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La chine à Chinon
Chiner à Chinon. Tout un programme. Voilà que ça m’a pris comme ça : une grande envie de Loire et de ses affluents. A Chinon, on gare facilement sa Chevrolet de location près de la Vienne.
Sous de beaux arbres et pour pas une thune car messires les édiles locaux attirent le visiteur sans escagasser son porte-monnaie !
Sous le regard bienveillant de notre Rabelais local, le salon du livre salonnait sous le soleil en ce samedi 11 août 2012.
Pas loin de là, le musée d’art et d’histoire m’a tendu les bras et comme à l’accueil la dame m’a gentiment expliqué que je trouverai une salle d’art et traditions populaires au dernier étage, je me suis enfournée dans l’escalier à vis de ce joli bâtiment médiéval.
Chinon est une ville pittoresquement chenue dont la pierre tendre est parcourue de graffiti superposés au cours des temps. Il suffit que les crépis s’écaillent sur les maisons pour que réapparaissent des noms,
des poissons
ou des tracés de gabares, bateaux à fond plat jadis utilisés pour le transport des marchandises.
Par ci par là, en cherchant un troquet pour me taper une cassis–fruit de la passion, j’ai essayé d’en piéger quelques uns avec mon petit Kodak.
Mais c’est surtout dans l’escalier et sur les murs du musée que j’en ai trouvé des intéressants du genre petit château
et même cervidé sommaire dont j’ai malheureusement un peu coupé les bois.
13.08.2012 | Lien permanent | Commentaires (5)
Meilleurs vœux d’Asuncion
Avec les vœux du monde entier naissent en hiver les envies de voyage.
Aujourd’hui, au Paraguay, avec ceux de Dorothée Selz qui m’adresse (et adresse par ricochet à tous les Animuliens) une carte postale d’Asuncion, la capitale de ce pays du cœur de l’Amérique centrale.
Elle nous propose «une petite visite au Museo del Barro, un étonnant, émouvant musée d’art populaire».
Environ 4000 pièces depuis le 17e siècle. Productions diverses relevant de la céramique
de l’imagerie religieuse
de l’univers des masques etc.
Suivons avec confiance cette représentante du eat-art. La jeunesse de Dorothée a été baignée dans les collections de son père, le journaliste Guy Selz qui avait rassemblé des milliers de petits objets à la frontière de l’art populaire, de l’art brut et de l’art modeste.
Objets venus d’un peu partout.
Merci de l’info, chère Dorothée et très belle année à vous aussi et à vos sculptures comestibles et éphémères.
Et merci aux Guarani.
29.01.2012 | Lien permanent
Vintage & Revival, des revues très tendance
Vous allez dire que je me prends les pieds dans l’art-thérapie mais ce n’est pas ma faute si le sujet revient sur le devant de la scène par le truchement de la dernière livraison de la revue Création Franche. Ce ne sont pas moins de 4 articles sur 10 qui, par différents angles, abordent la chose.
«Art-thérapie» est d’ailleurs une façon de parler, une commodité langoustique puisque, au fur et à mesure que celle-ci se généralise, c’est plutôt le vocable d’«ateliers de création» qui est avancé. Ateliers par ci, ateliers par là, le terme revient souvent (au moins en filigrane) que ce soit pour le Creahm ou La Pommeraie en Belgique, pour L’Erreur en Italie, pour La Passerelle en France sous les plumes (ou grâce aux claviers) de Déborah Couette, Teresa Maranzano, Dino Menozzi et Bruno Montpied.
Pour aller vite, chez Dino j’ai remarqué «le rhinocéros hybride» de Giulia Zini, digne d’être enviée «pour la simple cohérence de son existence, pour la spontanéité avec laquelle elle se livre à son monde, pour le dédain exemplaire derrière lequel elle se réfugie, pour le sourire satisfait qui émerge toujours d’elle».
Maranzano m’a impressionnée avec les objets sous bandelettes et la cabane de Pascal Tassini qu’elle compare à un Merzbau. Ceci malgré des références un peu appuyées à Henri Focillon.
