25.11.2015
Mille et une
Pour celles et ceux qui s’inquiètent de mon silence, quelques points sur les ii. Nécessité tout d’abord de confirmer ce fait :
animula vagula c’est fini, a-ni-ni fini.
Non faute de matière; il y aurait au contraire trop à dire. Mais en dix ans d’exercice, le jus vert du monde -cela n’aura échappé à personne- a tourné en eau de boudin.
Inéluctablement ce sont les impératifs du commerce qui se sont mis à légitimer toute valeur dans un domaine qui n’avait pas de prix. Même si pour cela il fallut retourner le gant de crin de l’authentique pour le glisser dans la culotte du zouave néo-dadaïste et officiel.
En clair :
Là où l’on parle d’art brut aujourd’hui, c’est qu’il n’y est plus.
Là où en revanche il existe c’est qu’il n’est point nommé.
Voilà pourquoi, votre petite âme errante, convaincue d’être plus audible à défaut d’être entendue, a rejoint l’équipe d’un nouveau blogue où vous reconnaitrez son légendaire mauvais esprit.
Pour le nouveau blogue cliquer ICI
00:55 Publié dans art brut, Blogosphère, De vous zamoi, Ogni pensiero vola | Lien permanent | Commentaires (10) | | Imprimer | | |
02.09.2015
En plein dans le mille !
23:11 Publié dans In memoriam | Lien permanent | Commentaires (3) | | Imprimer | | |
29.08.2015
Chez Monsieur D on n’y voit que du bleu
Le bleu. Au bleu de la campagne, Monsieur D aime à se consacrer. Le bleu charrette? Le bleu dont on badigeonne les portes de grange? Le bleu du ciel plutôt. Un bleu dont on fait les flûtes. Car D, en gars jovial qui pose, vêtu d’un T-shirt customisé pour la presse locale, ne semble pas accorder plus d’importance que ça à ses expérimentations coloristes.
Lui qui, de par ses fonctions de pompier, baigna longtemps dans le rouge, aime simplement tremper sa maison jusqu’à mi-volets dans l’azur. Ou peindre de même les troncs des arbres de son jardin comme s’il n’y avait pas que les branches qui dussent se noyer dans le firmament. Décoration, land art? Allez savoir.
Monsieur D n’explique rien. Rien de ce sobriquet issu d’une chanson paillarde dont il s’affuble et que je réduis ici à une initiale. Rien de ces inscriptions sur la façade de sa maison située dans un petit patelin de Bourgogne. Rien de ces agglomérats de jouets, poupées, mickeys, posters de foot, photos de famille au milieu desquels il aime vivre. Leur sacrifiant les murs de chez lui.
Selon les observations de l’Animulien d’honneur (par ailleurs blogueur littéraire émérite dans la catégorie poids yéti) qui m’a signalé ce petit cas curieux, Monsieur D se borne à modifier régulièrement ses bombages scripturaux. Et voilà tout.
Selon Sophie, grand reporter pour mon blogounet dépêchée sur place au détriment de ses vacances, ledit D, qui fut tailleur de pierres, ne sculpte mie. Il se contente d’une table, d’une toile cirée, de quelques clopes pour être lui-même.
Il appartient (dans la catégorie poids plume tombée du ciel) à ces «originaux», chers au journaliste Charles Monselet qui les situait dans son «siècle dernier» ce qui nous fait remonter au dix-huitième siècle. Singulier, bizarre, chevalier de la marge, un peu dérisoire, D ne déroge pas à cette tradition de traviole bien vivante. Elle vaut bien l’autre : la grande tradition des coutumes collectives ancestrales dégénérée en spectacles touristiques car tout à fait morte celle-là.
N’allons pas faire cependant de Monsieur D un sauvage. Tous les jours il traverse sa rue morne pour aller dire bonjour à sa voisine qui tient l’épicerie-restaurant de l’endroit. Au petit garçon de celle-ci, tous les jours il apporte un œuf.
