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Charlotte Salomon, Vie ? ou Théâtre ?
Je suis comme vous, mister Curieux. Aux «nanards» folklo-outsaïdeuriens je préfère des productions sans réel rapport avec l’art brut mais qui nous invitent à nous interroger à son propos ou à propos de ses limites.
Peut-être parce qu’elles se situent elles-mêmes dans ces territoires mouvants (presque des limbes) qui n’appartiennent ni tout-à-fait à l’art «culturel» ni tout-à fait à l’art des autodidactes.
Dans cet esprit, je voudrais m’approcher avec respect (et inciter nos fidèles amis muliens à faire de même) de l’exposition Charlotte Salomon, Vie ? ou Théâtre ? (Leben ? oder Theater ?).
Elle vient de commencer dans le Marais, à l’Hôtel Saint-Aignan abritant le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme.
Leben ? oder Theater ? ce n’est pas seulement une œuvre d’art inclassable composée de centaines de gouaches où les meilleures influences du début du XXe siècle (l’expressionnisme allemand, le primitivisme de Die Brücke, la typo de la Secession viennoise) se combinent à une candeur intacte, presque philosophique.
C’est aussi, sous une forme narrative utilisant des pseudos, une sorte de journal intime écrit directement sur les peintures ou sur des calques s’y superposant. Les 1325 pages constituant le manuscrit sont conservées au Musée historique juif d'Amsterdam. Les mémoires d’une jeune femme allemande, interdite d’études, chassée de son pays par les persécutions contre les Juifs.
L’histoire de sa famille, marquée dès avant la naissance de Charlotte en 1917 par une épidémie de suicides féminins (sa tante dont elle héritera son prénom, sa mère, sa grand-mère) à laquelle elle n’échappera elle-même que pour être assassinée (et l’enfant qu’elle portait) dès son arrivée à Auschwitz en 1943.
L’histoire de son amour aussi pour un homme complexe qui se partage entre Charlotte Salomon (Kann dans le récit) et sa belle-mère cantatrice.
La mise en scène d’une vie bouleversée sous la forme d’une pièce de théâtre chantée (Singspiel) selon un rituel qu’elle a elle-même décrit : «La personne est assise au bord de la mer. Elle peint. Soudain une mélodie lui vient à l’esprit. Alors qu’elle commence à la fredonner, elle remarque que la mélodie va exactement avec ce qu’elle veut coucher sur le papier».
La mer était celle des environs de Nice où Charlotte était réfugiée et où elle fut vraisemblablement dénoncée. Parfois, son pinceau semble s’affoler presque bégayer, des éléments (corps allongés, bustes) se répètent en glissant vers l’abstrait. Elle, qui a peut-être connu l’expo Entartete Kunst, ne paraît alors jamais si proche de l’art brut.
C’est peut-être parce que dans cet art prétendu «dégénéré» où les Hitlériens réunissaient les grands artistes contemporains et les meilleurs créateurs de la Collection Prinzhorn, Charlotte Salomon avait sa place. Une place secrète sans doute, une place de trait d’union.
10.02.2006 | Lien permanent | Commentaires (4)
Le Prix Renaudot pour Charlotte Salomon
Le Renaudot c’est pas mon lot. Les Prix littéraires d’ordinaire ça m’fait braire. Mais là quand même comment ne pas joindre mes youyous animuliens au concert de louanges qui salue le livre de David Foenkinos?
Et tant pis si sa forme poètique en défrise certains. Et tant pis si la vogue du roman biographique le porte.
L’important, de mon point de vue, c’est qu’il rende à Charlotte Salomon un peu de l’existence qui lui a été crapuleusement volée.
11.11.2014 | Lien permanent | Commentaires (1)
Le Zanderland à Montmartre
J'adore les Belges. Les mecs ne se rasent plus. Les meufs jouent les Lysistrata. Pour réclamer un gouvernement. Cela leur laisse du temps pour s’intéresser à nous. Sur son journal en ligne, La Libre Belgique a déjà collé un article en 2 parties sur une expo parisienne qui vient de débuter à la Halle Saint-Pierre.
A moi qui était au vernissage, le 18 janvier, ça m’a foutu la honte naturellement.
Alors je trace vite derrière Roger Pierre Turine pour mettre mon grain de sel dans cette «épatante exposition qui montre quelques 300 pièces majeures d’une collection inestimable» : celle de Charlotte Zander.
Collection dévolue surtout au meilleur art naïf mais aussi à des peintres haïtiens, à des créateurs enregistrés dans l’Outsider art ou dans l’art brut et à des inclassables du genre de Ilija Bosilj
ou Sava Sekulic qui sont, pour nous, des révélations.
Sous le vent de l’art brut (c’est le gros titre un peu bateau de l’expo) commence sous le regard magnétique de l’affiche et par les beaux yeux de Charlotte Z dont le portrait est accroché à l’entrée.