Bruno m’a tout l’air de recycler des infos qu’on a déjà lues sur son site.
Ce que j’ai préféré c’est le papier de Débo relatif au «travail d’Alexis Lippstreu» parce qu’à côté d’une simple étude de cas, elle s’attaque bravement à la question du faux mimétisme dans l’art brut. C’est à dire à cette capacité qui est la sienne de s’affranchir des influences par un véritable travail de transmutation.
«Un Gauguin par Lippstreu n’est plus un Gauguin mais un Lippstreu» conclut Déborah Couette et ça veut tout dire.
Sur le front des revues, signalons le retour -mais oui!- de L’Œuf sauvage. Vingt ans après, le mousquetaire Claude Roffat refait l’Œuf! Il sort -comme si l’eau n’avait pas coulé sous le pont Mirabeau- non une nouvelle mouture mais bien le n°10 de sa sauvagine revue! Le jarret est bon et le poignet ferraille quoiqu’avec moins de vélocité. L’avenir serait-il dans les œufs? On verra.
Ce numéro au parfum revival ne séduira pas que les nostalgiques ou les dénégateurs de temps qui passe. Les amateurs de cas plus récents pourront s’intéresser aux émouvantes convocations mortuaires des dessins de Ghislaine dont la lucidité terrible et désespérée crépite comme une flamme sous l’effet de l’oxygène existentiel.
Je vous en aurais bien dit plus sur ce come back et sur le contenu de ce numéro qui tourne le dos à une si grande plage de silence mais Alain Paire vient de poster à ces propos une de ces notes définitives dont il a le secret. Le mieux est de lui rendre visite.
18.01.2012 | Lien permanent | Commentaires (3)
Jean Perdrizet, un inventeur tous azimuts
L’art brut est un Nil dont il est passionnant de chercher les sources.
Amatrice d’eaux méandreuses comme je suis, c’est avec plaisir que j’irai me baigner dans le fleuve profond de l’inventeur Jean Perdrizet (1907-1975) dont l’exposition, commence le jeudi 2 février (vernissage).
Cette expo de plans détaillés et commentés que ce digne habitant de Digne-les-Bains adressaient à tous les CNRS du monde, cette expo, dis-je (et même pro-dis-je), est organisée par la Galerie Berst avec Roger Roques de la Galerie Loin-de-l’œil. Pour ceux qui l’ignoreraient, RR est le bien connu libraire toulousain à l’enseigne de Champavert. Et Loin-de-l’œil, le nom de la Galerie qu’il a ouverte en 2009 à Gaillac dans le Tarn. Avec ce Roger, on n’est jamais trop loin des avant-garde du XXe siècle.
Aussi me suis-je dit qu’il y avait anguille surréaliste sous roques avec Perdrizet, créateur d’une «utopie cybernétique de communication avec les morts». J’emprunte cette formule au texte du scientifique Jean-Gaël Barbara qui figure dans le catalogue. Comme il est consultable en ligne, vous verrez qu’il reproduit aussi la contribution que le mathématicien José Argémi avait donnée en 1979 à l’ouvrage collectif intitulé par antiphrase Discours.
Ce bouquin, réalisé sous la houlette de Jean-Michel Goutier, par un groupe d’auteurs et de peintres (dont Giovanna qui s’est chargée de la couverture jaune) fut publié par Plasma, maison d’édition des punkesques années 70, moins étudiée que Le Sagittaire ou Champ Libre mais pas mal intéressante aussi. On peut s’en rendre compte en consultant le chantier préparatoire qu’Eric Dussert a ouvert à son sujet dans son Alamblog.
Discours est assez coton à trouver. C’est dommage car c’est sans doute grâce à lui que Perdrizet a piqué la curiosité des amateurs de sciences obliques, de langages parallèles (le Dignois est l’inventeur d’une «Langue T») et de robots. Discours, à vrai dire, avait été précédé en 1971 par la très courte notice du catalogue de la Collection de l’Art Brut. Notice avare d’illustration. On y apprenait que Perdrizet était bossu. Les 3 grandes reproductions qui illustrent l’article, bien plus détaillé, de José Argémi dans Discours durent faire autrement impression, bien qu’en noir et blanc.