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25.08.2015
Le loup et « l’art brut »
En ces temps post caniculaires, une réaction à chaud s’impose. Car il n’y a pas, sachez-le, que des raisons d’espérer! Un papier anonyme du 19 août 2015 sur le site de La Nouvelle République Indre est là pour nous en convaincre. Franchement, je vous le recommande si vous avez besoin de vous casser le moral en cette rentrée radieuse.
De quoi s’agit-il? Mais des jeunes espoirs de l’avenir, voyons! Si j’ai bien compris il s’agit d’un atelier d’été au Musée de l’Hospice Saint-Roch à Issoudun. Une photo montre une demi douzaine de sympathiques fillettes et garçonnets bien propres sur eux représentant sagement des araignées au moyen de brimborions en barquettes baptisés «objets naturels».
Sous la houlette d’une pédagogue qui fait ce qu’elle peut pour occuper les tipeus. Le loup car il y a un loup c’est qu’ils sont censés apprendre «à travailler l’art brut».
Cette remarque montre bien que l’auteur de l’article n’y connaît rien. Ce que confirme sa conclusion au clairon : «Plus de secret avec l’art brut». Si justement, monsieur l’issoldunois journaliste! Que des secrets avec l’art brut. Jamais élucidés. Et de la trouille épaisse à côtoyer sans faire comme si c’était une tartine de Brutella.
Je n’ai rien contre l’idée qu’on puisse aider les enfants à exorciser leurs cauchemars.
Quand ils le demandent. Et non quand les institutions ont besoin de justifier leur existence devant les parents qui trouvent commode de s’adresser à elles. Mais faire croire aux minots qu’ils font de l’art brut en classe dirigée, c’est du foutage de leur innocence. Même si on cherche pour cela la caution de Pierre Bettencourt et de Monique Apple.
Même si on prend prétexte de l’exposition (jusqu’au 30 août 2015) des Veilleurs de Brigitte Terziev, une artiste qui mérite visiblement mieux. Beaucoup mieux.
Cliquer sur l'image
15:20 Publié dans De vous zamoi, Ecrans, Expos, Gazettes, Nos amies les bêtes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : monique apple, brigitte terziev, issoudun | | Imprimer | | |
23.08.2015
Des pierres qui parlent en provençal
«Ça mérite pas! Je suis pas Rodin!» me dit Roger quand je lui demande si les journalistes locaux se sont intéressé à ses sculptures. Roger peut-être ne s’appelle pas Roger mais il ne tient pas à ce que son nom soit prononcé. Même s’il me laisse libre d’évoquer son travail sur le Net pourvu qu’il n’en sache rien.
Les cigales, Mistral,
une Arlésienne qu’il préfère de profil…
Roger sacrifie au folklore de sa Provence natale. Sans doute vaut-il mieux, dans un village, ne pas faire de vagues mais Roger aime la littérature. Vraiment. Quand nous arrivons, il lit Thyde Monnier. D’une démarche claudicante, il s’est approché quand j’ai garé Blanchette, ma Clio d’été, devant son portail. Les Québécois appellerait ça un parterre. Cet espace entre la maison et la route que les créateurs à l’état natif comme Roger aiment à transformer en showroom de leur imaginaire.
La route ici est un bien grand mot. J’étais partie à la recherche de l’entrepôt d’un brocanteur. Une erreur d’interprétation de mon soporifique GPS m’a mis sur la piste du lieu où Roger cache et montre (tout à la fois) sa tranquillité et ses créations d’art.
Un plaisant joufflu, une Torpédo,
un pélican sur un pilastre.
Une stèle à la mémoire d’une chienne dont Roger est inconsolable.
Avec celle-ci on approche du meilleur de cet autodidacte du bas-relief et de la ronde-bosse. La pierre des Baux qui abonde dans cette région du sud d’Avignon où Roger réside, le sculpteur en a fait sa confidente. Lui qui fut maçon et tailleur de pierres, elle lui parle. Elle l’avertit quand il risque de la fendre. Elle lui tend ses veines qu’il devine comme un sourcier.
