13.09.2014
Les glyptolithes d’Ica, c’est le Pérou
En cette fin d’été d’une douceur presque philosophique, on se sent gagné par la PPAC.
La Peur de Passer À Côté devant toutes les expos qui nous tombent sur le paletot.
L’Art différencié international aux Sables d’Olonne, jusqu’au 28 septembre 2014.
Ficties rond de oorspong (Fictions des origines de l’art) dans la rue Haute, jusqu’au 12 octobre.
et Ralph Fasanella qui viennent de commencer à New York.
Sous le vent 2 qui hissera la voile le 16 septembre au bon vieux port de la Halle Saint-Pierre.
On ne saurait suivre. C’est presque trop. A force, l’envie prend d’aller voir ailleurs si l’art brut y est. Au Pérou par exemple. A Ica, plus précisément. Une ville viticole au sud sud de Lima. Pourquoi? Mais pour les pierres naturellement! Les mystérieuses Pierres d’Ica.
Ce que j’aimerais c’est visiter le Museo cientifico Javier Cabrera qui abrite ces milliers de galets, plus ou moins gros, gravés de scènes animées d’une grande variété où voisinent créatures de la préhistoire et personnages d’allure précolombienne.
D’emblée, ce musée fait penser au musée d’Emile Fradin à Glozel ou au musée du silex de Robert Garcet à Eben-Emael, près de Liège en Belgique. On y respire le même parfum d’escarmouche entre la science officielle et les théories autodidactes superbement sinueuses.
En dépit des preuves qu’on ne cessa de lui opposer, le Dr Javier Cabrera, le collectionneur de ces pierres dont le style narratif, allusif et primitiviste sans-peine frappe par son adaptation à la nature du matériau et à la forme des supports, ne cessa de leur assigner des origines fabuleuses.
Que celui qui n’a jamais rêvé lui jette la première critique!
Ses spéculations ufologiques sur les premiers astronautes, peuple d’extraterrestres dont les exploits dinosauromachiques et technologiques seraient représentés sur les galets d’Ica ont certes été relayés, dans les années 70 du XXe siècle, par les tenants d’un réalisme fantastique popularisé par la revue Planète.
Notamment par Robert Charroux, jonglant avec la fiction et l’ésotérisme, dans son livre L’Énigme des Andes.
Pas sûr que les conceptions plutôt fumeuses de cet écrivain sportif et aventurier aient beaucoup servi les Pierres d’Ica!
Mais ce n’est pas une raison pour ne pas les regarder car elles en valent la peine. Derrière elle se profile une légende qui attribue à un paysan local la confection de ces œuvres.
L’histoire dit qu’il les aurait trouvées dans une grotte dont il garda l’emplacement secret. Mais lorsqu’il fut accusé de trafic d’objets archéologiques pour avoir présenté et vendu comme tels ses soi-disant trouvailles, le «découvreur» changea de version et reconnut (ou prétendit) en être l’auteur.
Dans ce jeu d’esquive avec la responsabilité de la création, on reconnaît -et c’est troublant- un comportement fréquent chez les auteurs d’art brut.
16:12 Publié dans Ailleurs, Archéologie brute, art brut, Ecrits, Expos | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : abbaye de ste croix, art & marge musée, halle saint pierre, glyptolithes d’ica, willem van genk, ralph fasanella, glyptolithes d'ica, pérou, dr javier cabrera, basilio uchuya, robert charroux | | Imprimer | | |
Commentaires
Bonjour !
Je viens d'ouvrir à nouveau votre si intéressant blog.
Les pierres d'Ica, dont je connais l'existence depuis pas mal d'années, sont à vrai dire invraisemblables (au sens fort du mot : on ne peut y crore).
En effet, historiquement ça ne tient pas debout (pour les non-concordances d'époques).
Pour moi, il ne fait aucun doute que ses sont des faux.
Mais il reste une énigme : l'extraordinaire qualité plastique des gravures. Leur style est remarquablement "primitif", mais surtout, la qualité des dessins et la perfection des compositions (comment chaque élément est placé dans l'espace imposé par le support ) sont très très étonnantes. Cela me dépasse tout à fait !
Au sujet de ces gravures j'ai entendu autrefois parler d'une histoire de canular dû à des étudiants des beaux-arts du pays en question. Mais pourquoi ces étudiants, décidément très doués, ont-ils résisté à l'envie bien légitime —et pratiquement irrésistible— de graver dans un coin discret, sur quelques pierres, un petit truc, une petite signature codée signifiant après coup : "Oui c'est bien nous,de l'école des B.A. Machin, qui avons fait ce coup-là !"