On aurait pu mettre aussi ceux de Martine Lusardy qui a, comme dit R.P.Turine, «dans le pactole Zander, ciblé des œuvres qui puissent faire le lien entre art naïf plus démonstratif et art brut plus direct».
Car faut vous dire que cette expo halle-saint-pierresque transgresse tranquillement un tabou qui veut que art naïf et art brut soit impitoyablement discriminés. Cela ne signifie pas qu’elle mélange tout en un joyeux salmigondis.
Au contraire. Charlotte et Martine se sont entendues à merveille pour que cette dernière puisse naviguer dans le Zanderland : le château de Bönnigheim en Allemagne dont vous pouvez vous faire idée ici avec pour boussole le GPS à tonton Dubuffet.
Comme le dit le catalogue : «dans cette pelote prodigieusement colorée, patiemment enroulée» par la fée Zander pendant un demi-siècle d’explorations, «le commissariat de l’exposition de la Halle Saint-Pierre a délibérément tiré un fil et c’est celui de l’art brut».
Ce qui nous vaut des points de vue originaux sur des œuvres que l’on croyait connues et sur des catégories que l’on croyait figées une fois pour toute mais dont les frontières sont plus communicantes qu’on ne croit.
«Osons regarder André Bauchant et Henri Rousseau sans le jugement de la naïveté» claironne madame Lusardy et il est vrai que je ne m’étais jamais rendu compte à quel point les rochers de Bauchant pouvaient ressembler à une matière cérébrale proliférante dans ses tableaux.
La rencontre inusitée d’œuvres qu’on n’a pas l’habitude de voir rassemblées le révèle ici! Osons donc nous faire l’expo de la Halle Saint-Pierre.
«Osons!» est un bon programme. Une invitation à penser par la grâce d’un très bô «spectacle». Comme j’ai épuisé mon forfait, je ne saurais vous en dire plus une fois (ou pour cette fois).
12.02.2011 | Lien permanent | Commentaires (2)
Glozel : Emile Fradin a fêté ses 103 ans
Emile Fradin a 103 ans. Si je vous parle de lui c'est pas seulement que j'adore les centenaires. C'est que j'ai toujours cru que cet indomptable paysan de la montagne bourbonnaise aurait pu être considéré comme un créateur d'art brut. Si l'archéologie, la justice et l'opinion publique de sa jeunesse avaient montré plus de bienveillance et d'humour à son égard.
Il n'aurait pas fallu beaucoup en effet pour que les surprenantes et controversées découvertes qu'il fit en labourant son champ à Glozel (petit patelin de l'Allier) soient envisagées sous l'angle artistique d'une bouffée inventive d'autodidacte plutôt que comme des artefacts préhistoriques à étiqueter, classer, dater, décortiquer, analyser, carbone-quatorziser.
On lira dans Le Dictionnaire des trucs de Jean-Louis Chardans (Pauvert, 1960) le pourquoi du comment de cette aventure merveilleuse et emberlificotée qui eut un retentissement national dans les années vingt.
Les médias, les savants (Salomon Reinach, Seymour de Ricci, l'Abbé Breuil), les avocats dont le fameux Maurice Garçon se sont crêpé le chignon pour ou contre Glozel jusque dans les années 30. Même la publicité Hotchkiss s'en est mêlé.
Au milieu de ce pastis, Emile Fradin qu'on accuse d'être un faussaire alors qu'il est surtout un poète et un rêveur de la meilleure veine, navigue avec intelligence, ruse, courage et opiniâtreté. A lui seul il fait figure d'allégorie des croyances populaires dressée contre les pieds d'argile de la science officielle.
Il appartient à ce peuple des campagnes qui sort depuis toujours des haches taillées de la terre pour les transformer en pierres à venin sans se soucier des ricanements des grandes têtes molles plus ou moins foutraques de la ville.
Moins sérieux, moins catégoriques dans le oui ou le non, les experts du néolithique de l'époque n'auraient sans doute pas conduit Emile Fradin à s'entêter dans sa version : le come-back d'une civilisation et d'une écriture inconnues.
Seulement voilà, ils avaient le verbe haut et Fradin toute sa vie dut allumer des contre-feux qui aujourd'hui encore couvent sous la cendre.
En attendant, je suis pas loin d'être d'accord avec l'Encyclopédie des farces et attrapes et des mystifications de François Caradec & Noël Arnaud (Pauvert 1964) : les 3000 objets de Glozel «forment encore aujourd'hui un des musées les plus étranges existant au monde».
Bonne continuation, monsieur Fradin !
16.09.2009 | Lien permanent | Commentaires (7)
Friedrich Schröder-Sonnenstern à NYC
Bon d’accord, il a un nom impossible mais ce n’est pas une raison pour ignorer Friedrich Schröder-Sonnenstern. Une exposition commence qui va montrer jusqu’au 30 avril 2011 une trentaine d’œuvres (ce qui n’est pas rien) de ce si extraordinaire artiste allemand à la vie non moins extraordinaire (du moins pour ce qu’on en connaît car il a eu le don de brouiller les pistes).