Roger est d’un monde dont le moule est cassé. Son grand-père était carrier. Son instituteur exigeait qu’il parle français et non sa langue provençale. Une photo de sa classe prise en 1946 montre des gamins marqués par les privations de la guerre. Pareil homme incline à ne pas désespérer de 2015.
J’aime sa façon presque médiévale de renouer avec les Profits champêtres et ruraux. Les bergers, les faucheurs, il en connaît la hiératique noblesse.
Roger modestement sait bien quels sont ses morceaux de bravoure. Son mazet étoilé est d’une poésie indéniable. Et l’on composerait à loisir une galerie avec ses portraits (animaux compris).
«Si, Roger, ça mérite! Votre œuvre n’est peut-être pas abondante mais, issue d'un coeur sincère, elle suffit à justifier une vie».
17:11 Publié dans art brut, art naïf, Glanures, Sites et jardins, Vagabondages | Lien permanent | Commentaires (1) | | Imprimer | | |
03.08.2015
Une Norvège rustique-moderne
Pas d’eau chaude depuis 3 jours. Mon plombier est à la pêche. En Norvège. Un pays dont je rêve! Et mon daddy aussi dont la collection de timbres se la pète avec un tas de vignettes où s’étale le mot Norge.
Monsieur Mourad (mon plombier) a trop la frite avec ses escapades fish and chips! Pour me venger j’ai déniché sur une brocante le bouquin du photographe Rune Johansen : Insolite Nordland. Moi c’est Nordland qui m’a interpellée mais je vous vois frétiller des moustaches (ou du ruban Minnie) devant l’adjectif insolite. Vous n’avez pas tort.
Ce Rune né à BODØ (je le fais en cap car j’ai pas de petit Ø dans mes caractères spéciaux), une ville un peu au delà du cercle polaire arctique, excelle dans le rendu des intérieurs candidement kitchounets de ses parents ou voisins et les portraits plus dans leur jus-tu-meurs d’iceux. N’allez pas croire que je bouffonne.
Rune Johansen a inventé une variété d’insolite de la plus belle eau. Celle qui est si authentiquement au ras des paquerettes de la réalité qu’elle passe inaperçue. «Aucune de mes photos n’est mise en scène» déclare Rune Johansen. «J’immortalise la part de simplicité et de proximité qu’on trouve chez les gens ordinaires sans changer ni leur intérieur ni leur identité».
Tout un programme. Johansen révèle de ce fait le sens rustique-artistique du décor intime de ses concitoyens du terminus nord constituant son pays natal. Sa préface qui évoque sa rencontre inaugurale avec Erlend, un vieil original mal léché, seul habitant d’un coin abandonné au bout d’un fjord, vaut 10. Elle prélude aux rencontres avec les personnes dont le photographe a eu la permission de faire le portrait.
Sa tante Sigrid près de sa lampe Cerf dans le coucher de soleil. Les jumeaux Kiss et leurs tatouages identiques.
Simon, un géant viking auteur d’une toile naïve représentant son chalet.
Shirlei et son uniforme de collectrice caritative. Sans oublier d’autres personnages aux noms plus pittoresques tels que Stale le salaud et Henrik la ferraille. Plusieurs d’entre eux sont des accumulateurs compulsifs comme oncle Leif dont la vieille écurie est un chef d’œuvre limite art brut.
Je dis limite parce que Rune Johansen possède cette faculté rare de camper sur les limites où rien des choses de la vie n’a encore reçu de dénomination précise.
Que dire par exemple d’une chambre au portrait du roi Olav sur papier peint Muppet Show? Art modeste? J’aime la chambre de Truls qui orne la couverture du livre : l’histoire de la musique du monde entier tapissée sur les murs.
