01.06.2009
Sylvain Fusco se fait voir chez le G.R.E.C.
Sylvain Fusco, c'est pas l'actualité qui l'étouffe. Rare vraiment qu'on voit son nom dans le Landerneau brut. Et pour cause. Ses œuvres circulent pas. Les collectionneurs n'en ont mie. Tout est à Lausanne et la Collection de l'Art brut ne peut que de temps à autre attirer l'attention sur lui. C'est l'inconvénient avec les musées, même les «anti-musées». Pour conserver, ils conservent mais ils soustraient aussi.
Heureusement, il y a des gens qui n'oublient pas Sylvain Fusco, un peintre de la plus belle eau intraitable. C'est le cas de Céline Muzelle qui lui a consacré un mémoire d'histoire de l'art en 2001. Elle va venir tchatcher sur lui à Paris dans le cadre du séminaire de Lise Maurer.
Fusco a réalisé son œuvre d'une nécessité absolue à l'asile de Bron (Hôpital Psy du Vinatier) dans la banlieue de Lyon entre 1935 et décembre 1940. Après quoi, il est mort. A 37 ans. De «sous-alimentation» dit-on. Mort de faim, quoi, comme Séraphine Louis, comme tant d'autres pauvres «Geiteskranken» pendant l'Occupation nazie secondée par la maréchalerie. Un des premiers sur les 2000 rectifiés à Lyon malgré les provisions de la ferme qui dépendait de l'hosto.
Pour comprendre, il n'y a qu'à lire Artaud, qui a failli y passer ailleurs et a été sauvé in extremis grâce à son transfert à Rodez. Mourir de faim, faut se reporter aux Confessions d'un mangeur d'opium de Thomas de Quincey pour imaginer l'horreur. Ou alors à Fontan Crusoé (Aventures d'un déclassé racontées par lui-même), un texte extrait du recueil de Jules Vallès intitulé Les Réfractaires. Les Editions Anacharsis viennent d'avoir la bonne idée de le rééditer.
Sylvain Fusco n'était pas un bavard. «C'est joli, ça», sont les seuls mots qu'André Requet, son médecin, lui ait entendu dire, un jour que ce psychiatre lui manifestait combien il kiffait son œuvre.
Les bouches à la Kiki (de Montparnasse), que Fusco affectionne quand il représente des brunettes plantureuses, sont d'ailleurs toujours rétrécies par le maquillage. Silence donc, le créateur travaille! Et dans un premier temps, il couvre murs et couloirs de l'asile avec les moyens du bord. Comme un préhistorique sa grotte.
Ne plus parler : la méthode a permis à Fusco d'échapper au bagne militaire où il avait échoué après 2 ans de prison suite au meurtre d'une femme, commis à 20 ans, dans des circonstances peu claires. Dans sa première manière, S.F. se voue à l' «origine du monde», il se fait des expos privées de gigantesques minous de meufs, trop picturaux pour être vraiment obscènes (j'ai pas trouvé de repros). Il piètine furieusement pastels et toiles qu'on lui donne, préférant le jus de feuilles d'arbres, la terre grattée au sol.
Requet, qui rame pour ramener vers nous cet homme d'une tristesse effroyable (sur les photos), parvient à lui faire accepter du matériel. Et ce sont quelques mois d'une production sur papier acharnée (celle que l'on connaît).
Malheureusement André Requet doit partir troufion. Quand il retrouve Fusco, celui-ci n'est plus que l'ombre d'une ombre.
Sylvain Fusco-Autoportrait
C'est non loin de la prison de la Santé, à l'amphithéâtre de l'Institut de Théologie Protestante, le samedi 13 juin 2009 de 14 à 16 h, que se produiront Lise Maurer, Celine Muzelle et leur invité Sylvain Fusco. C'est sur le boulevard Arago, au 77. On se repère au croquignolet petit fronton néo-classique.
18:48 Publié dans Lectures, Parlotes, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art brut, sylvain fusco, céline muzelle, le vinatier | | Imprimer | | |