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14.04.2013
Les ateliers de Montfavet
Des choses à voir il y en a partout, même à Montfavet aux confins d’Avignon. Montfavet ne brille pas que par son «Christ» dans ma petite âme errante encombrée comme une mémoire collective. Cela faisait longtemps que je voulais m’y arrêter pour visiter l’Atelier Marie Laurencin signalé il y a des lustres par un Animulien répondant à l’aimable pseudo de «tonton Patrick».
Marie Lau et ses sucreries, vous allez me dire que c’est pas mon genre de beauté. N’allez pas croire cependant que j’ai viré ma cuti pour me chauffer au grand soleil de la culture culturante. Que nenni, l’Atelier ML est un atelier d’art abrité dans l’enceinte d’un Centre hospitalier et fréquenté par divers utilisateurs libres et volontaires, en provenance de l’intérieur ou de l’extérieur de l’établissement si j’ai bien compris.
Le Centre hospitalier de Montfavet est une ville dans la ville qu’on n’atteint pas sans demander son chemin dans les pharmacies si on n’a pas, comme moi, prévu un GPS sur sa bagnole de location. Du parking intérieur, il faut crapahuter le long de chemins bordé de verdures, d’une chapelle protestante, de bâtiments point trop imposants et clairs, d’église sur un tertre et de morceaux d’enceinte qui font penser un peu au mur de Berlin.
Bon point pour le coin : à l’entrée d’un Musée dit des Arcades, une stèle gravée porteuse d’une pensée de Lucien Bonnafé rappelle aux visiteurs d’une expo Camille Claudel certain dramatique point d’histoire qu’on passe encore trop souvent sous silence en nos temps chagrins.
Voulant garder du temps pour goûter à la chaleur nouvelette d’une après-midi déjà déclinante, j’ai orienté mes pas vers un espace voisin où sont montrées les meilleures productions de divers ateliers de créations (Marie Laurencin, Lumière, Peau d’âme) où j’ai remarqué surtout les sculptures en fil de fer, gaze brûlée, ficelle et papier brun de Françoise Subra Beillard.
Les attitudes accablées, courbées (sous le poids de quelle peine ?) sont impressionnantes, certaines tentatives d’envol aussi.
L’évocation cartilagineuse des matériaux utilisés, qui font penser à des chairs meurtries, à de la peau séchée, compense par une expressivité de bon aloi ce que ces œuvres peuvent avoir de trop aérien, de presque élégant.
Noté aussi la touche aisée, hâtive, décisionnaire d’un peintre du nom de Robert Nouguier dont les graffitis noirs, les coulures blanches structurent le jeu des couleurs dans des compositions aux papiers superposés avec des sphères gémellaires pour thème récurrent.
Plus bas, en cherchant bien, j’ai découvert l’Atelier Marie Laurencin où je ne suis pas entrée puisqu’il y avait des gens au travail à ce moment-là. Attenante, une antichambre white-cubesque montre des mini-expos temporaires. En ce moment, ce sont les tableaux de Béatrice Drai.
Et puis c’est tout. Il me restait juste assez de jour pour filer à Lourmarin manger des croissants aux pignons en sirotant du thé à la terrasse d’un bistrot pendant que les Parisiens défilaient sous leurs parapluies.
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11.04.2013
Plancher sur Jeannot avec Perrine Le Querrec
«Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un état». Qui ne souscrirait à pareille formule? D’autant qu’elle vient de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Et qu’elle est proclamée par un artiste né à Gaza. Proclamée sur savons de Marseille par Taysir Batniji à l’Espace Robert de Lamanon à Salon-de-Provence jusqu’au 16/06/2013.
Un gratuit du coin, le supplément Marseille-Provence 2013 de La Provence («ne pas jeter sur la voie publique») reproduit cette sculpture qui se présente –devinez quoi– comme une bande de parquet blond posé sur le sol!
J’en crus pas mes mirettes quand je vis cette œuvre savonnière et philosophique si visiblement dans la note du fameux plancher de Jeannot. Compte tenu de la notoriété grandissante de celui-ci et de la curiosité nouvelle et intéressée dont l’art brut est l’objet de la part de ceux qui le traitent comme un gisement, une telle rencontre était fatale.
La comparaison entre le travail de l’artiste gazaouite et le cri primal du paysan farouche recroquevillé sur le corps de sa mère dans sa ferme-fort Chabrol éclaire, s’il en était besoin, sur l’abîme qui sépare l’art brut authentique de ce qu’on nous vante sous l’étiquette flatteuse d’arts dits contemporains.
Message individuel et confiné directement projeté du cœur sur une surface ingrate et réfractaire d’un côté.
Discours universel à la cantonade, proprement gravé en capitales sages sur une matière molle de l’autre.
Je n’insiste pas mais il est bon de rappeler que Jeannot, dans son genre, est un écrivain. Non un idéologue, en dépit des idées dérangeantes qui s’agitent furieusement sous son burin. C’est le grand mérite de Perrine Le Querrec de ne pas l’oublier.
Dans un livre qu’elle vient de lui consacrer aux Editions Les Doigts dans la Prose, livre intitulé Le Plancher, elle trouve les mots justes pour le dire. La présentation de l’ouvrage et les quelques extraits que l’on peut lire sur le net nous prouve qu’on a affaire ici à une vraie correspondance entre une écriture et la création qui l’inspire.
Non à une rencontre manquée entre un méta-langage artistique fondé sur les références culturelles et la confidence terrible et meurtrie dont il subit l’influence. Voyant pour la première fois le plancher de Jeannot à la Bibliothèque Nationale en 2005, Perrine Le Querrec qui ne connaît pas encore son auteur a le sentiment de voir «Artaud crever la page d’écriture de son marteau».
C’est parce qu’elle s’abandonne à ce sentiment et qu’elle se laisse submerger par l’impression qui l’assaille : «ce n’est pas le silence qui m’accueille, mais une clameur un hurlement», c’est parce qu’elle creuse en elle le besoin de comprendre le pourquoi de ces surfaces «martelées, saignées à blanc» qu’elle donne naissance à ce livre.
Aujourd’hui où l’art brut est relayé par un discours muséo-universitaire dominant et par les commentaires coalisés des acteurs de sa circulation marchande (commissaires-priseurs, collectionneurs, galeristes spécialisés), il est réconfortant d’entendre une voix lyrique (au noble sens du terme) s’exprimer à son sujet. Comme au premier temps de l’invention de la notion par Dubuffet où le rôle des écrivains (Paulhan, Chaissac, Roché, Delteil, Ragon, Breton, Péret, Giraud etc.) était nettement plus prépondérant.
17:58 Publié dans art brut, Ecrits, Gazettes | Lien permanent | Commentaires (3) | | Imprimer | | |