04.02.2012
L’art brut dans l’œil de 303
Cet hiver lucide restera dans les annales animuliennes comme celui de 303.
Trois cent trois, c’est pas le nom de la vieille Peugeot de votre archi-grand papy, c’est celui d’une revue très classe éditée avec de la thune des Pays de la Loire.
Merci, la Loire-Atlantique, le Maine et Loire, la Mayenne, la Sarthe, la Vendée (44 + 49 + 53 + 72 + 85 = 303). Si tous les autres départements se décarcassaient pareillement pour les arts, les recherches et les créations ce serait au poil.
Dans l’œil de 303, il y a «la solitude des champs, le bonheur des plages, le son des marchés» aussi bien que «la foule des gares, la vitesse des machines, le rouge des avions».
Il peut bien y avoir l’Art brut, outsider, modeste. C’est le cas avec le 119 de 2012, un beau numéro que l’on caresse du doigt avant de le mettre dans l’œil central de la couverture qui représente, dans des tons volontairement non racoleurs, un de ces tableaux-cibles utilisés autrefois dans les tirs forains du Cercle de Chemazé en Mayenne.
Cet œil de 1895, qui nous regarde autant que nous le regardons, n’est pas seulement le symbole de cette publication. Intitulé Je la vois venir, il signe malicieusement le travail du maître d’œuvre de ce remarquable chantier d’écriture : la critique d’art, conférencière et prof d’histart Eva Prouteau. Comme la fameuse statue d’Emile Taugourdeau de Thorée-les-Pins dans la Sarthe, cette Eva-là mériterait le titre de Magicienne.
«Sous l’égide de Gaston Chaissac et de Robert Tatin, faux bruts et vrais sauvages savants», elle a rassemblé «de nombreux créateurs qui bousculent et cabrent les cadres culturels»
Fleury-Joseph Crépin
A. Guillard © Ville de Nantes-Musée des beaux arts
Chomo, Giovanni Bosco
Richard Greaves
© Mario del Curto/strates
Aimable Jayet, Hélène Reimann
© C. Dubart/LaM
et beaucoup d’etc.
«La famille des habitants-paysagistes (…) n’est pas en reste» avec Fernand Chatelain, André Pailloux, Jean-Pierre Schetz et consorts. Elle n’a pas oublié non plus d’«extra-ordinaires» objets populaires, «sortis de collections méconnues» comme ces douilles d’obus gravées par des Poilus de 14-18.
© B. Renoux
Eva Prouteau pour parler de ces sujets qui vont des bâtisseurs de l’imaginaire aux médiums en passant par les peintres muralistes et les musées a su fédérer et croiser des bonnes volontés venues d’horizons divers : conservateurs (Savine Faupin, Daniel Baumann, Patrick Gyger), responsables de centre de doc (Brigitte Van den Bossche), directeurs de site (Bruno Godivier), chercheurs indépendants (Bruno Montpied), écrivains (Fédéric Dumond, Jean-Louis Lanoux), chargés de mission (Vincent Cristofoli), artistes (Laurent Tixador), critiques d’art (Laurent Danchin), photographes (Ph. Bernard, B. Renoux, Mario del Curto). Pardon si j’en oublie. Se reporter aux pedigree, astucieusement mêlés au sommaire, ce qui les rend plus digestes.
Eva a même fait une place à la blogosphère. Et je suis pas peu fière qu’elle ait accepté de glisser ma mauvaise «langue aux registres feuilletés» dans tout ce beau langage.
Car chacun, visiblement a fait de son mieux dans cet exercice. Tout le monde s’est mis sur son 31 pour 303. C’est que l’enjeu en valait la peine. Comme au printemps dernier, le n°24 d’Area, ce numéro spécial de 303 vient contribuer à la synthèse de deux ou trois ans de débats autour des «aires de contact, d’attraction et de porosité» qui se multiplient «entre culture savante et culture populaire». J’emprunte ces expressions à l’édito d’Eva Prouteau. Celui-ci, qui a le mérite de la clarté, ne cache pas son penchant pour le «décloisonnement» comme si le territorial était tout (quid de l’autre scène Eva?). Mais cette préférence s’énonce en des termes si dialectiques qu’ils font incontestablement avancer le schmilblic : «Décloisonner ne veut pas dire amalgamer ou niveler».
20:50 Publié dans art brut, Blogosphère, Gazettes, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (6) | | Imprimer | | |
Commentaires
tout ce qui est de l'autre coté du barbelé m'intéresse;
meci pour l'info j'irai acheté la revue 303. bonne semaine denis gaume et vive la vie
Écrit par : gaume | 05.02.2012
c'est un détail hors sujet mais cette Peugeot en photo est une 203 et je pense qu'il n'y a pas eu de lignées 303 chez Peugeot. Ceci dit, LE 303 dont il est question est vraiment un ouvrage fort interessant.
Écrit par : Katie | 06.02.2012
On peut l'acheter en librairie, vraiment?
Écrit par : sylvie durbec | 06.02.2012
@Katie
Bravo pour votre culture peugeotophile!
Le modèle 303 de la marque au lion ne dépassa pas le stade du prototype, en effet.
Ce n'est pas le cas du 119 de la revue du même chiffre qui existe bien puisque vous l'avez trouvé "fort intéressant".
Écrit par : Ani | 06.02.2012
La nouvelle de la sortie de 303 se propage dans la blogosphère.
Je m'en réjouis même si déjà une erreur mérite d'être rectifiée.
Dans un compte-rendu du N°119, posté le 12 février sur son blog, Bruno Montpied m'attribue à tort la paternité du chapô de l'article "Les Dérives d'Animula".
Hommage involontaire puisque ce chapô est fort bien écrit.
La vérité m'oblige cependant à rappeler qu'il émane de la direction éditoriale.
Y compris la phrase: "Animula Vagula anime un blog éponyme qui est devenu une référence dans le monde de l'art brut et de ses alentours".
Ceci dit, non seulement pour épargner à BM le ridicule d'un trop visible contresens, mais aussi pour que ses lecteurs (qui viennent régulièrement sur Animula) sachent en toute liberté à quoi s'en tenir.
Écrit par : Jean-Louis Lanoux | 12.02.2012
@ Sylvie Durbec
Ouiiiii, ça y est! Le 119 de 303 est maintenant en piles sur les tables de l'Espace-Librairie de la Halle Saint-Pierre à Paris.
Comme une nouvelle exposition concernant l'art brut italien commence bientôt là et que des oeuvres de Giovanni Bosco y figurent, ce sera le moment idéal pour se fournir.
Écrit par : Ani | 14.03.2012
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