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24.08.2014

Naïfs marocains et du monde entier

L’art brut c’est comme le furet de la chanson. Il passe par ici. Il repasse par là. Au détour d’un catalogue chiné au marché aux puces de Saint-Ouen délicieusement désert en cette maussade fin d’août. Un Barbu Müller perdu dans l’art naïf ça se remarque. D’autant que sa légende laisse rêveur : «Tête – sculpture fin XIXe s. ou époque contemporaine».

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Notez le OU qui prouve qu’on se posait déjà des questions sur les barbudos en 1964. Car le catalogue dont je vous parle est du mois de juillet de cette année. Sa couverture, qui reproduit un tableau d’Ahmed Louardiri (1928-1974), est comme une invitation à visiter la mosquée de Moulay Ismaïl à Meknès à travers le prisme de ce grand peintre autodidacte.

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Publiée pour l’exposition itinérante Panorama international de la peinture naïve organisée dans les villes marocaines par la Mission Universitaire et Culturelle Française au Royaume chérifien, cette plaquette a été réalisée sous la direction de Gaston Diehl (1912-1999), fondateur du Salon de mai. Des textes de Georges Henri Rivière, Maximilien Gauthier et Anatole Jakovsky.

94 pages, beaucoup d’images en noir et en couleurs de Naïfs du monde entier. Parmi lesquels, forcément, se sont glissés quelques Bruts chers à notre cœur.

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Erich Bödeker (1904-1971), mineur allemand qui peupla son jardin d’une centaine de personnage sculptés en bois ou ciment peint.

Anselme Boix-Vives qui venait d’être mis sur orbite (lunaire) en mars-avril 64 par la Galerie Denis Breteau. Par exemple.

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A tous seigneurs, tout honneur, la section marocaine, préfacée par Diehl, révèle «Les infinies possibilités artistiques de l’instinct créateur du Maroc». Une pléïade de peintres aux noms mémorables : Mohamed Ben Allal

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Moulay Ahmed Drissi

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Ahmed Louardiri

 

Raphaël Occhipinti (né à Syracuse), Moulay Ali Alaoui

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Mohamed Naciri

mohamed naciri.jpg Et –pour moi le plus remarquable– Radia Bent El Hossain qui, en voyant travailler son fils, l’artiste Miloud Ben Moktar, sentit «l’irrésistible besoin de prendre à son tour crayons et pinceaux, à plus de cinquante ans (…)».

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Radia Bent Lhoucine, si l’on préfère, nom sous lequel elle est connue et appréciée aujourd’hui ainsi que j’ai pu le signaler dans mon post du 26 février 2011.

12.08.2013

Raoul Lehuard : un précurseur sur la sellette

Ouvrons le catalogue de l’exposition Charles Ratton, l’invention des arts primitifs. Même si celle-ci n’est pas encore très fréquentée, je suis sûre que ce sera un ouvrage de référence.

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On y apprend beaucoup de choses. Y compris des choses que l’on savait déjà car il a été précédé en 1986 par un texte de l’ethnographe Raoul Lehuard : Charles Ratton et l’aventure de l’art nègre. Publié juste après la mort de Ratton mais conçu bien avant, cet article biographique constitue à lui seul le n°60 de la revue Arts d’Afrique Noire disparue en 2004.

n°60 petit.jpgIntrouvable aujourd’hui, ce numéro est fort recherché par les collectionneurs d’art africain. C’était jusqu’à présent la seule source d’informations sur ce sphinx de Ratton. Est-ce une raison pour le dévaloriser maintenant comme le catalogue du Musée du Quai Branly n’hésite pas à le faire?

L’un des commissaires de l’expo Charles Ratton (Philippe Dagen pour ne pas le nommer) ne rate en tous cas pas une occasion de «flinguer» le travail de Raoul Lehuard. Comme s’il s’agissait d’écarter la concurrence! Une méthode plus fair play aurait été possible. Il suffisait de situer l’article de Lehuard dans son contexte historique. D’admettre qu’il constituait la première pierre d’un édifice dont on posait le toit 27 ans après.

