14.07.2009
Marguerite Burnat-Provins au festival de Montreux
Burnat-Provins jazzyfiée! Je vous ai déjà effeuillé (le 19 novembre 2005 pour être précise) cette vénérable Marguerite. Un peu d'assoupissement lui va pas mal au teint mais il est bon de temps à autre que l'on réveille cette Belle au bois dormant. Cet été, c'est le Festival de Montreux qui s'y est collé avec une création musicale au Petit Palais le samedi 11 juillet 2009. Dominique Reymond a lu des textes du Livre pour toi, le chant d'amour fou de M. B.-P. sur des musiques du percussionniste Jean Rochat.
Le quatuor à cordes Barbouze de chez Fior (l'after-shave du tonton à Zazie!) les accompagnait. La fiche-artiste de ces Barbouzettes conviait les auditeurs «à la rencontre entre des mots bruts et essentiels» et un «univers de cordes et de percussions». Ouais.
Sauf que, manque de bol, pour remarquable qu'il soit, le poème en prose intitulé Le Livre pour toi n'a rien de précisément brut. Il valut certes à son auteur la réprobation suisse générale parce qu'il exposait le désir féminin sur la place publique, en des termes qui nous paraissent bien sages aujourd'hui que nous sommes gavés de Vie sexuelle de Catherine Machin.
Mais, il n'est rien dans sa syntaxe, dans son vocabulaire ou dans sa logique qui puisse se comparer avec ce que Michel Thévoz appelle un «écrit brut». Simplement une femme libre a un trébomec dans la peau et elle nous le fait savoir avec une pudeur poétique plus excitante pour le «qu'en-dira-t-on?» que la plus provocatrice obscénité.
Cette création musicale sera reprise le 26 et 27 août 2009 à Savièse, qui en 1907 trouvait Burnat-Provins plutôt encombrante. Une expo à la Maison de la Culture de cette ville retracera, du 20 août au 27 septembre 2009 les différentes périodes de sa peinture.
L'autre Marguerite Burnat-Provins (car cette artiste exceptionnelle possède deux facettes à son talent), la créatrice d'une galerie de portraits sublimes et inquiétants tout droits sortis d'un monde hallucinatoire, fera parallèlement un petit tour sur la scène de la Collection de l'Art brut à Lausanne du 3 juillet au 21 septembre 2009.
Le flyer distribué à l'occasion de ces diverses manifestations choisit évidemment son camp sur le plan iconographique. Le camp de l'art brut dont Marguerite Burnat-Provins, du fait des hésitations de Jean Dubuffet à son propos, reste cependant un électron périphérique. Il faut dire qu'il est rare de voir passer aussi nettement à l'intérieur d'un même artiste la ligne de clivage entre l'art culturel et l'art brut. C'est en quoi le cas Burnat-Provins est si intéressant.
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19.11.2005
Burnat-Provins, La revenante
La Suisse est pleine de villages assoupis où flotte une odeur de foin sec et où de vieux hommes sages boivent sans se presser un verre de vin blanc frais à l’auberge.
A Gingins, l’un de ces villages, je me souviens d’avoir vu, il y a 2 ans, une belle expo sur Marguerite Burnat-Provins : De l’Art nouveau à l’art hallucinatoire. Burnat-Provins, c’est cette artiste dont Dubuffet a failli mettre les dessins dans sa collec d’art brut avant de s’apercevoir que leur auteur était une pro de l’art, appartenant au cercle des peintres valaisans. Deux coups de tonnerre dans sa vie.
L’un à 34 ans, en 1906, quand elle tombe raide amoureuse d’un jeune homme, sans souci de sa réputation, ni de son mari, un notable de Vevey. L’autre le 2 août 1914, dans l’Ariège, où au premier coup de tocsin de la mobilisation débutent ses hallucinations.
De ses visions fantastiques, qu’elle transpose rapidement à l’aquarelle, naîtra un cycle de portraits plutôt zarbis qui fichent la trouille mais qui sont plutôt beaux.
Marguerite Burnat-Provins nous revient aujourd’hui grâce aux Editions Zoé à Carrouge-Genève. Ces Zoé-là ont la bonne idée de publier un joli bouquin réunissant une nouvelle et un récit de voyage de M.B.-P. qui était aussi écrivain. C’est mince, élégant, pas cher, bien imprimé sous couverture avec autoportrait de la Marguerite. Dans le format des Editions Mille et une nuits mais sur meilleur papier. Le volume s’intitule : Une nuit chez les Aïssaouas, mais je vous recommande surtout la nouvelle La Revenante. Catherine Dubuis, dans sa postface, souligne le charme de l’écriture décadente. On y sent affleurer, derrière les éléments autobiographiques, une étrangeté qui prouve combien les deux facettes de la personnalité artistique de M. B.-P. communiquent. Démenti à ceux qui pensent qu’il est facile de trier dans son œuvre ce qui appartient à la culture de l’Art nouveau et ce qui tend irrésistiblement vers l’art brut.
14:10 Publié dans Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marguerite burnat-provins, art brut | | Imprimer | | |