24.05.2010
Le jardin de pierres de monsieur Esfandiarpou
Photo Atousa Taghavi
Du brut d'Iran ? Mais bien sûr, y'a qu'à demander ! Là comme ailleurs, l'art brut creuse son trou. On se demande pourquoi un si ancien et si beau pays en aurait été indemne sous prétexte que ses dirigeants ont tendance à gaver le pauvre monde avec leur très personnelle culture autoritaro-religieuse.
Certes, ce n'est pas en Iran que les Athéniens s'atteignirent, ni que les Satrapes s'attrapèrent par la barbichette de la démocratie mais c'est évidemment là que les Perses se percèrent, la suite le démontre.
Là, c'est dans le village de Balvard à 45 kms de Sirjan dans la province de Kerman au sud-est du pays. En Iran comme ailleurs, il y a (il y avait) des bergers qui gardent leurs chèvres dans des déserts.
A la fin des années 60 du siècle précédent, ils avaient pas de i-pod ni même de transistor et puis en plus ils étaient sourds et muets de naissance parfois. C'est le cas de Darvich Khan Esfandiarpou, un habitant de Balvard.
Rien d'autre à faire que de regarder les pierres qui tombent du ciel et de gambader comme un cabri tout autour. La chance c'est qu'un cinéaste du nom de Parviz Kimiavi croisa la route sinueuse de ce grand créateur d'installations de bois mort et de caillasses percées associés. Il en résulta 2 films. Un de 1976 où l'on voit Darvich Khan improviser avec grâce et vélocité des danses soufies de sa composition au cours desquelles il embrassait ses œuvres au passage.
Un autre de 2004, une vidéo réalisée peu de temps avant la mort de Darvich Khan. Le vieil homme a toujours une allure folle même s'il s'appuie maintenant sur une canne.
Il entretient encore son Jardin de pierres (titre du film) commencé dans sa jeunesse après avoir été témoin de la chute d'une météorite. Son coup de génie (ou son coup de folie) ce fut d'accrocher cette météorite aux branches d'un arbre mort.
Il a continué tout naturellement ensuite, porté par une inspiration mystique et par les gens de son village qui le prenaient pour un prophète.
CHN Photo Agency Hasan Ghafari
Creusait-il des trous dans les pierres ou choisissait-il des cailloux transpercés par Mère Nature? Je l'ignore mais son truc ce fut de récupérer des fils métalliques ou des fils de lignes téléphoniques pour ligoter les caillasses et les pendre comme des fruits minéraux dans des arbres à jamais improductifs.
CHN Photo Agency
Le résultat est étonnant et d'un contemporain à tomber à la renverse.
J'ai envie de faire pareil avec la magnifique pierre trouée que m'a offert en cadeau un ramasseur de champignons berrichon. Comme je n'ai pas d'arbre sous la main, je vais accrocher ce ready made en forme de visage à la balustrade de mon balcon avec un solide câble d'acier pour les cas de tempête.
18:51 Publié dans Ailleurs, Ecrans, Glanures, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : art brut, iran, art brut iranien, darvich khan esfandiarpou, jardin de pierre, parviz kimiavi | | Imprimer | | |
Commentaires
Saisissant! et merci de nous éviter d'aller jusqu'en Iran.
Je me demande si cet homme n'a pas pris la météorite comme une pierre de lapidation divine. On ne peut évidemment pas savoir ce qui reste à jamais enfermé dans son silence. Que devient son jardin de pierre depuis sa mort?
J'ai mis pierre au singulier car je trouve que c'est l'ensemble qui vaut pour une pierre puisqu'il n'y danse plus.
Écrit par : Jeanne | 25.05.2010
Etonnant et sublime cette danse "cosmique" où l'homme se fait totem de pierre sous le soleil ...
Merci encore de votre cheminement et de vos trouvailles que vous nous faites partager.
Écrit par : M.V. | 25.05.2010
Darvich en persan ce serait "le seuil de la porte" comme derviche en turc qui désigne le soufi à l'aube de l'illumination.
A l'origine de l'installation de Darvich Khan Esfandiarpour, il y aurait quelque chose de cet ordre.
Dans le synopsis du film de 76 (Bagh-e sangi = le jardin de pierres), on a un homme qui, un matin, ressent comme une brûlure. Et il croit voir un être irréel avec une pierre lumineuse pour visage.
Il y a peut-être là un fond pré-islamique.
Pas de lapidation, ni biblique, ni coranique. C'est plutôt du côté de Zoroastre qu'il faudrait chercher.
Communiquant par la danse et le langage du corps, D.K.E. n'est-il pas une sorte de Zarathoustra?
Écrit par : J2L | 28.05.2010
Extra! J'adore ça. Merci beaucoup.
Écrit par : Teresa | 06.06.2010
ça me fait penser au berger merveilleux de Neter (August Natterer)
Écrit par : kolotoko | 28.01.2011
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