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22.07.2008

« Irregolari » : 8 créateurs d’art brut siciliens

couv livre Irregolari.jpgEnfin, ça y est, je l’ai reçu. Je commençais à bouillir parce que, depuis sa sortie, fin mai 2008, je faisais des pieds et des mains pour me procurer : Irregolari. Merci à Kalos, son éditeur palermitain. Il a eu pitié de votre petite âme errante et lui a propulsé cet ouvrage d’Eva di Stefano dans sa boîte aux lettres et à malices réunies. Irregolari, c’est pas trop dur à traduire, je pense, pour les Animuliens francophones qui sont familiers des «indomptés», des «indisciplinés» et autres «inspirés». Et pour ceux qui auraient la comprenette difficilette, le sous-titre du bouquin de l’historienne (et critique) d’art italienne est assez limpide : Art Brut e Outsider Art in Sicilia. O.K., vous captez le truc ? La monographie de la Signora di Stefano comble une lacune. A partir d’un socle théorique que j’ai sauté pour le moment car j’attends d’avoir un bon dico, elle s’attaque à cette «terra matta», la Sicile. Avec sa longue tradition pleine de mythes, d’archéologie, de drames et d’immigrations  (très tendance en ces temps unionistes et méditerranéens) cette île fascinante devait fatalement recéler son lot de «visionari, illetterati, eccentrici» adeptes d’un art spontané, vivace et irrépressible.

Filippo Bentivegna.jpgEva di Stefano a eu la bonne idée de se borner à nous en présenter 8, choisis parmi les cas les plus intéressants. Tous des hommes, nés pour la plupart dans les 30 premières années du 20e siècle.

Si j’excepte Filippo Bentivegna dont vous avez déjà pu visiter le Castello incantato le 21 mai 2008 sur mon considérable blogue, je vous recommande également :
Francesco Cusumano qui a commencé l’art par une sculpture qu’il avait vue en rêve

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Rosario Santamaria et ses chiens de pierre, pour qui, selon Eduardo Rebulla «l’arte aveva una funzione eminentemente autoremunerativa»

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Francesco Giombarresi, dandy aux géométries piranésiennes

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Sabo (pseudo de Salvatore Bonura) et son univers pictural peuplé de sortilèges sensuels qui apparaît à Michel Thévoz, dans une lettre à Eva di Stefano de mars 1982, «come la proiezione drammatica di un mondo interiore tormentato»

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Gaetano Gambino, ses paysages préhistoriques et son monde plus pétrifié que celui de Max Ernst

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Giovanni Abrignani qui ne dessine pas comme un enfant mais est plutôt à l’écoute de l’enfant qui est en lui

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Giovanni Cammarata et sa «casa degli elefanti» a Maregrosso, un faubourg de Messina

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Bien entendu, il y a une foule d’autres pistes à suivre dans les Irréguliers d’E. di Stef. Comme elle a déjà écrit des tas de choses sur l’art européen des 19e et 20e siècles et sur l’avant-garde en Sicile, sa documentation tient la route, tant sur le plan culturel que «contre-culturel» (pour aller vite). Et puis, dans une dédicace à son père Guido di Stefano, «storico dell’arte e siciliano elegante», elle nous confie, en petits caractères très discrets : «Dedico questo libro, che per molti motivi a me è il piu caro (…)».

Toutes les photographies sont empruntées à l'ouvrage : Irregolari 

21.05.2008

Au «Castello incantato» de Filippo Bentivegna

Si vous pouviez voir mon fond d’écran! Je me suis installé les gratte-ciel de Filippo Bentivegna. Le skyline que cet infatigable créateur-excavateur a peint sur les murs de sa maisonnette sans fenêtre, après son retour des U.S.A où il avait émigré au début du 20e siècle.

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Vous pensiez pas qu’en Sicile, je m’étais contentée de glaciers et de temples ?
A peine arrivée, j’ai foncé vers Sciacca (ça se prononce «Chaca» que je répète pour le plaisir d’évoquer la scène du Minotaure dans le Satyricon de Fellini).

Direction les 5000 têtes sculptées par Bentivegna, surnommé «Filippu di li testi», alors que de son vivant on lui donnait de «l’Eccellenza», à cause peut-être du mélange de trouille et de respect qu’il inspirait.

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Très vite, dans les fresques du petit Chicago intime de l’ancien émigré sicilien, des têtes, plutôt grimaçantes, sont apparues. Elles se sont multipliées tout autour, dans le jardin de cailloux que Filippo s’est acheté en 1935 en dehors du village.
461222918.2.jpgCela ne s’était pas très bien passé en Amérique. F.B. n’avait appris que quelques mots d’anglais, refusé la naturalisation. Une histoire de violence liée à un amour malheureux par dessus le marché. De retour chez lui F.B. ne choisit pas la voie de la facilité mais celle d’une entreprise artistique inouïe dans son contexte social.

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Le terrain de Bentivegna avec ses oliviers descend de la montagne par paliers vers la mer. Quand on l’aborde de la route escarpée qui mène à lui, on le gravit en soufflant et en se confrontant à des vagues successives de visages, plus ou moins grossièrement taillés, qui frappent par la tristesse qu’ils dégagent.

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Même si les murets de protection installés par la commune, aujourd’hui propriétaire et gardienne des lieux, rationalisent un peu cet espace sauvagement personnel. Cela vous déboussole, vous fout le tournis. «Totale prise de tête !» résume ma copine Léa avec son humour dévast-auteur.

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Le malaise culmine quand on arrive aux murs crênelés, ondulés à la Gaudi, mais boursouflés de têtes, à peine émergentes ou proéminentes qui vous lorgnent de leurs yeux torves comme si on était hallucinogénées.

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C’est trop pour certains visiteurs et c’est encore rien car on arrive maintenant au sommet où sont les grottes.

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C’est au seuil de celles-ci que Dominique s’est arrêtée. On n’a pas pu la forcer, la pauv’ chérie.

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Intrépide comme je suis, je me suis engouffrée là-dedans en serrant les … et en essayant de deviner les figures de cauchemar bubonnant dans les parois, à la lumière de mon téléphone portable.

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C’est magique et terrible à la fois, d’autant qu’à l’intérieur la couleur rouge a tenu sur ces visages dantesques. Trop formidable, limite à gerber, comme quand on monte pour la première fois dans un hélico alors qu’on a le vertige.

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Dans ce dédale de passages étroits où le corps se coince dans des alvéoles, Bentivegna, au prix d’un travail colossal, nous fait cotoyer des chocottes quasiment préhistoriques.

 

23:55 Publié dans Ailleurs, Sites et jardins, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : filippo bentivegna, art brut | |  Imprimer | | Pin it! |