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30.05.2010

Sauven la muraio dis óufrèndo

le mur de loin.jpg

En Avignon, les murs de prison peuvent être aimables. Celui de l'enceinte de l'ancienne taule de la ville suscite un murmure qui fait tache d'huile sur le net et même un peu partout, y compris au-delà de la région PACA.

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C'est vrai quoi, y'a qu'a pas toucher à la mémoire collective! Pas toucher à la culture populaire spontanée qui est, à notre cœur, comme une province et beaucoup davantage.

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Depuis 1994, les trous dans les parpaings qui masquent une ancienne entrée ont été convertis en niches votives où les familles des prisonniers ont déposé nounours, cannettes, cartes à jouer, DVD, sopalin à bisous, messages d'amour, poussins coincés, petites peintures et plein d'autres objets d'art modeste.

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ancienne prison.jpgLa prison a eu beau déménager en 2003, le manège créatif a continué, preuve qu'il répond à un besoin profond. De mur d'offrandes symboliques aux incarcérés, ce mur situé sur la voie publique près du rempart classé, est devenu support d'ex-votos modernes où l'on se fait des cheveux pour son bac.

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Peu importe que, selon la légende urbaine, un plasticien ait revendiqué l'idée de départ, le fait est que tout un chacun s'en est emparé et tout-un-chacun à l'ouvrage c'est toujours hyper-émouvant.

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Là ce qui est bluffant, c'est que l'œuvre reste la même tout en changeant toujours. Au gré des saisons et des intempéries, des objets se détériorent mais il se trouve toujours des gens pour les remplacer.

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Inutile de dire aussi que cette œuvre d'art (car c'en est une qui vaut largement celle des musées d'art contemporain) est un puissant stimulant pour les photographes et même pour les simples touristes du monde entier qui peuvent emporter une image insolite purement avignonnaise dans leur petit kodack.

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C'est pas toujours évident pour une municipalité, déjà en charge de prestigieux témoignages du passé, de faire entrer l'art populaire dans son champ de vision. Souhaitons que celle d'Avignon sera sensible à ce patrimoine de mémoire et qu'elle saura défendre pour ses citadins du futur cet espace de liberté expressive et affective de ses citoyens d'aujourd'hui. Une pétition circule qui vise à l'y inviter.

Sauven la muraio dis oufrèndo!

La plupart des photos sont empruntées à la galerie de marq.tardy

Commentaires

Critiques d'art et ethnographes, même passion; même combat. C'est non seulement une œuvre d'art qu'il faut sauver, mais aussi un mur reliquaire alvéolé, à la fois métaphore cellulaire, et champ de châsses de mémoires individuelles... Bon Diu ! C'est extraordinaire ! (Comme on disait dans mon enfance languedocienne : "Putain ! ça fout les boules..." manière toute particulière de décrire une émotion stendalhienne devant ce mur de lamentations silencieuses. J'en reste sans voix...

Je me risque : cette démarche rejoint celle d'un Daniel Spoéri avec ses flacons d'eau de fontaines miraculeuses (bretonnes ?) dans leurs petits casiers... Mais en Avignon, ce mur est infiniment plus éloquent.

Sauvèm aquesta muralha !

Écrit par : Michel Valière | 31.05.2010

Plus encore qu'à un Daniel Spoéri je penserais davantage à des œuvres des années 45_55 de Joseph Cornell avec ses Dovecotes (colombiers, pigeonniers)... C'en est même parfois saisissant de ressemblance...
Excusez, Ani, cette insistance de quête de références. Est-ce d'ailleurs bien utile devant ce qui, profondément humain, jaillit d'un trait d'esprit. Où poser, ranger ces petits objets d'affection ? (cf. à ce sujet : Véronique Dassié, Objets d'affection: une ethnologie de l'intime, Paris, CTHS, fév. 2010.)

Écrit par : Michel Valière | 05.06.2010

@ Michel Valière

Mais , cher monsieur Valière, c'est de l'art et du meilleur qui soit!
Celui qui ne se présente pas comme tel, celui qui n'a cure des rangements, celui qui s'ignore lui-même.
Parce qu'il répond simplement à des nécessités "profondément humaines", au premier rang desquelles la célébration émue de la vie.
Alors, pas étonnant que les esprits lucides comme le vôtre discernent sa parenté avec d'incontestables réussites de l'art contemporain.
Il arrive en effet que l'art brut et l'art patenté parviennent à des résultats (presque) similaires mais c'est avec des moyens différents.
L'ingénuité la plus naturelle pour l'un, la culture réfléchie de la spontanéité pour l'autre. Cela fonde une différence (je ne dis pas forcément une supériorité) qui tient à la secondarité.
L'art brut est une tortue qui a toujours un petit avantage sur le lièvre de la culture.
C'est pourquoi Animula Vagula n'a de cesse de vous inviter (ainsi que ses autres lecteurs) à inverser l'ordre des priorités.
Vous qui passez votre temps, avec Michèle Gardré-Valière, à révéler les beautés chantantes, récitantes et dansantes de la vox populi, vous avez tout pour le comprendre: comme la dialectique, l'art a besoin d'être remis sur ses pieds.
Au contraire d'autres Nouveaux-Réalistes, Spoerri, Niki, Tinguely n'ont eu de cesse de désapprendre à marcher sur la tête.
C'est peut-être pour cela que certains, de nos jours, font profession de les bouder.

Écrit par : Jean-Louis Lanoux | 06.06.2010

Merci pour votre (vos) publication(s) à propos de ce mur.
Merveilleux texte. Vous dites l'essentiel.
Je découvre ça un peu tard malgré tout !

Écrit par : Michel Benoit | 05.11.2011

@ Michel Benoit

J'aime tellement ce mur votif que je suis allée m'y recueillir en live cet été.
http://animulavagula.hautetfort.com/archive/2011/08/15/adieu-prison-bonjour-palace.html
Grâce à vous plus personne ne pourra l'ignorer.

Écrit par : Ani | 05.11.2011

Oui, j'avais vu cette publication plus récente !
Je publierai d'ailleurs vos deux liens mardi.

Écrit par : Michel Benoit | 06.11.2011

Merci à Michel de nous aiguiller vers votre blog et particulièrement vers ces articles sur le mur des offrandes, mais aussi sur la prison. Je ne parviens pas à dissocier les deux, l'abandon de la prison, et de la mémoire de ceux qui y sont passés, me pèse autant que la disparition prévisible du mur votif.

Écrit par : Fardoise | 14.11.2011

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