Truls est l’auteur d’un rouleau de 4 mètres où il a noté le nom des villes des USA de plus de 50000 habitants avec leur nombre en 1980-1990. Et puis il a appris le tout par cœur. «Du grand art, si vous voulez mon avis» commente le photographe. Je ne suis pas loin de penser comme lui.
18:07 Publié dans Ailleurs, Images, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rune johansen, photographes, norvège, art modeste | | Imprimer | | |
27.07.2015
La Mireille : une carrière d’enfer
«Fait par un ouvrier». C’est le programme de la journée. Nous entrons dans la carrière. La carrière de la Mireille.
Celle des Baux-de-Provence dont Les Alpilles, la verte Encyclopédie d’une montagne provençale pilotée par Guy Barruol et Nerte Dautier nous signale les dessins réalisés dans l’entre-deux guerres par des carriers.
On ne voit pas grand chose sur la photo illustrant la notice qui s’intitule de manière alléchante : «Des artistes au quotidien». C’est même plutôt décevant ces portraits d’hommes politiques un peu trop bien léchés «à l’ocre, au noir de fumée, au crayon ou au charbon de bois».
Mais il y a là graffiti sous roche! Le texte parlant aussi de «simples noms avec une date, pensées ou extraits de chanson» cela suffit à piquer la curiosité. D’autant que Nerte Dautier n’oublie pas de noter que ces graffiti parsemant les parois «restent peu connus car la majorité des carrières anciennes sont dangereuses et fermées au public et ces dessins se trouvent souvent à une très grande hauteur ou dissimulés dans la profondeur des galeries souterraines».
Etant donné mon inaptitude à la grimpette, je me contentai donc d’une exploration gougueulienne. Je pensais trouver un max de photos sur le sujet et bien tintin! Heureusement un hardi explorateur du nom d’Anthony Viallard a posté des images sur flickr! Je lui en emprunte quelques unes en guise d’hommage et pour mieux signaler son reportage. Mais allez voir l’album qu’il a consacré au Patrimoine Alpilles. Cet album contient 18 photos de graffiti-dessins attribuables aux carriers (li traçaire en provençal). Certains proviennent d’un autre lieu (la carrière de Belle Vue). Tel ce hussard bleu évanescent que j’ai tendance à préférer.
Nerte Dautier dans l’ouvrage cité plus haut évoque aussi un «Charlot pensif assis sur une caisse» et «une jeune et accorte gymnaste surveillée par un lion à tête humaine» qui orneraient les carrières de Fontvieille. Comme je n’ai pas pu mettre la main dessus, je fonde le vague espoir qu’un de mes lecteurs nous en signalera des traces parues dans des publications.
En attendant, la collecte d’Anthony Viallard dans les carrières abandonnées des Alpilles témoigne de la vivacité de cet art populaire qu’on enterre aujourd’hui dans les réserves des «Mucems». Et peut-être même de l’irréductibilité de cet art brut des catacombes vers lequel il ne faudra pas hésiter à se tourner au fur et à mesure que l’art brut de surface subira les feux niveleurs des sunlights. Ceci d’autant que la recherche d’Anthony, menée sans esprit d’inventaire systématique a su préserver l’essentiel : la fraîcheur de la trouvaille.
00:38 Publié dans Glanures, Images | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : graffiti, carrières | | Imprimer | | |
20.07.2015
Fraîcheur de vivre : Matija Skurjeni
Ce qui me rafraîchit c’est Skurjeni. En ces temps chauds bouillants, rien de tel que les dessins de ce peintre croate pour me tirer de ma torpeur. Skurjeni Matija, comme il aimait signer de cette scolaire façon qui place le prénom après le nom. Skouryéni (c’est ainsi que ça se prononce), fit un passage sur terre entre 1898 et 1990. Au moment où j’écris, il fait soleil à Veternica, le village où il est né. Dans cette région, il y a des cavités souterraines où il fait frais. Faut-il y voir l’entrée de cet univers onirique skurjenien qui a si fort impressionné le poète Radovan Ivsic?