A moins que le bon docteur ait supprimer les galets en question ?
Il faudrait que je me replonge dans cette histoire. D'autant plus que je collectionne les arts précolombiens.
Si vous pensez que le présent message présente bien peu d'intérêt je ne vous donnerai pas tort !
……………………
Ça y est, j'ai ouvert le lien que vous donnez sur votre blog, et je pense maintenant avoir compris cette affaire qui, en gros, est effectivement une histoire de faux mais pas totalement. J'ai surtout compris pourquoi ces gravures "fausses" sont si belles. Bien entendu, il me semble qu'on ne parle pas souvent de leur esthétique si impressionnante !
En fait, une partie du texte que j’ai pu lire sur votre site donne l’explication de l’énigme, c’est celle où il est dit que des paysans ont été payés pour faire des faux.
Une chose est sûre, les paysans de ces régions sont souvent restés proches, par bien des côtés, de leurs très lointains ancêtres. Dans le livre que j’ai eu le plaisir d’écrire sur Eliane Larus en 94, j’ai donné la copie d’une belle lettre qu’elle m’avait envoyée de Chichicastenango, ville maintenant très touristique. Je me permets de placer ici un extrait de ce bouquin :
Le voici donc, le pays de l’émotion immédiate, la terre des splendeurs et des calamités, dont Larus avait soupçonné le malheur ultime en peignant six ans plus tôt un panneau hommage intitulé Mexico. On y voit Quetzalcoatl, le dieu Serpent à plumes, mais aussi le civilisateur toltèque légendaire, se frayer un chemin vers la lumière entre les poutrelles d’un édifice effondré. Étrange prémonition, car nombreuses sont les personnes qu’elle rencontre ici ou là —et jusqu’au centre de Mexico— qui précisent : “je ne suis pas Mexicain, je suis Zapotèque ; je ne suis pas Mexicain, je suis Maya...”. L’Amérique Centrale ne peut oublier qu’elle fut le lieu de civilisations irréparablement ruinées. Peut-être est-ce la raison des extravagances qui explosent dans maintes festivités, et parfois semble-t-il sans raison.
Du Mexique au Guatemala, Larus aura eu sa part d’émotions :
“Chichicastenango : l’altitude est de deux mille mètres, l’air très pur, on pourrait se croire dans les Alpes s’il n’y avait les cris des oiseaux exotiques, des dindons, les hurlements des chiens qui se battent et ces pétards énormes genre coup de canon, je n’ai pas encore compris ce que c’est... Enfer et Paradis...
(...) Je viens de terminer mon repas, il est 19 h, on dîne très tôt et on se lève tôt ici : 7h du matin, mais à partir de 6h beaucoup de bruit. Je passe devant l’église, il fait nuit, des braseros sont allumés par les Indiens pour se chauffer sur les marches qui sont noires de suie. Un homme encense le parvis en balançant une boite de conserve percée remplie de morceaux de résine. Au pied des marches : la place du marché, quelques lampes à gaz, des braseros pour faire la cuisine. Les Indiens mangent à de grandes tables dans une atmosphère prenante, dorment par terre, serrés les uns contre les autres. (...) Au Mexique, dans les églises du Chiapas, assis sur le sol avec des bouteilles de Mescal et des boites de coca-cola, ils brûlent des offrandes, raccordent à leur manière les dieux des deux civilisations... “
Et Eliane a pu rapporter quelques têtes en terre cuite, modestes parties de statuettes que des paysans trouvaient dans leur champ. Mais, détail intéressant pour l’énigme qui nous intrigue ici, c’est qu’elle a aussi rapporté des faux, non pas de simples copies mais des œuvres superbement réinventées (et vieillies pour faire croire qu’elles sont antiques). Et ces pièces-là, y compris celles qui sont en bois polychromé, sont sacrément primitives. Elles font l’admiration des visiteurs qui viennent dans l’atelier d’Eliane Larus. Voilà donc, à mon avis de non spécialiste en tout cas, peut-être le vrai secret des pierres d’Ica : faire travailler ces hommes apparement frustres mais qui ont su garder en eux le souvenir des fabuleux empires disparus. On peut imaginer qu’au tout début de l’affaire des gravures anciennes furent trouvées par hasard. Il n’y avait plus qu’à continuer la collection…
Amitiès,
Michael
Écrit par : Michael lecomte | 31.10.2014
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