08.05.2013
Le peuple des berges
La Seine monte. C’est le moment de lire Le Peuple des berges. Le moment d’acheter à pleines péniches ce récent titre de Robert Giraud pour en inonder vos amis.
On y assiste avec trouble et attendrissement au «carnaval perpétuel» de Nénette. A cette époque (dans les années cinquante du siècle de l’auteur), on n’avait pas peur du mot «clocharde».
«La cloche en argot c’est le ciel» nous dit la quatrième de couverture de ce recueil de neuf articles parus jadis dans Qui ? Détective.
A cette époque (8 octobre – 3 décembre 1956), les Nénette élisaient domicile sous les ponts de Paris. Cette âme errante abritait donc sa coquetterie guenilleuse «dans une alvéole du Pont-Neuf, au milieu de ses richesses» de carton. «Eté comme hiver, Nénette porte toute sa garde-robe sur elle» nous dit Robert Giraud. Et «sa toilette se complète obligatoirement d’un chapeau extrait, il y a une dizaine d’années, du plus profond d’une poubelle».
Image tirée de "La cloche et les clochards". Film réalisé en 1972 par Robert Bober pour l'émission d'Eliane Victor : "Les femmes aussi"
Cliquer sur l'image pour voir un extrait
Rien de bien original jusque là. Aujourd’hui que sont revenus les temps mauvais, il suffit de faire un tour sous le périphérique au marché aux puces de Saint-Ouen pour avoir une idée de ce que Bob évoque.
Plus captivantes en revanche, les lignes que Giraud consacre à la pulsion de parure corporelle de ladite Nénette. Pulsion qui en fait presque la prêtresse d’un body art avant la lettre. «Les heures que [Nénette] ne consacre pas à la recherche et au tri de nouveaux haillons (…), elle les passe à faire et à refaire son maquillage». (…) «Un affreux plâtrage dont le fond de teint est constitué par du Mercurochrome. Pour ses autres fards, Dieu seul sait dans quelles décharges publiques Nénette va en recueillir les ingrédients!».
Pouvoir de ce style ému mais précis du grand reporter littéraire! Giraud sait comme personne communiquer au lecteur sa fascination. Atteindre comme une balle le nœud du problème. Sans lui ôter de son mystère. «Nénette garde le secret du drame qui a dérangé sa cervelle».
Citons encore la relation de son jeu d’esquive facial: «De ce paquet de loques émerge le visage de Nénette, une face de gargouille peinturlurée où l’on ne remarque rien de ce que l’on regarde ordinairement : la couleur des yeux, la forme du nez, les dessins des lèvres…».
Les amoureux du vieux Paris, les amateurs de petits métiers insolites, ceux qui apprécient combien l’humanité et la créativité des gens du très-commun se dégagent du pittoresque, voudront lire ce recueil de chroniques nouvelles et néanmoins ressuscitées.
Personne ne s’étonnera qu’il soit préfacé par Olivier Bailly. Ni qu’il soit édité par Le Dilettante qui ne cesse d’inscrire à son catalogue les Bob-sellers de l’«envoyé spécial au royaume de la nuit».
20:26 Publié dans Ecrans, Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : robert giraud, robert bober, robert doisneau, eliane victor, nénette | | Imprimer | | |
Commentaires
Pour infos : En allant chez Gibert Jeune sur Paris 75006
chercher le Giraud nouveau ai déniché au 1er étage rayon beaux arts pour 6 E 50 cts " L'ermite de Rothéneuf " de Joelle Jouneau
Editions Scala avril 2013 (64 pages illustrées)
Bien à vous J.G
Écrit par : jEAN GRANIER | 10.05.2013
@ Jean Granier
Giraud qui rime avec Jouneau, why not?
Vous méritez qu'on vous appelle "le dénicheur" (comme dirait Berthe Sylva).
Deux précisions toutefois:
1 - 6,50 € c'est le prix de parution (mai 2013).
2 - Mme J.J. n'est autre que la Présidente de l'Asso des Amis de l'oeuvre de l'abbé Fouré (dont vous faites aussi partie sans doute ?).
Depuis 2007, j'ai consacré beaucoup de notes à Rothéneuf. Il suffit de faire "abbé Fouré" dans ma case "Rechercher".
Pourquoi ne pas nous dire ce que cette plaquette apporte de nouveau sur le sujet?
Ani
Écrit par : Animula | 11.05.2013
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