Au lieu de ça, toutes les ficelles pour reléguer dans l’oubli un ouvrage précurseur ont été utilisées ici. On chipote sur l’orthographe d’un nom, on exploite certaines formules ambigües, on reproche à un homme, qui ne disposait ni du recul nécessaire, ni de la logistique d’une entreprise muséale, de n’avoir pas assez fouillé dans les archives de la Galerie Ratton. On conteste ses sources orales même quand son informateur est Charles Ratton lui-même : «Erreurs de mémoire d’un homme âgé (…)», p.17

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Raoul Lehuard

Tout cela manque volontairement de bienveillance, c’est à dire de mesure, à l’égard d’un chercheur qui prenait le risque d’essuyer les plâtres. Il était sans doute nécessaire de rectifier certaines erreurs ou approximations de Raoul Lehuard. Il n’était pas indispensable de le traiter en rival à discréditer en prétendant «repartir de rien» (p.12)

Mieux inspiré nous paraît le catalogue du MQB quand il met en exergue ce fait fondamental : l’obsession de Charles Ratton pour le secret. Le «personnage» était «parfois plus fermé qu’une huître» remarquait déjà en 2007 Raoul Lehuard dans un autre de ses ouvrages, L’Empreinte noire (p.35)

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C’est ce secret qui engendre les divergences d’interprétation actuelles car il excède celui dont un marchand d’art ordinaire entoure ses activités prospectives. «La règle impérative (…) est de ne jamais confier à ses clients la provenance des objets (…)» disait Ratton.

Force est de constater qu’il continue dans la tombe à appliquer ce principe. Ceux qui comptaient sur le catalogue du MBQ pour connaître enfin l’origine des fameux Barbus Müller, vedettes du premier fascicule de L’art brut en 1947, en seront pour leurs frais (35 €).

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L’ombre de Charles Ratton qui plane derrière ces Barbus (dont beaucoup, sinon tous, lui appartinrent) reste muette à leur sujet.

23.11.2009

Néo, Barbudo, Mono : un trio lithique

Résultats des courses. Le gagnant du quizz sculpturel c'est... Fred. Il a eu raison de parier sur le 5. La bonne réponse était : «datent du néolithique». Il coiffe d'une courte tête Freddy & Cathy qui ont aussi découvert la bonne solution mais avec un peu de retard (ils recevront un Kdo de consolation).

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lepenskinow.jpgLes sculptures soumises à votre sagacité par votre petite âme errante proviennent de Lepenski Vir, village de Serbie situé au bord du beau Danube bleu dans le défilé du Djerdap, célèbre pour ses Portes-de-fer.

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Elles sont plus toutes jeunes; ça leur fait même dans les 9000 piges car on pense qu'elles ont été réalisées vers les moins 7000 avant le p'tit Jésus de Nazareth.

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lepenski vir reconstituée.jpgLa civilisation dont elles témoignent nous reste assez opaque. Tout ce que je sais c'est que les gars qui ont fait ça étaient des pêcheurs.

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couv Lepenski vir.jpgJ'avoue que j'ai eu un choc en découvrant cette bobine ahurissante sur la couverture d'un vieux catalogue d'une expo portugaise qui a eu lieu en 1986 à l'initiative de la Fondation Gulbenkian et de l'ambassade de Yougoslavie. Merci à mon chéri qui a dégoté ce document au hasard d'une de ses journées de chine au salon du livre de Lille.

Personnellement cette grosse tête écailleuse m'a tout de suite fait penser aux Barbus Müller qui figurent, on le sait, parmi les premiers cas d'art brut enregistrés par Jean Dubuffet.

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J'ai même cru l'espace d'un instant que j'avais mis la patte sur une source possible de ces derniers. Nous sommes en effet quelques un(e)s à penser que les fameux Barbus pourraient bien être en fait le résultat d'une mystérieuse activité syncrétique à laquelle Henri-Pierre Roché et Charles Ratton, les premiers collectionneurs de ces objets d'art énigmatiques, ne seraient pas étrangers.

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fascicule barbus muller.jpgNe serait-ce, on peut le supposer, que parce qu'ils en auraient su plus que Dubuffet ne l'a dit (ou su) sur l'auteur des Barbus Müller. Malheureusement mon hypothèse ne tient pas. Le site de Lepenski Vir a été découvert et fouillé en 1965 tandis que la brochure de l'art brut révélant les Barbus Müller a été publié par Gallimard en 1947.

«Ma pauvre Ani, le voilà rabattu ton caquet!» je me suis dit.

C'est vrai que ça m'apprendra à jouer les petites têtes chercheuses. Heureusement, une image envoyée par courriel par un Animulien malin, est tombée à point pour me consoler.

