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Théophile Bra, un illuminé romantique
Coucou, me voilà. Vous pensiez déjà que j’étais H.S. Pas du tout. J’en avais soupé de surveiller mon indice de skiabilité et de raboter les cailloux sur mes Rossignol. Alors, je pose mon bonnet lapon et je retourne à Paris et à mon blogounet d’amour. Car ça tombe bien; figurez-vous qu’il y a quelque chose à voir en ce moment. Ouf, ça faisait longtemps ! Sang d'encre que ça s’appelle, cette expo dont je vous cause.
C’est au Musée de la vie romantique, au 16 de la rue Chaptal (9e), une charmante maison de campagne nichée au cœur du quartier Saint-Georges, cher aux artistes du 19e.
On y montre les très peu connus dessins de Théophile Bra (1897-1863), un sculpteur accablé de commandes officielles sous la Restauration et la Monarchie de Juillet.
C’est Violette qui a repéré Bra dans le Figaroscope n°19457 (semaine du 21 au 27 février 2007). «Bouge-toi» m’a-t-elle dit, tu n’as que jusqu’au 10 juin pour découvrir ces visionnaires délires à la plume qui vont en laisser plus d’un sur le derrière». J’y suis allée, elle avait raison.
Parallèlement à ces bronzes aux savantes patines qui nous laissent froids, Théophile Bra, à la suite d’une crise mystique survenue en 1826, a développé une intense production de dessins surprenants accompagnés de textes frénétiques traversés d’éclairs poétiques.
Il y exploite, avec un talent qui anticipe parfois sur l’art moderne (Picasso, Max Ernst, collages) les ressources de l’automatisme (taches d’encre interprétées), du jeu des mots («Bouddha, Bouddhisme, boudeur»), du spiritisme, du magnétisme, des idéogrammes inventés.
Bra est l’auteur d’un Evangile rouge (chez Gallimard), journal intime nourri de ses théories mystico-artistiques. Il y décrit ses hallucinations
Je ne sais trop s’il sombra vraiment dans la folie mais il termina sa vie dans l’oubli et la solitude, lèguant des milliers de pages à la ville de Douai dont il était originaire. 130 ont été sélectionnées ici. C’est la première expo à Paname de cette œuvre CAPITALE.
Le catalogue est très bien (30 €). Les gens du musée très accueillants. Une dame à l’entrée du jardin oriente les visiteurs avec le sourire.
25.02.2007 | Lien permanent
Hommage jazzy au facteur Cheval
Et maintenant … miousic ! On sait que je n’y connais rien mais ce n’est pas une raison pour fermer ses oreilles. Musique et Facteur.
Non, ce n’est pas du joufflu Olive et de ses 500 signatures dont je veux vous parler mais du roi des facteurs, j’ai nommé Cheval Ferdinand.
Un hommage musical à son célèbre Palais idéal, c’était fatal, ça devait arriver un jour.
C’est chose faite depuis la sortie le 22 février 2007, aux éditions Le Chant du Monde d’un album du pianiste Edouard Bineau intitulé L’Obsessioniste. Une suite de pièces pour piano seul ou pour piano et clarinette (en duo avec Sébastien Texier).
Toutes ont, parait-il, un lien avec le site ou avec son créateur. A vous de voir, je veux dire d’entendre. C’est lors d’un concert à Hauterives en 2004 dans le cadre d’un festival que l’idée de cet hommage serait venu à Bineau. «Folie et poésie, tendresse et provocation, légèreté et puissance, mégalomanie et humilité» tels sont les mots qui viennent à la bouche de ce musicien quand il évoque cette rencontre. A la réflexion ça fait un bon programme, Animula vote pour.
01.03.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
Village Voice chante faux
N’en déplaise à Mikael Angel, l’exposition Ramirez est en passe de rendre oufs nos Rouletabille d’outratlantique. Le déconophone est ouvert à plein régime et c’est à qui assaisonnera son potage avec l’hénaurmité la plus carabinée qui se puisse écrire.
La preuve en est cette audacieuse déclaration inaugurale dans un article du Village Voice du 8 février 2007 titré Broken Angel : «Martin Ramirez is the 20 th-century Fra Angelico» !
C’est un certain Jerry Saltz qui mêle ainsi son grain de sel dans un concert qui prend la tournure d’une opération de propagande concertée. Soyons reconnaissants à cet auteur qui a le mérite de clamer sans vergogne ce que d’autres se contentent de suggèrer mezzo-voce.
