01.08.2010
Art’Planète 2010, Côte de Nuits grave
Les nouvelles vont vite. L’art contemporain court après l’art brut et il le rattrape pour lui faire les poches. Vous vous souvenez du jardin de pierres de Darvich Khan Esfandiarpou sur lequel j’ai attiré votre attention dans mon post du 24 mai 2010.
Cela en a frappé plus d’un, parmi les Animuliens, je le sais, ces pierres suspendues dans un désert.
Et bien que mes lecteurs se livrent maintenant au petit jeu des comparaisons en dirigeant leurs regards vers Magny-lès-Villers, un village de la Côte de Nuits en Bourgogne. Ils y verront l’installation de Mathieu Girard intitulé Pendulum.
Evidemment y’a pas photo. L’œuvre d’Esfandiarpou se déploie poétiquement au gré des branches d’une forêt d’arbres morts. Celle de M. Girard a choisi de se restreindre aux frondaisons d’un arbre «vénérable», du genre de ceux que l’histoire de France affectionne parce que ses rois sanctifiés y rendaient leur justice au retour de leurs sanglantes croisades.
Troublant rapprochement cependant, n’est-il pas ? J’ai peine à croire qu’il soit fortuit. Je ne connais pas monsieur Girard, un jeune artiste estampillé contemporain qui n’a pas pour principe de laisser une bonne idée traîner.
Peut-être fait-il des choses très bien par ailleurs. Mais là, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il ne s’est pas foulé pour trouver un titre. Il est vrai que «Pendulum», ça vous a une petite gueule latine des plus conceptuelles et que le latin, y’a pas mieux pour vous la jouer culturel.
La prestation de M.G. et d’autres de divers plasticiens dont Lilian Bourgeat (deux majestueux pneus R14 entrelacés!) font partie de la 2e édition d’Art Planète, une manifestation qui, jusqu’au 15 août, se propose d’amener l’art contemporain à domicile dans nos campagnes.
Je n’ai rien contre. Surtout que ça peut être l’occasion de visiter de charmantes localités pinardophiles : Comblanchien, Gilly-les-Cîteaux, Magny-les-Villers, Villars Fontaine, Nuits-Saint-Georges et Gevrey Chambertin, évoqué par Henri Salvador dans sa chanson : Minnie, petite souris («viens boire, petite souris, cette bonne bouteille de Chambertin (…)».
Une bonne promenade en perspective (et peut-être des occasions de rigolades) que ce Festival d’art contemporain et d’art brut en Bourgogne où, bien entendu, vous ne trouverez pas une once d’art brut véritable, sinon à l’état de source lointaine exploitée sans problème.
17:48 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art'planète, henri salvador, darvich khan esfandiarpou, mathieu girard, lilian bourgeat | | Imprimer | | |
24.05.2010
Le jardin de pierres de monsieur Esfandiarpou
Photo Atousa Taghavi
Du brut d'Iran ? Mais bien sûr, y'a qu'à demander ! Là comme ailleurs, l'art brut creuse son trou. On se demande pourquoi un si ancien et si beau pays en aurait été indemne sous prétexte que ses dirigeants ont tendance à gaver le pauvre monde avec leur très personnelle culture autoritaro-religieuse.
Certes, ce n'est pas en Iran que les Athéniens s'atteignirent, ni que les Satrapes s'attrapèrent par la barbichette de la démocratie mais c'est évidemment là que les Perses se percèrent, la suite le démontre.
Là, c'est dans le village de Balvard à 45 kms de Sirjan dans la province de Kerman au sud-est du pays. En Iran comme ailleurs, il y a (il y avait) des bergers qui gardent leurs chèvres dans des déserts.
A la fin des années 60 du siècle précédent, ils avaient pas de i-pod ni même de transistor et puis en plus ils étaient sourds et muets de naissance parfois. C'est le cas de Darvich Khan Esfandiarpou, un habitant de Balvard.
Rien d'autre à faire que de regarder les pierres qui tombent du ciel et de gambader comme un cabri tout autour. La chance c'est qu'un cinéaste du nom de Parviz Kimiavi croisa la route sinueuse de ce grand créateur d'installations de bois mort et de caillasses percées associés. Il en résulta 2 films. Un de 1976 où l'on voit Darvich Khan improviser avec grâce et vélocité des danses soufies de sa composition au cours desquelles il embrassait ses œuvres au passage.
Un autre de 2004, une vidéo réalisée peu de temps avant la mort de Darvich Khan. Le vieil homme a toujours une allure folle même s'il s'appuie maintenant sur une canne.
Il entretient encore son Jardin de pierres (titre du film) commencé dans sa jeunesse après avoir été témoin de la chute d'une météorite. Son coup de génie (ou son coup de folie) ce fut d'accrocher cette météorite aux branches d'un arbre mort.
Il a continué tout naturellement ensuite, porté par une inspiration mystique et par les gens de son village qui le prenaient pour un prophète.
CHN Photo Agency Hasan Ghafari
Creusait-il des trous dans les pierres ou choisissait-il des cailloux transpercés par Mère Nature? Je l'ignore mais son truc ce fut de récupérer des fils métalliques ou des fils de lignes téléphoniques pour ligoter les caillasses et les pendre comme des fruits minéraux dans des arbres à jamais improductifs.
CHN Photo Agency
Le résultat est étonnant et d'un contemporain à tomber à la renverse.
J'ai envie de faire pareil avec la magnifique pierre trouée que m'a offert en cadeau un ramasseur de champignons berrichon. Comme je n'ai pas d'arbre sous la main, je vais accrocher ce ready made en forme de visage à la balustrade de mon balcon avec un solide câble d'acier pour les cas de tempête.
18:51 Publié dans Ailleurs, Ecrans, Glanures, Sites et jardins | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : art brut, iran, art brut iranien, darvich khan esfandiarpou, jardin de pierre, parviz kimiavi | | Imprimer | | |