’A.C.M. que j’ai tendance à mettre au top. Elles sont l’objet ici d’une visite de Jean-Louis Lanoux qui, avec Béatrice Steiner, avait, dès 1999 dans la revue Création Franche (n°17) attiré l’attention du public sur ce créateur d’exception.
Selon vos péchés mignons, vous apprécierez aussi le «climat de brume et de grésil (…)» de la peinture «à la tonalité flamande ou nordique» de Pouppeville, évoquée par Joël Gayraud.
Les calaveras de Benoît dont la morbidité érotique plutôt chiadée me fait penser à Félicien Rops.
«L’anatomie kaléidoscopique» de Bernard Pruvost. L’idéal républicain incarné dans les terres cuites de Martelanche. Le revigorant vitriol de la prose nerveuse d’Esterolle, au Schtroumph émergent duquel il m’est arrivé d’emprunter (voir ma note scato du 23 septembre 2013). Les fans de Nicole savent déjà qu’elle vient de sortir un bouquin de juteuses chroniques.
J’oublie personne ? Si. Roffat of Marseille se souvient de ses origines foréziennes. L’article sur Pierre Martelanche, il l’a confié à Jean-Yves Loude et Viviane Lièvre, écrivain et photographe, ethnologues tous deux. C’est au cours d’une dérive ânière dans la région de Roanne pour la rédaction d’un livre qu’ils ont succombé au charme de l’œuvre du créateur populaire.
Roffat qui, sous ses allures de vieil enragé, aime le beau langage a reçu par ailleurs le concours d’un autre écrivain : Lionel Bourg, ici chantre de Pruvost. A toute princesse tout honneur, je n’aurais garde d’oublier Marine Degli. Cette collaboratrice de Jacques Kerchache, initiateur du Musée du Quai Branly, apporte à ce numéro, outre son admiration pour l’épistolier Jean Benoît, un discret parfum primitiviste.
Le douzième Œuf Sauvage est en vente chez Béatrice Soulié et à la Librairie de la Halle Saint-Pierre.
20:41 Publié dans art brut, Ecrits, Gazettes, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : l'oeuf sauvage, claude roffat, acm, béatrice steiner, jean-louis lanoux, denis pouppeville, joël gayraud, lionel bourg, bernard pruvost, nicole esterolle, pierre martelanche, jean-yves loude, viviane lièvre, jean benoît, marine degli | | Imprimer | | |
07.06.2015
Caroline’s day à la Fabu
D’ici à Dicy, il n’y a guère. Et ce guère fut franchi en car le 30 mai 2015. Un autocar affrété par la Fabuloserie pour la Journée Caroline.
Mémorable samedi d’avant chaleur! Avec les visiteurs de cette collection de plein air, il ne cessa de jouer à un, deux, trois, soleil. Le ciel leur vaporisant malicieusement des gouttes à la façon de Pierre Avezard arrosant les spectateurs de son manège.
Ambiance studieuse durant le trajet. Le paysage n’était pas folichon.
Les têtes se penchèrent sur les dossiers de presse dont on nous avait pourvu.
Ou s’abîmèrent dans la conversation avec des airs cinématographiques qui faisaient penser -lunettes noires aidant- à Marcello Mastroianni et Anouk Aimée.
Arrivé rue des Canes,
le gros de la troupe des pélerins se fit désigner le lieu du rendez-vous pour le retour : un petit square Nek Chand à se mettre à genoux devant.
Puis tout le monde s’égailla. Non sans avoir bisé 14 fois Agnès et Sophie Bourbonnais, plus Déborah Couette, organisatrices de l’événement. En attendant les festivités officielles chacun se bricola ensuite son programme de variétés perso.
Qui s’offrant un p’tit tour dans la collection permanente dont l’accochage était renouvelé pour l’occasion. Qui cherchant son âme d’enfant dans le petit train de Marshall.
Qui préférant le carrousel et les baraques de Petit Pierre.
Qui se précipitant dans l’expo Des jardins imaginaires au jardin habité (Des créateurs au fil des saisons)
où l’on retrouvait des personnages connus : un couple de Marcel Landreau,
la Blanche Neige de Charles Pecqueur près de son créateur sur une ancienne photo.
J’optais pour ma part pour le tour de lac que Caroline Bourbonnais ne manquait pas d’effectuer chaque jour.
Saluant au passage ses coqs et ses poules,
ses zèbres et ses éléphants,
l'élan d’Alpo Koivumäki documentés maintenant par de commodes cartels.
Laissant derrière moi l’îlot aux vire-vent
pour cingler vers l’atelier d’Alain Bourbonnais.
Bien sûr je m’attardai au passage à papoter avec Claude et Clovis Prévost, avec Doriane la petite-fille de Gaston Mouly, avec Marie-Rose Lortet, ici près de Loli.
C’était déjà le temps des discours. Ceux de Sophie et d’Agnès.
Sans nostalgie mais avec une émotion qui rendait toute sa présence à leur mère.
Celui de Déborah dont le vent tournait les pages. Un speech aimable de madame Vuillermoz, le maire de Dicy, couronna le tout. Avant que l’ange Francis ne s’empare du micro.
Parmi les auditeurs attentifs, le peintre Pierre Della Giustina.
Dans un texte publié dans le livre collectif accompagnant cet hommage à Caroline Bourbonnais, il précise le rôle décisif qui fut le sien dans la restauration du manège d’Avezard. C’était nécessaire.
«Un matin d’août, Caroline Bourbonnais a oublié d’ouvrir les yeux» a dit sa fille Agnès. Tous ceux qui étaient dans l’assistance ce jour là et tous ceux qui auraient aimé y être ne sauraient cependant oublier le regard de sa mère.
13:14 Publié dans art brut, Expos, In memoriam, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art brut, art hors-les-normes, caroline bourbonnais, alain bourbonnais, agnès et sophie bourbonnais, la fabuloserie, jardins imaginaires, jardins habités, pierre avezard, francis marshall, marie-rose lortet, alpo koivumäki, charles pecqueur, marcel landreau, nek chand | | Imprimer | | |