Loin d’être coiffé des grelots, Ramirez était, selon Jerry (Jerry !, Jerry ! Jerry !) sain comme l’œil, très cultivé et brillant dessinateur. Voilà tout. Encore un peu et vous verrez que s’il se taisait c’était faute de parler bien l’américain. N’hésitant pas, sans preuve d’aucune sorte étayée par des documents psychiatriques et en l’absence du principal intéressé, à rectifier le tableau clinique, Saltz l’affirme bien haut : Ramirez après avoir été ramassé par la police pour vagabondage «was then misdiagnosed as schizophrenic, catatonic, and manic depressive».
Mais puisqu’on vous dit que ses madonnas nous ramènent à Ingres aussi bien qu’aux vases grecs de l’antiquité ! Vous êtes dur de la feuille quand même !
La prochaine fois, je demanderai la recette de «l’oreille de porc à la Van Gogh» à Jules-Edouard Moustic. Banzaï !
15.02.2007 | Lien permanent | Commentaires (2)
Surréalisme turbin et far breton
Harassant samedi de soldes! Votre petite âme errante s’est mis les basquettes en compote en arpentant les boutiques Champs-Elyséennes. Où qu’on aille pourtant, l’art vous rattrape. Je m’apprêtais à faire la queue devant un célèbre bagagiste, lorsque dans la perspective de l’avenue George 5, j’ai découvert la maison qui fond.
Elle fait courir les Parisiens avec sa mollesse à la Dali. Je doute qu’il s’agisse de «surréalisme urbain» comme on nous le rabâche. D’abord parce que «surréalisme» et «urbain» c’est du pareil et puis parce que je ne vois pas là cette étincelle subversive qui - on a tendance à l’oublier – court comme le furet dans le mouvement d’André Breton. Cependant, c’est amusant, même si ça sert surtout à faire de la pub au groupe foncier qui (merci, messieurs) mécène ce bidule. Grâce à Athem, constructeur de sites éphémères qui a habillé le chantier de ce futur siège social, on se paye une bonne tranche d’illusion. Si vous me croyez pas, allez donc voir ici où on vous donne les détails.
Et puisque vous avez entamé avec moi votre partie de ping-pong-blogues, allez donc vous prélasser aussi sur Terribuleska Spazoïde d’Arnaud Le Gouefflec. Il propose un choix scotchant de chansons zarbies et de sauvageon rock’n roll. Ce frère ne dédaigne pas Jules Leclercq et il accompagne sa note du 1er juin 2007 (à propos d’une compil inspirée par le grand nord canadien) d’une drôle de créature.
Pour rester dans la note bretonne, je suis allée goûter dimanche chez ma copine Maïwenn qui m’a fait son fameux far et m’a passé les Frères Morvan (Ar Vreudeur Morvan).
En rentrant j’avais un peu honte d’avoir délaissé mes amis du Poitou, alors pour me faire pardonner, j’ai décidé de leur offrir ce bateau d’un certain Agostini, fait en 1936 à la prison Saint-Paul de Lyon.
Il accompagnera ceux que Belvert a glissé dans son billet du 1er juin 2007.
02.07.2007 | Lien permanent | Commentaires (2)
Raymond Reynaud fait Salon
M’étonnerait pas que cet objet provienne encore du Museon Arlaten d’Arles, ce qui nous ramène à la Provence et à Raymond Reynaud par voie de conséquence. Je désespère pas de lui rendre visite à la fin d’août. Je trouverai peut-être chez Raymond et Arlette ce catalogue que Gérard Nicollet (alias là) s’offrait, sur son blogue, à tenir à ma dispo (qu’il soit remercié de cette intention) dans un commentaire à sa note du 3 avril 2007 : Art singulier et invention d’instruments.
Je ne suis pas folle, on s’en doute, du terme «singulier» et je crois même que Raymond Reynaud pourrait fort bien s’en passer. Au lieu de «Raymond Reynaud, peintre singulier», on dirait : «Raymond Reynaud, le peintre».
Point barre.
Il n’est qu’à voir la belle photo d’Hervé Nahon qui orne le carton d’invitation de la prochaine expo du sage de Senas pour comprendre ce que je veux dire.
Le photographe a eu l’heureuse idée de se passer du trop médiatique côté face (sourire et dents du bonheur) de Raymond. On surprend le peintre de dos, absorbé en plein travail dans sa carapace de gros pull, de casquette et de foulard.