On peut se poser la question devant ces Adam et Eve modernes sortis de la tête ronde de Matija. Mais qu’est-ce qui est dangereux ? Le mystère -presque sexuel- de cet orifice, buissonnier comme de l’art topiaire, qui aspire les personnages? Ou «le rets des routes [qui] guette le voyageur sorti de la grotte» dont parle Ivsic ?
Créateur de l’interstice s’il en est, Matija Skurjeni campe ainsi comme chez lui sur la frontière entre intérieur et extérieur. Avec une capacité poétique étonnante de ramener dans ce monde-ci des images implacables venues de l’autre. Tel ce prémonitoire et toujours ravageur Ange de la Guerre.
Une guerre dont ce berger, plus tard mineur puis cheminot, eut le malheur de boire la coupe empoisonnée entre 1916 et 1922. Aucune actualité n’est pendue comme une chauve souris au plafond du souvenir de Skurjeni. C’est reposant. Dans une maison de poupée géante à Zapresic son œuvre se laisse voir.
Souvent elle tire son épingle du jeu de ce naufrage de la peinture naïve yougoslave des années 60/80. C’est ce qui me plait à moi.
C’est donc sans raison que j’en cause. Exceptée celle fournie par le hasard. Celui d’une rencontre avec un ch’ti catalogue de rien du tout à l’Emmaüs d’Arles. Quatre méchantes reproductions, une couverture et des dessins de l’artiste en décoration.
Ça date du pic de l’intérêt parisien pour Skurjeni : 1962. Chez Mona-Lisa dans le 7ème arrondissement. L’ouverture de cette galerie fréquentée par l’intelligentsia de l’époque (1957) étant contemporaine des premières expos de Skurjeni (1958-1959) dans son pays. Après qu’il se soit, la retraite venue, consacré à la création d’art.
Ce que j’aime dans ce catalogue c’est qu’on y sent une complicité-simplicité entre le peintre et Radovan Ivsic son préfacier.
Et que l’iconographie dénote un choix respectueux de la verdeur inaugurale de cette œuvre qui, au beau temps de l’art brut et de l’art naïf s’installe comme un «canard du doute» dans le paysage.
19:57 Publié dans art brut, art naïf, Expos, Glanures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : matija skurjeni, radovan ivsic, art naïf, art brut | | Imprimer | | |
16.07.2015
Vive l’art à la mie de pain !
Tellement l’art brut est partout aujourd’hui qu’il est difficile de ne pas s’empêtrer dans sa tarte à la crème. Pas facile d’échapper à un lieu commun! C’est à qui cet été créera son événement sur le sujet. Même si le sujet en question a peu à voir avec sa définition.
Paradoxe de l’Histoire, l’art brut est devenu la première chose qui saute à la cervelle du conseiller culturel lambda en mal d’exposition à base de braves amateurs régionaux de l’étape ou de soit-disant handicapés bombardés artistes pour l’occase.
Les gros collectionneurs, les zinzinstitutions, les espécialistes et les nouvelles dents longues du business d’un art qu'ils voudraient bien faire jouer dans la cour des grands contemporains donnent le mauvais exemple en ne respectant plus ce qui fait le charme de l’art brut : son caractère furtif.
Pourquoi donc se gêner? Dans cette situtation, une cure d’occultation s’impose aux vrais amoureux d’art brut. A quoi bon relayer l’air d’un temps vicié? A moins… A moins qu’on ne s’attache aux interstices… Où donc repérer les traces fugaces de l’art brut si ce n’est dans les lectures de rencontre?
Beate Klarsfeld dans ses Mémoires croisés à ceux de Serge relate son incarcération dans la Tchécoslovaquie de 1971 alors en proie à un «redoublement d’antisémitisme». «La bonne humeur règnait» se souvient-elle en évoquant ses compagnes de détention. Elles tenaient au gardien «de grands discours en riant (…). Le reste du temps, elles étaient occupés à se fabriquer des cigarettes elles-mêmes (…). Avec la mie de main que nous ne mangions pas, (une) jeune fille joyeuse sculptait de petites figurines».
