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08.12.2014

Baptiste Brun et les brutes attitudes

Je partirai de la maison rouge. On va dire que j’y suis toujours fourrée. Mais je voulais pas rater la conférence de Baptiste Brun qui planchait le 4 décembre dernier sur le conditionnement du regard et l’art brut aujourd’hui.

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Assistance fournie. Fallu brancher la clim.

J’ai pas tout noté. Il fut question de Podesta «performer», des polaroïds de Horst Ademeit dont on n’est pas sûr «qu’il voulait que ça soit exposé de cette manière là»

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du Berger merveilleux qui chatouilla Max Ernst dans le sens du cadavre exquis (voir ma note du 13/06/2007).

Tout un tas de gros mots savants furent prononcés : «critériologie, démon de l’analogie, outil d’ébranlement épistémologique» et, le coolisme du conférencier aidant, tout le monde les dégustait à la petite cuiller.

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Même moi, je comprenais! En me tortillant sur mon banc. «Pauvre tache!», je me disais, «tu aurais pu avoir une chaise si tu t’étais inscrite!». J’interrompis mon monologue intérieur pour faire passer le micro à un auditeur. Il regrettait qu’il n’y ait qu’un seul Giovanni Bosco dans l’actuelle expo de la maison.

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Il aurait voulu en voir un mur. Le collectionneur, présent dans la salle, le consola en lui disant qu’il aurait aimé avoir de quoi le satisfaire.

«Vous me corrigerez …» répète modestement Baptiste Brun quand il s’aventure dans des analyses. On voudrait bien mais il ne se trompe guère. Et son topo repose sur des exemples précis.

J’aime pour ma part qu’il souligne combien le concept d’art brut «garde une efficacité opératoire malgré le phénomène de mode qui s’en empare». J’ai un peu plus de mal à le suivre quand il parle de «plasticité de la notion».

Mais j’ai trouvé passionnant qu’à propos d’Anarqâq, Baptiste Brun évoque ces cas-limites que Jean Dubuffet, après examen, a écarté de son corpus fondateur : les masques valaisans (voir ma note du 07/01/2007), Somük, artiste mélanésien occasionnel

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les bambous gravés kanak (voir ma note du 06/07/2008). Malgré la singularité qui s’y attache pour des amateurs d’art occidentaux un peu tradi, ces productions relèvent en effet de pratiques collectives plutôt que de conduites farouchement individuelles. Anarqâq dont les déroutants dessins ont été récemment montrés dans l’exposition L’Art Brut dans le monde ayant transcrit par exemple ses visions chamaniques pour des ethnologues.

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Notons à ce propos qu’un même esprit de commande aurait présidé aux crayons de couleurs anonymes de l’Angola qui sont montrés dans l’exposition Art brut, Collection abcd-Bruno Decharme. La plupart d’entre eux figuraient déjà l’année dernière dans l’expo Charles Ratton, l’invention des arts primitifs au Musée du quai Branly (voir ma note du 11/08/2013).

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Maureen Murphy, l’auteur de la notice consacrée à ces dessins dans le catalogue du musée, indique qu’ils furent réalisés par «les garçons du village de Lubani (…) sans doute à l’intention des Européens (…)». Raison pour laquelle, elle est loin d’être catégorique à leur propos : «s’agit-il d’art naïf, d’art primitif ou d’art brut ?».

La question que j’aurais aimé poser -mais la conférence touchait à sa fin- c’est comment ces dessins d’enfant dont l’un (du même genre) fut offert par Ratton à Dubuffet, ont pu en un an devenir BRUTS pure laine en passant du bord de Seine au Port de l’Arsenal?