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Elle représente un monolithe sculpté Ekoi (du nom d'une ethnie du Cameroun). Je sais pas si j'hallucine mais je lui trouve aussi un certain air de famille avec mes barbus adorés. Et je ne peux pas m'empêcher de penser que Charles Ratton, grand connaisseur de l'art africain, a pu parfaitement fréquenter ce genre de choses.

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A vérifier dans les nombreux catalogues des ventes publiques dont il fut l'expert.

Quant à toi, Fred le gagnant, n'oublie pas de m'envoyer par courriel l'adresse où tu veux recevoir le prix de ta victoire.

22.04.2008

L’art nègre à Rothéneuf


1494739926.jpgQuand il fait frigo et que la pluie nous pourrit le cuir chevelu, comment se balader sans être enfermée ?

Réponse : aller au Grand Palais visiter le Salon International du Livre Ancien.

C’est ce que votre petite âme errante a fait ce ouikène.

Le Grand Pal est un endroit où l’on reste au sec tout en ayant le ciel par dessus le soi. Sous les kms de verrière qui surplombent les stands, on se prend pour des Jonas dans le ventre de sa baleine.

C’est Jules-Vernien à mort comme chaque fois que la République fait dans le monumental.

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Qu’allais-je faire dans ce Nautilus ? Mais trouver d’l’art brut, nom d’un chien !

De l’art brut au milieu des enluminures et des grimoires ayant appartenu à Marie-Antoinette ?

Tu doutes de rien, ma pauvre Ani ! 170985676.jpg

Et pourtant oui. En fouinant j’ai mis la main sur un bouquin de 1899 causant Du Tatouage chez les Prostituées. Auteurs : 2 toubibs de Saint-Lazare (pas la gare, la prison). Le Blond et Lucas. Palpitant pour les messages et dessins tatoués reproduits. Dans ma grande bonté, je vous en offre quelques uns.

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En A19 (c’est comme la bataille navale, la liste des exposants), sur le stand de monsieur Léon Aichelbaum, m’attendaient quelques pages, pas chères du tout, relatives à l’abbé Fouré. Tirées de je ne sais où et datées du 25 mai 1921, elles ont pour particularité de s’étendre plutôt sur le musée de Rothéneuf entouré d’un mur crénelé que sur les fameux rochers sculptés. Son titre a de quoi mettre l’eau à la bouche : L’Art nègre à Rothéneuf mais je n’ai pas eu le temps encore de lire la chose.

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Comme une nunuche, j’ai failli louper la case E14 où la Librairie Alain Brieux (48, rue Jacob 75006) avait installé ses pénates. Faut dire que la science est pas mon fort et que cette vénérable maison donne surtout dans cette discipline.

«Mais qui dit science, dit médecine et qui dit médecine dit psychiatrie», me dis-je en dirigeant mes pas de ce côté. 91313377.jpgBien m’en a pris puisque j’ai découvert sur une cimaise 5 aquarelles d’art brut faites par un «malade interné dans un hôpital psychiatrique du Nord de la France» selon une indication de la main de Jean Dubuffet (j’ai reconnu son écriture) au verso.
1030899536.jpgSans être hors de prix, c’était trop cher pour moi parce que j’ai dépensé ma jolie thune à Barcelone. Alors, je me suis contentée de prendre le catalogue bleu du libraire où ces aquarelles figurent sous le n°143, à côté de cahiers de dessins faits en 1935 par des prisonniers qui sont pas mal non plus. Hélas, hélas, y’a pas de repros dans ce catalogue et j’ai pas osé sortir mon téléphone pour photographier ces œuvres là.

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Pour me consoler, mon chéri que j’ai m’a HT au stand de l’ascèse (A16) le catalogue de la vente de la Collection André Lefèvre de décembre 1965 parce qu’au milieu des objets d’Art nègre et d’Océanie, on trouve (n°147) une Tête dite «Barbu Müller» en pierre volcanique. «Massif central, Art populaire. Peut-être une pierre de source». Un barbu comme ces barbus de la fameuse brochure de 1947 qui n’a jamais été distribuée par Gallimard, son éditeur, mais qui existe bien, la preuve :

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Je vous dis ça parce que je sais que ça intéresse Julien qui m’a écrit 2 fois au sujet des Barbudos.

 

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23:32 Publié dans Ecrits, Glanures, Images | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : art brut, abbé fouré, barbus müller, tattoo | |  Imprimer | | Pin it! |