A noter que Giovanna (pseudo du peintre italien Anna Voggi) est une des ultimes recrues du surréalisme tardif des années soixante. Le Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs de Biro et Passeron nous apprend, par le truchement d’Edouard Jaguer qu’elle «intervient dans le champ de l’expérience graphique en créant, vers 1965, un genre nouveau : le dessin automatique … à la machine à écrire».
Les effets de «fantastique abstrait» qu’elle tire des rencontres entre signes et formes n’est pas sans ramener mon esprit à ceux de Palanc, le pâtissier de Vence, grande découverte d’Alphonse Chave révélatrice du second souffle de l’art brut à la fin des années cinquante. Ceci dit pour ceux qui veulent absolument télescoper l’art brut avec l’art contemporain et qui se contentent généralement du premier rapprochement venu avec le premier people duchampignonesque venu.
Ah, j’oubliais… La Bibliographie lacunaire des éditions Plasma d'Eric Dussert mentionne la diffusion en 1978 d’un album de dessins de Giovanna. Il est intitulé : Deus ex machina. C’est aussi le titre de l’exposition Jean Perdrizet à la Galerie Christian Berst.
Bonus du 23 février : ci-dessous la video réalisée par Roland Cros sur Universcience.tv, la webTV scientifique hebdo.
01.02.2012 | Lien permanent
Germain Van der Steen est passé à Drouot
A l’intention de l’Animulien fidèle (il se reconnaîtra) qui ne rate pas une occasion de me passer un savon quand j’oublie de parler de Germain Van der Steen, faux-naïf et vrai représentant de la Neuve Invention, pur Parisien bien que né à Versailles sous un patronyme flamand, marchand de couleurs insomniaque, créateur de félins fous et bouffons, je dédie ce minou-tigre sur isorel.
Il vient de figurer dans la vente publique de l’ancienne Collection Anatole Jakovsky (2e partie) qui s’est tenue à l’Hôtel Drouot, amputé de sa fontaine, le 1er juin 2012.
A noter que les contours de l’animal sont dessinés au moyen de ficelles collées sur le support, ce qui ne se voit pas très bien sur la photo.
03.06.2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
Rosemarie Koczÿ à corps et à cri
Quelques images avant la route? Commençons par les plus dures. Celles de Rosemarie Koczÿ qui entament l’âme (errante ou pas). Le Musée de la Création Franche consacre à cette artiste, certes «trop cultivée et trop communicative pour être classée parmi les auteurs d’art brut» (Michel Thévoz) mais hyper-émouvante tout de même, une publication qui accompagne l’exposition A corps et à cri.
Vous avez jusqu’au 19 août pour la visiter. Le début de la vie de R K est si dramatique qu’on a peine à en lire les péripéties passées au crible de sa mémoire. D’ascendance hongroise, née en Allemagne, déportée avec sa mère, elle a survécu à deux camps de concentration avant de subir les rigueurs d’un orphelinat catho où l’on s’employa à lui faire oublier son identité de petite fille juive. J’ignore si ses récits correspondent en tous points à la réalité ou s’ils procèdent d’une sorte d’enkystement perpétuel de la douleur comme on en a parfois l’impression.
Toujours est-il qu’à regarder (non sans difficulté pour moi) la série de ses dessins à l’encre de Chine intitulée Je vous tisse un linceul, dessins dont elle disait : «c’est un enterrement que j’offre à ceux que j’ai vu mourir dans les camps», on ne peut qu’approuver Pascal Rigeade, le directeur du MCF de Bègles d’avoir entendu à la lettre la conclusion de l’article de Michel Thévoz dans le n° 31 de la revue Création Franche (voir ma note du 1er oct. 2009).
