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31.03.2015

La Peau du Milieu passe au quai Branly

La Peau du Milieu, le film de Gabriel Pomerand passe en boucle au Quai Branly et on dirait que ça laisse tout le monde froid! Mais sacré nom d’un petit bonhomme, ce docu de 13 mn 43 s  est pourtant le cœur palpitant de l’expo Tatoueurs tatoués que je vous ai signalée dès le 13 mai de l’année dernière dans mon inoubliable zoom sur Zoummeroff intitulé Crimes et châtiments.

Heureusement que l’expo branlyeuse dure jusqu’au 18 octobre 2015. Vous avez le temps d’aller visionner ce petit chef d’œuvre qui date d’un temps où les tatouages n’étaient pas des «tattoos» indolores et qualibrés aux normes d’un monotone et lucratif phénomène de mode.

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La Peau du Milieu, sorti en 1957 mais tourné avant 1953, se situe à la charnière d’un temps de «classes dangereuses». Un temps de marginalité dramatique où les porteurs de tatouages arboraient ceux-ci comme les stigmates d’un destin social douloureux et implacable. Non pour faire joli ou pour se fondre dans un collectif faussement rebelle.

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 Même si les tatoués d’alors étaient sensibles au beau dans sa version sauvage. Même s’ils étaient dans le besoin de marqueurs identitaires propres à leur communauté délinquante qui se faisait drapeau de l’opprobe de la société ordinaire.

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Depuis qu’Olivier Bailly nous a mis sur la piste de ce précurseur témoignage cinématographique sur les tatouages du milieu (voir ma note du 31 mai 2007, Fleurs de bitume à Paname), il n’aura fallu que 8 ans pour qu’il soit accessible au public.

Plutôt que le très cher catalogue (45 €) de l’expo, j’aurais aimé trouver, à la librairie du musée, le DVD du film de Pomerand mais il ne s’est trouvé personne pour commercialiser la chose. Dommage. J’ai peur que l’expo terminée, l’œuvre de Pomerand retombe dans l’oubli.

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Jacques Delarue - Robert Giraud

Photo : Robert Doisneau.

Ecrit et réalisé avec le conseil artistique de Robert Giraud, incontournable connaisseur de l’humanité souterraine de la Mouffe, La Peau du Milieu a été tourné à La Rose rouge.

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Un article comme je les aime (bien informé et pas pesant) existe à son sujet. Son auteur est Nicolas Villodre. Je ne saurais trop vous inviter à le lire sur le site Objectif Cinéma.

 portrait gabrielpomerand.jpgJ’ajouterai seulement une remarque. En août 1953, Gabriel Pomerand écrivit aussi, pour le réalisateur Jacques Baratier, le scenario et le texte d’un film sur l’Histoire du Palais Idéal mais le projet n’aboutit pas. Cf. François Letaillieur, Gabriel Pomerand, galerie 1900-2000.

Selon Pomerand, «Cheval espérait un hommage de sa patrie reconnaissante. Mais sa patrie ne l’a pas compris, car l’art où il a excellé, l’architecture en l’occurrence, n’est pas encore arrivé au niveau de son ingénuité».

08.05.2013

Le peuple des berges

La Seine monte. C’est le moment de lire Le Peuple des berges. Le moment d’acheter à pleines péniches ce récent titre de Robert Giraud pour en inonder vos amis.

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On y assiste avec trouble et attendrissement au «carnaval perpétuel» de Nénette. A cette époque (dans les années cinquante du siècle de l’auteur), on n’avait pas peur du mot «clocharde».

«La cloche en argot c’est le ciel» nous dit la quatrième de couverture de ce recueil de neuf articles parus jadis dans Qui ? Détective.

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A cette époque (8 octobre – 3 décembre 1956), les Nénette élisaient domicile sous les ponts de Paris. Cette âme errante abritait donc sa coquetterie guenilleuse «dans une alvéole du Pont-Neuf, au milieu de ses richesses» de carton. «Eté comme hiver, Nénette porte toute sa garde-robe sur elle» nous dit Robert Giraud. Et «sa toilette se complète obligatoirement d’un chapeau extrait, il y a une dizaine d’années, du plus profond d’une poubelle».

Nénette.jpgImage tirée de "La cloche et les clochards". Film réalisé en 1972 par Robert Bober pour l'émission d'Eliane Victor : "Les femmes aussi"

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Cliquer sur l'image pour voir un extrait

Rien de bien original jusque là. Aujourd’hui que sont revenus les temps mauvais, il suffit de faire un tour sous le périphérique au marché aux puces de Saint-Ouen pour avoir une idée de ce que Bob évoque.

Plus captivantes en revanche, les lignes que Giraud consacre à la pulsion de parure corporelle de ladite Nénette. Pulsion qui en fait presque la prêtresse d’un body art avant la lettre. «Les heures que [Nénette] ne consacre pas à la recherche et au tri de nouveaux haillons (…), elle les passe à faire et à refaire son maquillage». (…) «Un affreux plâtrage  dont le fond de teint est constitué par du Mercurochrome. Pour ses autres fards, Dieu seul sait dans quelles décharges publiques Nénette va en recueillir les ingrédients!».

Pouvoir de ce style ému mais précis du grand reporter littéraire! Giraud sait comme personne communiquer au lecteur sa fascination. Atteindre comme une balle le nœud du problème. Sans lui ôter de son mystère. «Nénette garde le secret du drame qui a dérangé sa cervelle».

Citons encore la relation de son jeu d’esquive facial: «De ce paquet de loques émerge le visage de Nénette, une face de gargouille peinturlurée où l’on ne remarque rien de ce que l’on regarde ordinairement : la couleur des yeux, la forme du nez, les dessins des lèvres…».

Les amoureux du vieux Paris, les amateurs de petits métiers insolites, ceux qui apprécient combien l’humanité et la créativité des gens du très-commun se dégagent du pittoresque, voudront lire ce recueil de chroniques nouvelles et néanmoins ressuscitées.

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Personne ne s’étonnera qu’il soit préfacé par Olivier Bailly. Ni qu’il soit édité par Le Dilettante qui ne cesse d’inscrire à son catalogue les Bob-sellers de l’«envoyé spécial au royaume de la nuit».