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10.02.2006

Charlotte Salomon, Vie ? ou Théâtre ?

Je suis comme vous, mister Curieux. Aux «nanards» folklo-outsaïdeuriens je préfère des productions sans réel rapport avec l’art brut mais qui nous invitent à nous interroger à son propos ou à propos de ses limites.

Peut-être parce qu’elles se situent elles-mêmes dans ces territoires mouvants (presque des limbes) qui n’appartiennent ni tout-à-fait à l’art «culturel» ni tout-à fait à l’art des autodidactes.

Dans cet esprit, je voudrais m’approcher avec respect (et inciter nos fidèles amis muliens à faire de même) de l’exposition Charlotte Salomon, Vie ? ou Théâtre ? (Leben ? oder Theater ?).

Elle vient de commencer dans le Marais, à l’Hôtel Saint-Aignan abritant le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.

Leben ? oder Theater ? ce n’est pas seulement une œuvre d’art inclassable composée de centaines de gouaches où les meilleures influences du début du XXe siècle (l’expressionnisme allemand, le primitivisme de Die Brücke, la typo de la Secession viennoise) se combinent à une candeur intacte, presque philosophique.

C’est aussi, sous une forme narrative utilisant des pseudos, une sorte de journal intime écrit directement sur les peintures ou sur des calques s’y superposant. Les 1325 pages constituant le manuscrit sont conservées au Musée historique juif d'Amsterdam. Les mémoires d’une jeune femme allemande, interdite d’études, chassée de son pays par les persécutions contre les Juifs.

L’histoire de sa famille, marquée dès avant la naissance de Charlotte en 1917 par une épidémie de suicides féminins (sa tante dont elle héritera son prénom, sa mère, sa grand-mère) à laquelle elle n’échappera elle-même que pour être assassinée (et l’enfant qu’elle portait) dès son arrivée à Auschwitz en 1943.

L’histoire de son amour aussi pour un homme complexe qui se partage entre Charlotte Salomon (Kann dans le récit) et sa belle-mère cantatrice.

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La mise en scène d’une vie bouleversée sous la forme d’une pièce de théâtre chantée (Singspiel) selon un rituel qu’elle a elle-même décrit : «La personne est assise au bord de la mer. Elle peint. Soudain une mélodie lui vient à l’esprit. Alors qu’elle commence à la fredonner, elle remarque que la mélodie va exactement avec ce qu’elle veut coucher sur le papier».

La mer était celle des environs de Nice où Charlotte était réfugiée et où elle fut vraisemblablement dénoncée. Parfois, son pinceau semble s’affoler presque bégayer, des éléments (corps allongés, bustes) se répètent en glissant vers l’abstrait. Elle, qui a peut-être connu l’expo Entartete Kunst, ne paraît alors jamais si proche de l’art brut.

C’est peut-être parce que dans cet art prétendu «dégénéré» où les Hitlériens réunissaient les grands artistes contemporains et les meilleurs créateurs de la Collection Prinzhorn, Charlotte Salomon avait sa place. Une place secrète sans doute, une place de trait d’union.

 

09:50 Publié dans Expos, In memoriam | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : charlotte salomon, leben ? oder theater ? | |  Imprimer | | Pin it! |

Commentaires

Il y a l'illustration d'un récit, ponctué de Recitativ d'opéra, mais il y a des mises en pages saisissantes et surtout cet usage de la répétition qui met les destins dans un emboîtement tragique. Sisyphe emporté par sa pierre dans le roulis du monde.
C'est jusqu'au 21 mai.

Écrit par : Lucette | 26.03.2006

J'avais eu la chance de voir le film de Richard Dindo qui lui est consacré il y a quelques années. J'ai profité de mon passage à Paris pour le salon du livre pour faire le plein d'images. Vu notamment deux belles expos, une sur l'art brut russe à l'objet trouvé, et celle à ABCD sur deux artistes dont j'ai oublié le nom. J'ai été très ému en regardant les pages du journal peint de Charlotte Salomon, beaucoup de force, de sincérité, d'intensité et un prodigieux sens de la couleur et de la composition. Superbe ! J'espère que l'expo tournera et que beaucoup de gens pourront la voir !

Écrit par : Gérard | 06.04.2006

Il faut courir partout pour voir et lire tout ce vous proposez!
Que ceux qui ne l'auraient pas encore fait se précipitent: plus que quelques jours pour voir cette expo bouleversante!
Vous semblez douter que cela ait un rapport avec l'art brut. Moi je ne trouve pas qu'il y ait de doute: même urgence (certes liées à des conditions extérieures), même nécessité de trouver une parade à ce qui fait oracle désastreux pour quelqu'un, même inventivité pour "dire" (mise en forme, mise en pages, mise en scénario, mise en scène...). L'usage qui est fait des ressources culturelles qu'elle avait reste très personnel.

Écrit par : L'assidu | 02.05.2006

Juste pour signaler que je viens aussi d'écrire quelques lignes sur CharlotteSalomo
http://chercheursdesons.hautetfort.com/archive/2006/05/03/charlotte-salomon.html
sur mon blog qui, bien que consacré aux inventeurs d'instruments, n'en reflète pas moins ma passion pour l'art but, singulier, hors les normes. J'ai aussi écrit sur Chomo ici http://chercheursdesons.hautetfort.com/archive/2006/04/30/chomo-a-l-ecoute-de-l-univers-cosmique.html

Écrit par : Gérard Nicollet | 03.05.2006

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