C’est dans l’Upper East Side de New York, exactement au 4 East 77 th Street, à la Galerie Michael Werner. On nous promet du beau, on nous promet du neuf : beaucoup de ces œuvres «are exhibited for the first time anywhere» nous dit le site de la MWG.
Il y a donc des chances pour que ce soit un événement. Un catalogue que l’on nous dit «fully illustrated» accompagne l’expo. C’est tant mieux car la doc sur ce peintre ne court pas les rues.
On trouve des catalogues en allemand
en italien
en japonaispubliés au XXe siècle. Pas grand chose en français ou même en anglais.
Comme le parcours de Schröder-Sonnenstern est du genre compliqué, jalonné d’épisodes psychiatriques, d’escroqueries diverses, de vagabondages et d’arrestations, je renonce à vous le résumer. Le plus simple est de vous reporter à la page carrément copieuse qui le concerne dans le catalogue Sous le vent de l’art brut actuellement en vente à la Halle Saint-Pierre of Paris.
Et si vraiment, vous ne pouvez pas vous offrir NYC en ce moment, vous pourrez voir là une non négligeable sélection schröder-sonnensternienne en provenance de la Collection Charlotte Zander.
17.03.2011 | Lien permanent | Commentaires (2)
Asylum
29.11.2005 | Lien permanent
Rude semaine pour les Animuliens
Rude semaine en perspective. Elle culminera avec une escapade automnale au pays d’Alain Bourbonnais le samedi 15 octobre 2011. Prévoir une petite laine pour remettre le couvert à l’occasion de cette deuxième journée d’étude où malheureusement je ne pourrai pas aller.
Les nombreux Animuliens que ça intéresse peuvent consulter le programme ici. Je compte sur eux pour nous dire si l’ambiance, sous la houlette de Débo, atteint celle du précédent show Fabuloso-CrABichesque. Voir sur ce point mon post du 21 juin 2011 : L’Appel du 18 juin à la Fabuloserie.
Ceux qui ne pourraient pas être en Bourgogne ce samedi là et que leurs activités retiendraient dans le sud-ouest de la France seraient bien avisés de se rendre à Villeneuve-sur-Lot. Les Chercheurs d’Art, une asso locale, y montrant, au Pôle de mémoire du Moulin de Gajac, un documentaire inédit sur l’œuvre d’André Labelle, un jardinier devenu peintre sans éprouver le besoin de changer de tête.
A noter que Pascal Rigeade, directeur du Musée de la Création Franche de Bègles y conférencera. Cette info en elle-même constitue un scoop, la précédente direction dudit Musée s’étant plutôt fait un principe du confinement dans le passé.
Rude semaine qui promet aux Parisiens des transports difficiles le mardi 11 octobre 2011 pour cause de grève. Manque de bol, c’est ce jour là que débute au Collège des Bernardins, l’exposition Judith Scott, Objets secrets.
Faire des pieds et des mains quand même pour se véliber, se co-voiturer ou se propulser cum jambis au vernissage (à partir de 18 h). C’est d’une nécessité absolue pour tout Animulien qui se respecte! C’est pas tous les jours en effet qu’on peut se mettre sous la dent une réunion d’œuvres de la petite mère Judith.
A la rigueur, une attestation de votre présence au même moment à Oakland (Californie) pour les Latitudes (Self taught Artists from France and New Zealand) pourrait avoir valeur de mot d’excuse de vos parents mais n’en abusez pas!
L’autre morceau de bravoure de cette rude semaine, ce sera la déjà nouvelle expo de l’entreprenante Galerie Christian Berst qui vernira deux jours après le jeudi 13 octobre 2011.
Je suis sur des charbons ardents de voir ce que C.B. va nous sortir de l’œuvre charnelle et fragmentée de Pietro Ghizzardi, créateur italien compulsionnel, que j’avais stockée dans ma petite cervelle d’oiselle. Ce, depuis que j’avais vu ses drôles de femmes aux bustes et visages cloisonnés dans la sélection de la Collection Charlotte Zander exposée à la Halle Saint-Pierre avant les vacances. Il y a gros à parier que l’expo de Christian Berst va décaper les derniers oripeaux d’art naïf dont on avait cru intelligent jadis d’affubler Ghizzardi, ce qui avait sans doute contribué à le dérober aux regards des amateurs de cet art brut auquel il appartient légitimement.
Ah, j’oubliais, en vous débrouillant bien vous pourriez être le lendemain, vendredi 14 octobre 2011, au Musée de Cahors où sera inaugurée à 18 h l’expo Marie Espalieu, l’esprit des branches qui durera jusqu’au 31 janvier 2012.
09.10.2011 | Lien permanent | Commentaires (2)
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