Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25.05.2006

Le général Gingersnap décortiqué

Le général Gingersnap fait des ravages. Figurez-vous qu’un de mes lecteurs, amateur de biscuits au gingembre, a décortiqué ce tablô avec sa fourchette à escargogito. Si vous n’êtes pas curieux, restez-en là, mes chères animulionnes (et chers animulions). Mais si vous voulez looker le résultat qu'il m'a envoyé, bougez-vous la souris et cliquez là-dessous. Comme c’est plutôt trapu (Bac + 13 bienvenus), votre petite âme errante, qui est une mère pour vous, a rajouté l’icono pour faciliter la digestion.


General Gingersnap
un chef d’œuvre de l’auto-engendrement


Derrière son uniformité ostentatoire, sa martialité de parade, cette icône d’une paternité idéale, en apparence inaltérable, révèle une fièvre itérative connotant une désagrégation sous-jacente dont le spectateur fait à la fois son miel et son malaise.

medium_moustache.2.jpg

Tout commence par cette moustache nietzschéenne pas plus érectile que les appendices génitaux dont Henry Darger se plait à doter les petites filles.
Y répond, sur le mode emphatique, le touffu panache en queue de cheval ornant le képi haut-de-forme dont les anneaux superposés semblent provenir, par capillarité, du bleu de la vareuse jusqu’au téton noir du sommet, lui-même annoncé par l’œil pointant sous la visière.
medium_kepi.jpg
L’effet d’ascension ou de descente est accentué par les demi-lunes blanches placées sur le devant de chacune des tranches grises constituant le couvre-chef du général. Quant à l’aréole blanche décorant le ruban, elle répète, en les épurant, les cercles approximatifs des médailles jaunes de la poitrine dont les ornements denticulés sont autant d’allusions aux plis ridant le bas de la composition.
medium_boutons.jpg
Pour viril qu’il se donne, ce torse laisse apparaître des seins brillants comme des soleils tandis qu’au terme d’un processus de dégringolade, s’y égrènent des rangées de boutons-pupilles, en partie groupés par paire comme des yeux. Yeux qui émigrent ensuite sur les manches pisciformes d’où ils continuent à nous fixer sans nous voir.
medium_bras.jpg

Le bras droit orienté selon une ligne oblique parallèle à celle du nez, semble affecté d’une énergie phallique mollassonne suggérée par des bourrelets en accordéon. Il se termine en gland prédateur, à la base duquel, comme des poupées-gigognes, s’engouffrent l’avant-bras et le bras opposé, en une circulation contraire aux évidences de l’anatomie. Cet emboîtement de formes témoigne d’une errance apparentée à celle des regards agrafés sur la poitrine du personnage. Sous la rigueur d’un portrait dont on vanterait à première vue l’aplomb, Darger fait fi de ce sentiment d’unité corporelle dont se soutient généralement notre moi.

medium_main.jpg

Les extrémités du militaire acquièrent une indépendance d’objets partiels, une relativité symbolisée par l’erreur qui répartit les dix doigts réglementaires selon une distribution fantaisiste : six au gant et quatre à la main qui le tient.
Paradoxalement, ce flottement fait la force de l’image. Flottement généralisé dont on observe le prolongement typographique. Dans le vide triangulaire entre le bras et le corps du général, sur la pointe de son col, dans l’écartement des deux lignes au bout du doigt qui tient le gant, n’est-il pas frappant de voir courir ce V qui est l’initiale des Vivian girls ?

Jean-Louis Lanoux

15:05 Publié dans De vous zamoi, Ecrits | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Henry Darger, art brut | |  Imprimer | | Pin it! |

Les commentaires sont fermés.