«A notre tour», écrivait Thévoz, «il nous incombe de tisser un linceul à Rosemarie Koczÿ».
07.06.2012 | Lien permanent
Ursula aux Yeux Fertiles
Après Rosemarie, Ursula. Je promenais mon perfecto rouge, emprunté à une copine bikeuse, dans les vernissages Juin d’art de la rue de Seine quand je suis tombée sur Ursula. J’étais un peu pompette rapport aux quelques coupes avalées ici et là mais la Galerie Les Yeux Fertiles m’a dégrisée. Ce n’est pas souvent qu’on a l’occasion de rencontrer Ursula et là, une exposition lui est consacrée.
Du moins en partie, étant donné que son chéri Bernhard Schultze -plus célèbre- occupe la moitié des cimaises. Avec tout le respect que je dois à celui-ci, j’ai moins d’élan pour son «art informel abstrait» que pour les «confins de l’Art Brut» d’Ursula, artiste inclassable que l’art naïf pourrait aussi revendiquer, au risque toutefois d’un contresens.
Rentrée chez moi, quelques verrines et rondelles de saucisson plus tard, j’étais presque sûre de posséder quelque part d’anciennes paperolles au sujet du cas d’Ursula Bluhm. Dans mon souvenir, c’était mince : style invitations, flyers ou mini-catalogues. Mais macache bono, j’ai eu beau crever deux ou trois cartons de bagatelles de cette sorte, je n’ai pas pu remettre la main sur quoi que ce soit.
J’ai donc dû me contenter de la notice Wikipedia en allemand interprétée en charabia fransoze par Gougueule-translate. C’est mieux que rien. Cela m’a permis de constater que, un an avant son mariage avec Herr Schultze, cette autodidacte de la poésie et de la peinture avait déjà été remarquée pour son travail par l’œil sagace de Jean Dubuffet, toujours lui.
L’Animulien moyen qui s’intéresse à l’œuvre d’Ursula aura intérêt à se reporter à la notice d’Harry Bellet qui figure dans le gros bouquin jaune des Donations Daniel Cordier (Le regard d’un collectionneur) publié par le Centre Pompon en 1989.
Ledit Harry n’hésite pas à rapprocher les toiles d’Ursula de celles d’Augustin Lesage : «comme le peintre-mineur, Ursula (…) raconte ses histoires selon des procédés proches de la transe médiumnique sur laquelle la deuxième génération surréaliste a pu se pencher, non sans réticences (…)».
Et Bellet de souligner combien les rêves colorés d’Ursula avaient par contre «de quoi ravir le fondateur de la compagnie de l’art brut».
Plus modestement, moi j’avoue avoir été attirée, dans les vitrines des Yeux fertiles, par les fourrures d’Ursula. Car cette dame, qui ne répugne pas aux «techniques mixtes», n’hésite pas à coller des bouts de vison sur ces compositions. Cela m’a fait penser à Meret Oppenheim. Surtout, le petit coffre peint, fourré et emplumé par Ursula dont je n’ai pas l’image mais dont j’ai trouvé un petit frère sur le net.
«La douceur apparente des matériaux contrastant avec une agressivité latente» comme le dit si bien Elisabeth Paoli-Lafaye dans la notice Ursula du Dictionnaire général du surréalisme et de ses environs de Biro et Passeron.
11.06.2012 | Lien permanent | Commentaires (1)
Drôles d’Histoires à la Fondation Cartier
Dans mon petit collimateur, j’ai toujours en vue la Fondation Cartier.
On m’avait dit qu’il s’y préparait une exposition d’art naïf.
Elle arrive et c’est pas du tout ça.
Ce qui s’y donne, sous le titre lisse mais un peu vague d’Histoires de Voir (sous-titré, concession au véhiculaire anglo-saxon dominant : Show and tell), jusqu’au 21 octobre 2012, c’est plutôt un patchwork bigarré de créations du monde entier, axé cependant surtout sur un Tiers-Monde sud-américain, indien et africain.
