16.03.2014
Allô, quoi, allô, répondez Armand Schulthess !
Il est bon parfois d’en remettre une couche comme il est bon de relire des livres qui nous ont fait rêver. Et puisque l’occasion m’est donnée de revenir rôder dans Le Labyrinthe poétique d’Armand Schulthess je ne m’en prive pas. Même si je vous en ai parlé pas plus tard qu’à Noël. Je pointais à l’époque vers le futur d’une exposition à Neuchâtel, la patrie de ce bouleversant créateur. Et le futur nous y sommes.
L’expo Schulthess, «la plus grande jamais consacrée» à son œuvre, aura bien lieu du 30 mars au 3 août 2014 au centre Dürrenmatt. Avec le concours de la Collection de l’Art Brut de Lausanne. Lucienne Peiry, l’une des têtes dirigeantes de la Maison mère, étant commissaire. Les chanceux qui naviguent au bord du lac (de Neuchâtel) pourront sans doute lui demander un autographe dès le samedi 29 mars à 17 h, jour du vernissage.
Ils s’y feront peut-être rôtir un poulet ou ils dégusteront sur le pouce un de ces plats bernois en boîte acheté à la Migros.
Comme Armand Schulthess, de son vivant, le conseillait aux visiteurs de son île-jardin utopique. On peut rêver.
J’emprunte ces détails croustillants à l’article de Hans-Ulrich Schlump (La Seconde vie d’Armand Schulthess) paru, sous couverture bleu Klein, dans le fascicule 14 des Publications de la Collec de L’art Brut. Ce texte raconte une histoire qui a tout pour plaire à la petite âme romantique que je suis restée malgré tout.
Pour une femme inconnue qu’il appelait de ses vœux mais qui ne vînt jamais Armand Schulthess avait aménagé un pavillon sur le terrain de sa résidence de campagne près de Locarno dans le Tessin.
Dès la cinquantaine, il s’était retiré là. Vivant de petits pains et de lait. Distribuant sa science encyclopédique aux arbres du jardin.
Il couvrait ceux-ci de messages philosophoco-scientifiques calligraphiés en cinq langues sur des rondelles de métal ligaturées avec du fil de fer.
Mais il se cachait quand il venait du monde. Il aurait préféré qu’on le joigne au téléphone.
Sur l’un de ces appareils qu’il disposait le long de son réseau compliqué de chemins, d’escaliers, de passerelles aménagé au fil du temps dans son domaine.
Mais les sonneries étaient en panne. Les fils avaient beau courir, les téléphones ne fonctionnaient que dans sa pensée. Et combien riche était sa pensée! Elle abritait des volumes et des volumes réalisés à la main. Ils venaient surcharger sa bibliothèque.
Près de milliers d’objets et de papiers chinés dans les décharges car ils pourraient servir. Une sédimentation d’albums remplis de photos naturistes. Écologiques pin-up, vous partîtes en fumée quand son site magique et chaotique fut détruit après sa mort accidentelle.
A 72 ans, même un pionnier ne résiste pas à deux nuits dans le froid après une chute. Et sans doute est-ce bien ainsi. Mais le monde parallèle de ce doux original (ou schizophrène qui sait ?) comme il manque au nôtre ! Et comme inconsolable, je serais de lui s’il n’y avait l’expo de Neuchâtel pour nous en restituer quelque chose.
BONUS
Paru à Cologne en 1972, l’année de la disparition d’Armand Schulthess.
Le livre d’Ingeborg Lüscher (dont l’époux est Harald Szeeman).
15:11 Publié dans Ailleurs, art brut, Expos, Lectures | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : art brut, armand schulthess, hans-ulrich schlump, lucienne peiry, ingeborg lüscher, centre dürrenmatt de neuchatel | | Imprimer | | |