Voilà ! Voilà qui fait rêver, non ? Moi, ces petites figurines suffiront toujours à me rendre béate.
20:26 Publié dans art brut, De vous zamoi, Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : beate et serge klarsfeld | | Imprimer | | |
29.06.2015
Caché dans la maison des fous
Vive la Procure! C’est les meilleurs. Les meilleurs libraires s’entend. Je venais d’écumer sans succès le Quartier Latin pour trouver le dernier Didier Daeninckx. Confetti, ballons et bonne humeur, j’étais tombée dans la Gay Pride. Emportée par le tube des Rita Mitsouko : «et quand tu ris, je ris aussi».
Le temps de m’en extraire et de couper à la fièvre acheteuse d’un samedi de soldes et il était là dans mes mains ce Caché dans la maison des fous. Un bouquin qui urgeait pour moi depuis que, sur Le Canard enchaîné d’un papy du métro, j’avais looké l’article de Frédéric Pagès en rendant compte : Contre toutes les camisoles.
Latin, Procure, Marcia Baïla, fierté et tromé, vous allez dire que je me vautre dans «la déconniatrie». Mais comme le dit le psychiatre François Tosquelles dont les propos sont rapportés par Daeninckx : «Déconne, déconne mon petit [ou ma petite]! Ça s’appelle associer. Ici personne ne te juge, tu peux déconner à ton aise.» Francesc Tosquelles j’ai déjà eu l’occasion de vous en parler dans ma note du 6 juin 2007 (suivez les liens, ils sont encore actifs).
Et j’ai déjà évoqué aussi (voir mon post du 14 avril 2013 sur Les Ateliers de Montfavet) Lucien Bonnafé. Tous deux travaillaient pendant la guerre à Saint-Alban en Lozère. S’acharnant à inventer une psychiatrie plus humaine. Faisant des pieds et des mains pour empêcher leurs malades de crever de faim. Exerçant en outre des activités de Résistance.
Saint-Alban c’est l’asile où Auguste Forestier avait installé son atelier. Il y produisait «des crêtes, des ailes, des mains, des bras, des formes (…) décoratives» qu’il assemblait ensuite pour en faire les rois, les chevaux, les militaires, les bêtes de son Gévaudan personnel. Cela intéressait Paul Eluard qui se réfugia là des mois durant avec Nush, sa compagne. Dès le printemps 1944, Jean Dubuffet découvrira sur leur cheminée une sculpture de Forestier ramenée de Saint-Alban.
Dans une langue limpide où l’information documentaire n’est jamais lourde, filtrée qu’elle est par un sens aigu de l’existence, Didier Daeninckx nous restitue l’ambiance de cette époque et de ce lieu où l’art brut prit sa source. Comment ? Par l’intermédiaire de Denise Glaser, une personnalité qu’on est un peu surprise de
trouver là.
Denise Glaser, mon daddy se souvient avec émotion de son écoute et de ses silences quand elle interviouvait des vedettes de la chanson aux temps héroïques de la télé. Jeune, résistante, refusant l’étoile jaune, elle dut se cacher en 1943 à Saint-Alban.
Daeninckx imagine les rencontres entre le poète, sa muse, le sculpteur fou, la future présentatrice, les psychiatres et leurs épouses. Les rencontres et les conversations. L’écrivain n’hésite pas en effet à dialoguer les scènes comme s’il y avait assisté. Nous y participons avec lui.
Caché dans la maison des fous publié par les Éditions Bruno Doucey n’est pas destiné à rester sous le boisseau. Se le procurer vite par conséquent.
01:12 Publié dans art brut, De vous zamoi, Ecrits, Lectures, VU SUR ANIMULA | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : didier daeninckx, saint-alban, françois tosquelles, lucien bonnafé, denise glaser, paul eluard, auguste forestier, rita mitsouko | | Imprimer | | |