Je ne sais pas si les auteurs de ces peintures, sculptures, broderies, dessins, où percent tout à la fois des identités culturelles fortes et des composantes autodidactes, populaires, natives avérées, sont, comme le dit le leporello de présentation : «des femmes et des hommes pour qui l’art est en lien étroit avec l’hypersenbilité du cœur» mais ce dont je suis sûre c’est que, du point de vue qui est le leur, les Animuliens y feront des découvertes nourrissantes.
Passons sur l’autosatisfaction un peu agaçante du p’tit topo de rigueur sur la «scénographie» d’Alessandro Mendini «pensée comme un écrin, simple mais précieux, conçu pour contenir, protéger et montrer un art tout particulier» car on pourrait dire ça de n’importe quel accrochage réussi et celui-ci l’est.
Munissons nous de notre caddie et faisons sans complexe notre marché brut parmi les 400 œuvres présentées accompagnées de films ethnographiques un brin longuets et déprimants.
Et là vous aurez le choix du sol au plafond, sur la tête à mon daddy!
Dans la grande salle du rez de chaussée des drapeaux vaudou vous claquent à la goule mais on peut goûter aussi aux couleurs éteintes d’Aurelino dos Santos, un monsieur brésilien touché par la grande aile de la schizophrénie.
En RDC toujours mais dans la petite salle, l’alcool fort des bois sculptés savamment à la serpe par un Serbe au nom imprononçable : Dragisa Stanisavljevic.
Au sous-sol grande salle, si vous survivez au terrible escalier de chez Cartier, jetez vous comme des bêtes sur les villes imaginaires, vertigineuses et d’une densité colorée du Sénégalais Mamadou Cissé.
Cela vous facilitera la plongée vers les dessins d’avant le monde de Joseca, shaman Yanomami ou les 3 aquarelles d’Albert Lubaki, peintre congolais dont je vous ai déjà parlé le 20 mars 2010 (Art Paris invite au Grand Pal). Il est ici en compagnie d’un compatriote également précurseur dont j’ignorais tout et dont j'ai trouvé une image sur le Net : Djilatendo.
Le catalogue coûtant bonbon, je me suis contenté du livret à 6€. Si vous faites comme moi, attention, cette brochure a tendance à choisir des illustrations consensuelles. On aurait pu y faire une part plus large aux images plus radicales et elle existent foi d’Ani! J’en passe et des meilleures et on pourra me le reprocher mais j’arrive au bout de votre patience. Donc bougez-vous, éteignez votre écran et descendez à Raspail. Surprises, beautés, curiosités garanties!
En abondance. Même si vous vous fichez comme de l’an 40 de «revisiter», comme le dit le blabla introductif de l’expo HDV, «les relations entre art contemporain et art populaire, entre art et artisanat».
18.06.2012 | Lien permanent
Dubuffet métallisé
A force de parler de lui on le croirait immortel. Du moins ses idées sont si vivantes -bien que (ou parce que) réfutées, adulées, controversées, serinées, travesties, déclarées démodées ou indémodables, ratatinées, oubliées ou du plus pur acier inoxydable- qu’on a de la peine à l’imaginer mort. Même moi, votre petite âme errante, hourloupiste de la plus belle eau, je viens de me rendre compte que jamais, au grand jamais, je ne m’étais préoccupée de savoir où était sa dernière demeure.
Grâce à Lars Ulrich, le batteur du groupe Metallica, je sais maintenant que Jean Dubuffet repose près de sa chère Lili dans le cimetière du village natal de celle-ci, Tubersent dans le Pas-de-Calais. Grâce à Lars Ulrich et grâce à La Voix du Nord.
Dans le numéro 43 du 20 avril 2012 du magazine Rolling Stone, le musicien a, en cours d’interview, déclaré au sujet de Dubuffet : «Ah, mon artiste préféré de tous les temps! C’est le parrain de l’art brut, de tous ces artistes qui se sont dégagés de toute éducation superflue pour sortir un art essentiel, primitif, essentiel.»
