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15.01.2010

Jeannot à l’Institut

Le plancher de Jeannot n’en finit pas de nous questionner. Les questions c’est comme tout, il en est dont on ne sait que faire et d’autres dont on aperçoit tout de suite la résolution. Si je vous dis : le thon rouge mérite-t-il de disparaître? Tout le monde se lève pour la protection de l’espèce!

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Car il y a des questions qui ont le don de sécréter leur réponse comme un pin sa résine. C’est à une interrogation de cette sorte que nous confronte Guy Roux dans un article paru en 2009 dans le n°3 des Cahiers de l’Institut (International de Recherches et d’Explorations sur les Fous Littéraires).

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«Fallait-il sauver le plancher de Jeannot?» demande-t-il dès le titre à son lecteur. Et pour être certain qu’on ne va pas échapper au dilemme, il conclut de même. Entre cette introduction et cette conclusion jumelles, l’auteur rappelle opportunément l’histoire terrible de ce document-choc qui fait œuvre d’art brut aussi bien que le lambris de Clément.

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Je vous en ai déjà parlé, alors je fais court. Un paysan béarnais pas commode. Il s’isole de plus en plus. Patrouillant sur son tracteur la pétoire à la main. Quand sa mère meurt, il l’enterre dans la ferme et sur le plancher sous lequel elle repose il grave un texte vengeur, furibond, accusateur et auto-défensif.

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Il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne pas comprendre qu’après la disparition de Jeannot il se soit trouvé des gens convaincus de la valeur de cette œuvre pour le «débarbouiller» de la terre, de la paille et du plâtre qui le recouvraient. Pour «l’épouiller» des insectes «qui le squattaient».
planchers-st-anne.jpgAinsi devenu présentable, cet enfant sauvage de l’expression intime, a pu être montré dans le monde à Biarritz, à Bordeaux, à Toulouse, à Paris avant d’être adopté par Bristol-Myers Squibb, labos pharmaceutiques de leur état, qui l’ont envoyé parfaire son éducation dans une boîte de la rue Cabanis à Paris, en face de l’Hôpital Sainte-Anne où il attend, depuis, la semaine des quatre jeudis.

Durant les expositions où il avait figuré entre 1997 et 2005, le plancher de Jeannot avait, selon Guy Roux, suscité des cavalcades d’imaginations et des emportements de jugements définitifs «c’est-à-dire sommaires». Ce sont choses qui ne risquent pas d’arriver à M. Roux. Il est pondéré, circonspect, objectif. Il s’interroge beaucoup et nous laisse libre de conclure. Exemple : «où se situerait la vraie place du spectateur éventuel, puisque cet écrit ne concernait personne d’autre que Jeannot?».

cirer le parquet.jpgIl n’y a que sur les parquets que l’auteur soit catégorique. «Tout parquet» selon lui «doit périodiquement» être encaustiqué comme le plancher de Jeannot le fut lors de sa restauration. Etonnez vous après cela que lorsqu’il fut exposé à plat (dans sa position naturelle donc) des gens aient eu envie de sauter dessus «à pieds joints»!

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Même s’il l’exprime avec discrétion, la préférence de Guy Roux va -on le sent- à l’actuelle façadisme blindé auquel le plancher de Jeannot est soumis. Pour des raisons religieuses sans doute : «Disposé verticalement, il a provoqué l’apparition d’attitudes extatiques de visiteurs qui le caressaient de la main, comme ils l’auraient fait de statues ou de reliques de saints, tandis que d’autres se frottaient langoureusement contre sa paroi».

Libre penseuse invétérée comme je suis, on me permettra d’être d’un autre avis. Et si la question était :

FALLAIT-IL METTRE EN BOÎTE LE PLANCHER DE JEANNOT?

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23:46 Publié dans De vous zamoi, Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : plancher de jeannot, art brut, thon rouge, lambris de clément, irefl | |  Imprimer | | Pin it! |

Commentaires

La question n'est toujours pas simple!
Fallait-il laisser Jeannot seul dans son enfer? Fallait-il en effacer la trace? Pour Jeannot, c'est trop tard. Exposer son plancher c'est contribuer à convertir un drame intime en perplexité partageable, celle qui nous concerne tous, au-delà des énoncés personnels de Jeannot. Celle qui pousse les Haïtiens aujourd'hui à prier Dieu parce que, faute de le pouvoir, nous ne sommes pas là. Notre dette à son égard c'est celle que Levinas nous prescrit: Ne laisser personne seul, même devant l'insoutenable. Alors, oui, le délire inscrit sur le plancher de Jeannot appartient à la culture commune et mérite d'être exposé en entier, d'un seul tenant, à plat ou en légère obliquité comme à la Halle St Pierre, et si possible dans une pièce qui serait un lieu de recueillement. Pour partager le mystère du Dieu obscur auquel il s'adresse faute de nous avoir trouvés.
Dans un musée ce serait mieux : ouvert à tous.

Écrit par : Béatrice Steiner | 16.01.2010

Ce qui est sur, c'est que le texte lui, est à transmettre.
Un autre cas de graveur à Rouen, il s'appelle Alain;
http://lesmotsdalain.free.fr/
http://www.fotolog.com/desmots_desmurs/
Là c'est pareil, quand il grave ou qu'il gueule un monologue dans la rue, je ne peux m'empêcher de le regarder, voir de le suivre, est-ce voyeurisme?

Écrit par : craoman | 19.01.2010

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