25.01.2014
Des cercueils sous le Siège d’Arthur
Sombre jour. D’ordinaire, je mets pas mon nez dans les cérémonies mortuaires mais là : une amie à soutenir dont le grand-père vient de perdre son combat en 15 rounds contre la maladie. Tout de même je m’ennuyais ferme en écoutant les histoires de l’oncle saint-paul tomber cahotiquement (et catholiquement) de l’accent polonais du curé.
Mon esprit s’envolait pour retomber dans le memento mori. Je pensais à l’art brut qui aurait intérêt à s’enterrer pour échapper aux inopportunes dévotions dont il est l’objet.
Les petits cercueils du National Museum of Scotland ont alors refait surface dans ma petite âme errante.
De retour dans mon laboratoire animulien, j’ai rouvert mon dossier sujets-à-traiter. Ils attendaient là, sur le site de l’écossais musée, que je m’occupe d’eux.
Sont-ils pas mimi avec leur 95 mm de long ces coffins contenant de petits corps rudement sculptés et vêtus?
Il n’en resterait plus que 8 aujourd’hui mais ils étaient 17 en 1836 quand une bande de gamins chasseurs de lapins tomba dessus.
Empilés en trois couches avec un solitaire sur le dessus, ces cercueils étaient enfouis dans une grotte proche du Siège d’Arthur (Arthur’s Seat), une colline de légende de la ville d’Édimbourg.
Diverses théories ont été émises à leur propos.
La plus pittoresque voudrait que ces cercueils et leurs contenus évoquassent les 17 victimes de Burke et Hare. Deux joyeux drilles accusés d’avoir en 1828 zigouillé des gens pour vendre leurs corps comme matériel de dissection à un toubib du coin.
Plus probablement, ce pourrait être des statuettes conjuratoires ou des objets de sorcellerie.
La sorcellerie c’est souvent à touche-touche avec l’art brut. Du point de vue formel au moins.
En l’absence d’informations précises, je ne saurais cependant affirmer que ces productions de l’époque romantique sont de l’art brut.
En tout cas c’est mieux que bien des choses qu’on nous présente aujourd’hui comme tel, n’est-ce-pas ?
15:25 Publié dans Ailleurs, Jadis et naguère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arthur’s seat coffins, edimbourg, national museum of scotland, burke et hare, sorcellerie, art brut | | Imprimer | | |
03.03.2012
Ma postière est une sorcière
Cela me fait doucement rigoler de lire sur le prospectus de l’expo Sorcières que celle-ci «s’inscrit dans l’engagement de La Poste dans la lutte contre les discriminations (…)» etc.
Cet ex service public, qui transfère aux usagers le boulot de ses préposés qu’elle remplace par des machines n’acceptant jamais mes billets de banque fripés, n’est jamais en retard d’une auto-promotion.
Mais bonne fille comme je suis, j’oublierai un moment les crises de nerfs que je pique dans mon buro d’affranchissements et je vous vanterai les mérites de cette exhibition du Musée de la poste (près de la gare Montparnasse) rebaptisé L’Adresse (!) sans doute pour figurer en tête des listes.
On va voir Sorcières, mythes et réalités (jusqu’au 31 mars 2012) comme on irait se faire désenvoûter dans nos campagnes. Un conseil à ce propos : commencer par la fin en pénétrant directement chez Madame P, une «sorcière» qui officiait dans un hameau de la Creuse jusqu’aux années 50 du XXe siècle. Vous n’en prendrez que mieux la réalité (y compris artistique) de la chose en pleines mirettes sans passer par le filtre du parcours savant que le plan de l’expo tend à nous faire suivre.
Il sera bien temps de relativiser ensuite mais pour ces premiers instants mieux vaut faire avec sa sensibilité qu’avec son intellect. C’est qu’on est d’emblée de plain-pied avec une sorte de vaudou rural bien de chez nous.
Les vitrines sont pleines d’objets ayant accompagné des pratiques magiques. Objets découverts dans la maison de Madame P. après sa mort. Des têtes de diables, fabriquées sur commande par un potier local.
Des figures humaines ou des cœurs plantés de clous comme des fétiches africains.
Des souches d’arbres sculptées de formes fantastiques où l’on touche aux territoires de l’art brut.
Respect, respect, respect! C’est pas de la rigolade. Ces objets ont été recueillis par l’ethnologue Daniel Pouget. Ils proviennent de sa collection du Couvent de Chazelles sur Lavieu (Loire) qui m’a l’air bien passionnant.
La place me manque pour vous raconter les autres sections de l’expo mais il y a encore pas mal de curieuses choses à se mettre sous la paupière : statuette d’envoûtement, cannes de bergers, tuile faîtière, anti-sex-toys destinés à couper le sifflet d’un nouveau marié à qui on veut faire des misères (on appelait ça «nouer les aiguillettes»).
A la sortie, avant de vous précipiter sur le catalogue ou sur Le Mag qui contient un entretien avec Hugues Berton et Christelle Imbert, les deux ethnologues dont beaucoup d’objets figurent dans l’expo, n’oubliez pas de looker l’extrait de Häxan, le film muet du grand cinéaste danois Benjamin Christensen. C’est de 1920 et c’est magique.
23:51 Publié dans art brut, Ecrans, Expos, Oniric Rubric | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée de la poste, sorcellerie, envoûtements, ethnographie populaire, daniel pouget, chazelles sur lavie, hugues berton, christelle imbert, benjamin christensen, häxan | | Imprimer | | |