14.06.2015
Pan dans L’Œuf !
Avec L’Œuf c’était fatal. Un jour il devait atteindre la douzaine. C’est chose faite. Claude Roffat, l’infatigable (quoique fataliste) animateur de cette revue qui persiste depuis 25 ans à proposer «un autre regard sur la création», réussit l’exploit de nous donner la cerise sur le gâteau d’une collection déjà collector.
Ce numéro 12 de L’Œuf sauvage qui sort de sa coquille au printemps 2015 s’avance paré des plumes qui ont fait la réputation de ses 11 prédécesseurs. Beau papier couché, visuels couleurs attrayants, typographie soignée au petit poil. Quant au contenu, le choix de Roffat tricote des influences qui se sont toujours équilibrées dans la revue : l’art brut et ses faubourgs, l’expressionnisme, le surréalisme, la fantasmagorie singulière, l’art populaire, la critique du pire.
Ce qui se traduit sur la couverture par un kakémono énumérant le nom des artistes célébrés : A.C.M. et ses cités oxydées, Denis Pouppeville le funambule des couleurs, Bernard Pruvost, un début d’incendie dans la prunelle, Jean Benoît le mystère en plein soleil, Pierre Martelanche la cabane idéale du vigneron, Nicole Esterolle De la dictature de la bouffonnerie en art contemporain.
J’avoue qu’avec mes œillères animuliennes, ce sont les sculptures-architectures «en chatoyants haillons de dentelles métalliques et oxydées» d’A.C.M. que j’ai tendance à mettre au top. Elles sont l’objet ici d’une visite de Jean-Louis Lanoux qui, avec Béatrice Steiner, avait, dès 1999 dans la revue Création Franche (n°17) attiré l’attention du public sur ce créateur d’exception.
Selon vos péchés mignons, vous apprécierez aussi le «climat de brume et de grésil (…)» de la peinture «à la tonalité flamande ou nordique» de Pouppeville, évoquée par Joël Gayraud.
Les calaveras de Benoît dont la morbidité érotique plutôt chiadée me fait penser à Félicien Rops.
«L’anatomie kaléidoscopique» de Bernard Pruvost. L’idéal républicain incarné dans les terres cuites de Martelanche. Le revigorant vitriol de la prose nerveuse d’Esterolle, au Schtroumph émergent duquel il m’est arrivé d’emprunter (voir ma note scato du 23 septembre 2013). Les fans de Nicole savent déjà qu’elle vient de sortir un bouquin de juteuses chroniques.
J’oublie personne ? Si. Roffat of Marseille se souvient de ses origines foréziennes. L’article sur Pierre Martelanche, il l’a confié à Jean-Yves Loude et Viviane Lièvre, écrivain et photographe, ethnologues tous deux. C’est au cours d’une dérive ânière dans la région de Roanne pour la rédaction d’un livre qu’ils ont succombé au charme de l’œuvre du créateur populaire.
Roffat qui, sous ses allures de vieil enragé, aime le beau langage a reçu par ailleurs le concours d’un autre écrivain : Lionel Bourg, ici chantre de Pruvost. A toute princesse tout honneur, je n’aurais garde d’oublier Marine Degli. Cette collaboratrice de Jacques Kerchache, initiateur du Musée du Quai Branly, apporte à ce numéro, outre son admiration pour l’épistolier Jean Benoît, un discret parfum primitiviste.
Le douzième Œuf Sauvage est en vente chez Béatrice Soulié et à la Librairie de la Halle Saint-Pierre.
20:41 Publié dans art brut, Ecrits, Gazettes, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : l'oeuf sauvage, claude roffat, acm, béatrice steiner, jean-louis lanoux, denis pouppeville, joël gayraud, lionel bourg, bernard pruvost, nicole esterolle, pierre martelanche, jean-yves loude, viviane lièvre, jean benoît, marine degli | | Imprimer | | |