Ce qui lui vaut de la part de La Voix du Nord qui a remarqué ce propos, le commentaire un poil ironique suivant : «On est à deux doigts du pèlerinage du batteur californien à Tubersent, où repose le créateur de l’Hourloupe qui a également donné son nom à une rue.» Comme si c’était carrément incongru que le heavy metal croise la route de l’art brut!
Comme si l’art brut n’avait droit qu’aux épousailles avec les conceptualités snobardino-contemporaines! Et si, petit doigt en l’air pour petit doigt en l’air, celui de Lars Ulrich, à tout prendre était préférable? Tubersent n’a pas de musée et Lars Ulrich pourrait bien être sincère quand il dit à propos de l’art brut : «ça me parle beaucoup, y compris en tant que musicien».
25.05.2012 | Lien permanent | Commentaires (2)
Dématérialisation du V
Trop de papiers chez moi. Je froisse, je jette, je déchire, je dématérialise à tour de bras. J’ouvre de nouvelles fenêtres, je crée des dossiers. Je scanne des trucs zarbis qui tombent de l’air du temps.
Tel ce «recueil historique» consacré à la 22e lettre de l’alphabet : le V (de la Victoire, bien sûr).
Je possède deux exemplaires, dans des formats différents, de cette brochure, publiée au début juillet 1945, que les marchands de raretés bouquinières ont tendance à classer dans la mouvance des productions relevant de la folie littéraire.
Folie typographique plutôt puisque Pascal G. Dubonville, l’auteur-éditeur, qui se présente comme «prisonnier-déporté», a adapté son texte libératoire pour le saturer de V imprimés en cap et en gras par G. Granguillot, «maître-artisan F.F.I.». «Hitler-le-Vampire, le Verbeux Goebbels, Himmler-la Vipère et le Volumineux Goering» en prennent pour leurs grades et ce n’est pas dommage.
Les plaies de la guerre sont encore ouvertes et les illustrations du peintre Robert Mahélin évoquent, dans un style narratif à l’expressionnisme teinté d’innocence, les crimes des Nazis et de leurs séides collaborationnistes, les combats des Alliés et de la Résistance, les bals de la paix.
Vive la Vie Véloce, Véritable et Vibratoire donc! La beauté bordélique de l’art brut aux antipodes des austérités de l’uniformément laid! Rien de tel pour vous remettre un cœur fatigué à l’ouvrage.
A trop dématérialiser, il arrive qu’on se dématérialise aussi. La rationalisation a du bon mais le désordre aussi. Du moins cette forme supérieure du désordre qui favorise les transversalités.
Voici, tombés sur ma table d’opération comme le parapluie et la machine à coudre de Lautréamont, cette composition décorative d’Augustin Lesage et cette image du temple de Madurai qui orne la couverture de En Inde, un livre de Catherine Donzel (De Monza Editeur, 2007).
Rien que pour le plaisir de suggérer aux amateurs de sources (ou de passerelles entre art brut et productions culturelles médiatisées) une piste photographique possible : celle du procédé Photochrom dont le brevet fut déposé en 1888 par le Suisse Orell Füssli. Ce procédé d’impression lithographique à base de photographie fut supplanté par l’invention de la photographie en couleurs et abandonné dès les années 1910. A cette époque, le mineur Lesage avait 34 ans. L’année suivante il entendra une voix lui annoncer son destin de peintre.
Le Photochrom avait la particularité de permettre un rendu des couleurs «d’une subtilité et d’une richesse inouïes» (opus cité). Il n’est pas impossible de penser que Lesage ait été sensible à l’ambiance poétique un peu irréelle qui caractérisaient ces photos-souvenirs en couleurs, commercialisées dès 1889 par Photoglob, la société créée à Zurich par l’inventeur du procédé. A condition bien sûr qu’elles lui soient tombées sous les yeux.
Hypothèse, Hypothèse. Hypothèse risquée, peut-être, mais qui porte à rêver.
13.05.2012 | Lien permanent | Commentaires (1)