Comment dire mieux que Michel Thévoz que «les peintures de RR me donnent un sentiment de chaleur, de rayonnement, d’expansivité jubilatoire et communicative. (…) il s’exprime si bien lui-même, si finement, si chaleureusement… avec des mots colorés, un accent musical et un rythme engageant, sans se laisser impressionner par aucun modèle savant, mais en laissant parler sa sensibilité propre, et en lui inventant le langage qui lui convient (…)».
Fêtez le 14 juillet au Château de l’Emperi à Salon-de-Provence. La nouvelle expo Raymond Reynaud commence ce jour-là et vous aurez jusqu’au 29 septembre 2007 pour la voir. Vernissage le 13 juillet à 19 heures.
05.07.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
La Vie aime les bêtes
A qui décerner aujourd’hui ce label ?
A Michel Ragon qui, à propos de Joseph-Ferdinand Cheval, déclare :«le facteur est un épiphénomène et je ne pense pas que des créateurs de l’art brut aient été influencés par lui» ? Ou au journaliste Edouard Bal qui dans le numéro 327 (5 juillet 2007) de La Vie, hebdo chrétien d’actu, rapporte ces paroles de l’écrivain, sans préciser d’où elles viennent ni quand elles ont été prononcées ?
Je sais bien que les cathos ont maintenant tendance à retourner à la messe en latin mais cette phrase qui était peut-être vraie jadis, ne l’est certainement plus du tout aujourd’hui.
Il n’y a qu’à jeter un coup d’œil à l’image qui sert de portail à mon album sur Lucien Favreau pour s’en convaincre.
06.07.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
Gugging en deuil
C’est le genre de nouvelle qu’on n’apprend pas à la télé. On musarde, on musarde, on s’emmêle les crayons dans la toile et tout-à-coup le 21 mai 2007, en direct de Vienne, on tombe sur ça : «Oswald Tschirtner, einer der renommiertesten Künstler in Gugging, ist am Sonntag im Alter von 86 Jahren verstorben». Oswald Tschirtner est mort et la planète art brut en est toute chavirée.
04.06.2007 | Lien permanent
GOG en goguette
Comme la fête de la musique se traîne plutôt mollassonne dans son secteur, votre petite âme errante s’est plongée dans la nouvelle traduction intégrale de Gog (1932) du futuriste italien Giovanni Papini (1881-1956).
Annoncée depuis plusieurs mois, elle vient de sortir aux Editions Attila accompagnée de dessins de Rémi Verbraeken, un collaborateur d’Hôpital brut.
Papini est une espèce d’Edgar Poe italien. Jorge Luis Borges disait de lui qu’il était «injustement oublié».
«Plus cynique qu’Ubu, plus sadique que Maldoror, plus cruel que Fantômas, plus drôle que Moravagine» (nous dit la 4e de couverture), tel est son Gog.
Comme Moravagine, le roman de Blaise Cendrars, ce livre commence «dans une maison de fous». C’est là que G. Papini prétend avoir rencontré un milliardaire excentrique qu’il décrit comme un monstre «grand mais mal bâti».
Prétexte à d’ébouriffantes chroniques entrelardées de visites à Freud, Ford, Gandhi, Lénine et j’en passe.
Il y est question d’un «cannibale repenti» et d’un collectionneur de géants. De Musiciens aussi comme vous pourrez vous en rendre compte, page 24, si vous avez le courage de me suivre au concert intitulé Le Carrousel des comètes : «Un sifflement long, gémissant comme celui du vent du nord dans les lézardes, annonça le début du concert. Puis, derrière le rideau, un bourdonnement sombre et intermittent s’éleva, pareil à celui des ruches. Une trombe d’eau, jaillie d’une fontaine invisible, l’accompagnait de ses sourds rebondissements, et l’on entendait en même temps une mélopée stridente, comme de limes en furie. Mais le tout fut soudain dominé par un chœur solennel de rugissements léonins qui disaient l’ardente faim du désert, l’exaspération de la férocité, la terreur de l’impossible».
J’entends déjà les plus savants d’entre vous me crier : «mais ma pauvre Ani, c’est rien que des expériences bruitistes futuristes, tout ça !», il n’empêche : s’il y avait une musique brute je pense qu’elle ressemblerait à celle-là.
21.06.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
Vissé-Ficelé-Collé
Je vous parlais hier d’escabeau. C’est vous dire si votre petite âme errante a l’esprit de l’escalier. Dans le droit fil de ses notes du 4 septembre 2006, Talents cachés à Issy et du 11 décembre 2006, Du côté du Salon d’automne elle vous invite aujourd’hui à faire un tour par le Centre régional du livre en Limousin qui a publié un album au format «grande enveloppe» consacré à l’art postal en milieu pénitentiaire. Son titre c’est tout modestement : Correspondance.
Tant que vous y êtes, il faut mater aussi les photographies de Yohanne Lamoulère contenues dans La Roue ou la noria des saisonniers agricoles, l’ouvrage écrit par Patrick Herman.
C’est dans la Collection Limitrophe publiée par Khiasma, une asso qui «associe des pratiques artistiques à une réflexion sur des enjeux contemporains».
Un coup d’œil sur les abris de fortune que ces ouvriers agricoles maghrébins sont contraints d’édifier aide à ne pas desespérer de la créativité comme remède à la vacherie humaine. «Nous ne traversons pas les frontières, ce sont les frontières qui nous traversent», cette inscription sur un mur sert de bouquet à la postface.
Elle ne fera pas mal ici, dans cette note toute décousue qui cingle maintenant vers les rivages munsteriens de la Kunsthaus Kannen qui nous gratifie jusqu’au 30 septembre 2007 d’une expo : Art brut, geschraubt + geschnürt + geklebt (vissé + ficelé + collé).
En coopération avec Art en marge de Bruxelles et le Gruppe Nebelhorn Schermbeck und Kunstpraxis Soest, cette expo présente des objets et des films provenant de Belgique, de France et d’Allemagne.
Une quinzaine de noms à l’affiche dont j’ignore tout, sauf Francis Marshall qui n’a plus grand chose à voir avec l’art brut depuis longtemps, me semble-t-il.
Les reproductions sur le site du KK, musée inclus dans l’Alexianer-Brüdergemeinschaft, une clinique psy de Münster en Allemagne me laissent un peu pantoise. Vous me direz ce qu’il faut en penser.
26.06.2007 | Lien permanent | Commentaires (1)
La Canigousse en Normandie
Enfin une bonne nouvelle ! J’ai rendu visite aux deux ours (un brun, un blanc) de Veules les Roses. Ils vous saluent bien. Leur mine florissante fait toujours plaisir à voir.
© Mon chéri que j'ai
Campés devant la porte de leur maison longue sur l’assez nerveuse route départementale 925 qui file vers Dieppe et Fontaine-le-Dun, ils nous ont montré leurs quenottes et leurs petites griffes noires.
© Mon chéri que j'ai
Je sais pas pourquoi Pascale Lemare les qualifie de «majestueux» dans son guide Normandie insolite. Il m’ont fait plutôt l’effet de deux braves types qui venaient d’enfiler leur peau d’ours imperméable et leur chapeau à la Bourvil à cause de la pluie. Avec leur allure débonnaire et grassouillette, c’est pas étonnant qu’ils soient les fils d’un zouave qui s’appelait Le Rondeur (Jean). On dit qu’il les a dressés devant sa «Canigousse» (ce nom est inscrit sur le fronton de la porte d’entrée de sa demeure) en souvenir de son service militaire dans les Pyrénées.
© Mon chéri que j'ai
On dit moins que sa maison s’adosse à un simulacre de montagne velue et blafarde qui surplombe directement la route. Génie du lieu ? Goût de la métaphore ?
© Mon chéri que j'ai
Pendant que mon chéri profitait vachement d’un gringalet rayon de soleil pour leur tirer le portrait (il tient à vous faire savouar que les photos que voici sont toutes de son cru 2007), je suis allée au petit troquet d’en face pour acheter le journal local et pour faire pipi.
Dans le canard dont j’ai oublié le nom, j’ai découvert qu’à Caudebec en Caux, au Musée de la Marine de Seine, débutait une nouvelle expo de Serge Ramond : Mémoire des murs, estampes aquarellées de graffiti marins et que vous avez jusqu’au 3 septembre pour la voir, joyeux vacanciers balnéaires.
Dans les toilettes, non loin d'un urinoir duchampêtre en diable, j'ai découvert ce modeste témoignage d'érotisme naïf : une mini installation de strings plutôt kitschounets associés à une vue du Veules ancien et à une affichette demandant «où sont passés les curés?».
On peut en rire et pourtant c'est peut-être de l'art populaire contemporain à son stade conceptuel.
Dans le doute, mon chéri et moi on est allés manger une moule-frites devant la mer turquoise.
20.06.2007 | Lien permanent